S’il est indéniable que l’Assemblée Nationale, appelée ailleurs Chambre des représentants du peuple a été souvent une chambre d’enregistrement pour l’exécutif, le Conseil National de Transition, CNT dépasse toutes les bornes. Composé d’hommes et de femmes nommés par décrets signés par le Président de la transition selon des critères plus que discutables, ce parlement de transition se sent plus redevable du gouvernement que du peuple, dont il est pourtant censé être le porte-voix. Tout y passe comme une lettre à la poste, même les lois les plus controversées ou celles qui ne prennent pas en compte les intérêts du peuple. Supposé être l’organe législatif pour contrôler l’action gouvernementale et voter des lois, le CNT est devenu un instrument de promotion d’un homme. Le dernier acte qu’il vient de poser, celui d’adopter à l’unanimité des membres présents la loi de révision de la Charte de la transition a fini par convaincre les plus naïfs que les membres du CNT ne défendent pas les intérêts du peuple, mais leur propre chapelle. Ils ont fait sauter le verrou de l’interdiction d’être candidat aux élections, tant pour eux-mêmes que pour le Président de la Transition ainsi que les membres du gouvernement. Comme pour le Président de la Transition, vont-ils enfin se donner le statut de député sans être élu avec un mandat de cinq ans renouvelables autant de fois que nécessaire ?
L’enfer c’est les autres, semble être le slogan des tenants du pouvoir au Mali, tant les lois et les principes sont violés à tour de bras sans que cela n’émeut personne. La Constitution et toutes les lois y afférentes, la Charte de la Transition, tout ce dont le Mali dispose comme arsenal juridique est piétiné, pas par les citoyens lambda, mais par ceux qui en sont le garant. D’abord à titre de rappel, dans aucun pays digne de ce nom, une charte qui est « une Constitution passagère » ne saurait être au-dessus d’une Constitution comme c’est le cas au Mali. En effet, les autorités de la transition en se donnant un mandat de cinq ans renouvelables sans le quitus du peuple et sans l’avis de la Cour constitutionnelle violent la loi fondamentale qui définit le mode d’accès au pouvoir. Le CNT en adoptant une loi autorisant le gouvernement à réviser la Charte de la Constitution se rend complice et coupable de la violation de la Constitution. Il ne rend pas non plus un bon service au peuple qui a véritablement hâte de quitter cette impasse qu’est la transition. Pour rappel les autorités mettent en avant l’insécurité, qui n’est certes pas fausse, mais qui ne saurait justifier leur maintien de façon durable au pouvoir sachant bien qu’une transition ne pourrait jamais être la solution à cette problématique sécuritaire. Le Conseil National de Transition, qui aurait dû être ce haut lieu des débats démocratiques et de la défense des intérêts des sans voix, s’est mué en porte-voix du gouvernement et en une chambre d’enregistrement.
Comme pour le Président de la Transition, Les membres du CNT vont-ils enfin se donner le statut de député sans être élu, avec un mandat de cinq ans renouvelables autant de fois que nécessaire ?
L’on s’achemine sans nul doute vers l’uniformisation des mandats des organes de la transition, qui sont au nombre de trois, à savoir le Président, le Gouvernement et le Conseil National de transition. Si pour les deux premiers organes « l’affaire est déjà dans le sac » ils ont eu leur part, c’est -à -dire les cinq ans renouvelables, avec la complicité du troisième organe qu’est le CNT. Personne ne blâmera le troisième organe qui pourrait lui aussi se donner le même mandat en tout cas pour son chef qui est l’un des Colonels qui ont perpétré le coup d’Etat. Donc que l’opinion ne soit pas surprise d’une session extraordinaire du CNT pour adopter un nouveau règlement intérieur révisé et adapté au contexte d’autopromotion des autorités de la transition. Il ne fait l’ombre d‘aucun doute que le CNT, après avoir embelli et adopté à l’unanimité la loi pour la révision de la Charte, s’attend à un service après-vente, à un retour de l’ascenseur au grand dam de la démocratie et aux antipodes des intérêts du vaillant et résilient peuple malien. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si les autorités qui nous gouvernent sont conscientes de la gravité de la crise multidimensionnelle que traverse le Mali en ce moment ? Leurs comportements, la boulimie du pouvoir qu’elles ont, l’indifférence à la crise socio-politique ou économico-financière prouvent à suffisance que le devenir du Mali est leur dernier souci.
Elles feraient mieux d’envisager des solutions idoines et des stratégies permettant de sortir de cet imbroglio. Le plus tôt serait le mieux, car la survie des maliens en dépend largement
En somme, Nous ne cesserons jamais de rappeler que la meilleure des vertus est celle qui permettrait à une autorité suprême de rassembler ses concitoyens afin d’avoir un consensus dynamique autour des grandes questions d’intérêt national. Celles de la transition au Mali ne semblent pas être dans une bonne prédisposition à inoculer ce remède efficace contre le MAL malien.
Youssouf Sissoko
L’Alternance