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Médicaments de la rue : Un phénomène à plusieurs facettes

La consommation de ces produits pharmaceutiques, le plus souvent falsifiés, peut avoir de graves conséquences sur la santé. Malheureusement, certaines personnes développent une addiction à ces «drogues»

 

Médicaments falsifiés, illicites ou médicaments de la rue. Les spécialistes s’accordent sur ces termes pour aplanir un éventuel conflit de terminologies qui pourrait faire passer au second plan la menace de ces produits pharmaceutiques, mal conservés et sans principe actif, sur notre santé.

Les voix autorisées de la direction de la Pharmacie et du médicament (DPM), de la Pharmacie populaire du Mali (PPM), du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et autres structures ont toujours décrié le commerce du médicament dans la rue, mais aussi combattu le phénomène à travers sensibilisation et actions mises en œuvre pour le circonscrire. Les plumes alertes dans les grands journaux de la place aussi ont interpellé les autorités compétentes à mettre le holà à ce fléau. Mais tous semblent ne plus nourrir d’illusions à voir le phénomène réduit à sa portion congrue. Parce que ces médicaments inondent le marché et constituent une menace réelle sur la santé de nos compatriotes.

On peut comprendre la logique qui sous-tend le recours à ces produits illicites parce que chaque fois qu’on aborde la question avec ceux qui y ont recours, ils vous opposent simplement des raisons d’ordre financier, autrement dit la cherté des médicaments dans un contexte où le portefeuille du Malien moyen est pressuré par une conjoncture économique à nulle autre pareille. Il est donc difficile de faire admettre à ces personnes que les médicaments de la rue représentent un préjudice sur la santé publique.

Analyses d’un phénomène à diverses facettes. Exposés sous un soleil ardent, à la poussière, à la manipulation des vendeurs et des consommateurs ou conservés dans de mauvaises conditions, ces médicaments illicites représentent un grand danger. Parce que le médicament relève de la science du seul pharmacien et ne doit être manipulé que par lui.à ce propos, il convient de dire que le médicament n’est pas une substance quelconque et doit répondre à des exigences curatives et préventives.

Les produits pharmaceutiques illicites sont malheureusement consommés par nos compatriotes pour «guérir» de différentes pathologies, notamment du paludisme, des maladies diarrhéiques, des douleurs articulaires ou lombaires, de l’estomac, de la toux et bien d’autres.Ces médicaments de la rue ont-ils réellement un impact sur les maladies ? Est-ce un effet placebo ?

ABSENCE D’ÈTUDES FIABLES-Une réponse est admise par tous. Ces médicaments sont simplement accessibles à la bourse du pauvre. Pourtant, ils sont nuisibles pour notre santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 100.000 décès par an dans le continent africain sont imputables au commerce de ces médicaments contrefaits, falsifiés et illicites. Ils sont achetés sans prescription médicale, c’est-à-dire sans ordonnance.

Dr Sory Sissoko, pharmacien, rappelle les risques des médicaments de la rue sur la santé des populations. Ils sont dangereux parce que sans provenance exacteet les laboratoires de fabrique de ces médicaments ne sont pas connus encore moins homologués. Pour le professionnel du médicament, ces produits illicites ne contiennent aucun principe actif. Dr Sissoko énumère quelquesrisques qui peuvent aller d’une destruction des reins, à des cardiopathies en passant par une destruction du foie, l’anémie, entre autres.

Il fait remarquer aussi que ces médicaments illicites peuvent produire les effets contraires et conduire à la mort. Pour le pharmacien, ces médicaments sont fortement déconseillés et surtout aux femmes enceintes. Elles ne doivent pas en prendre du tout. Et d’ajouter que malheureusement mêmes les personnes alphabétisées développent souvent une addiction à ces médicaments.

Le président du CNOP, Dr Aliou Badara Wade déplore ce phénomène. Son organisation ordinalea saisi à travers une correspondance le ministère de la Santé et au Développement social, via ladirection de la DPM afin de prendre des dispositions utiles pour lutter contre le fléau, notamment l’implication des services de répression comme la police judiciaire.Pour lui, il est clair qu’il y a un dysfonctionnement dans le contrôle des importations de ces produits.

Dr Wade juge inadmissible de permettre à des non professionnels du médicament ou à des importateurs qui ne remplissent pas les conditions requises de vendre des médicaments. Il en appelle de tous ses vœux une réaction vigoureuse des autorités compétentes et des acteurs du secteur. La consommation de ces médicaments peut être à l’origine de graves complications sur la santé des populations, notamment des jeunes. Il cite volontiers l’exemple du tramadol qui fait des ravages dans le milieu jeunes. Le président du CNOP parle de la réglementation par rapport à l’importation des médicaments.

Pour lui, tout grossiste doit adresser une demande d’autorisation d’importation des produits pharmaceutiques à la DPM avec une facture pro forma et le nom du fournisseur. Après vérification, une autorisation est accordée et la procédure d’importation commence jusqu’à l’entrée du produit. Ilsouligne également que notre pays a adopté la loi N° 0031 du 14 juillet 2017, autorisant la création de l’Ordre des pharmaciens du Mali et condamne l’exercice illégal de la profession de pharmacien en ses articles 10 et 11.

Unanimement, on reconnaît que la consommation des médicaments falsifiés ou de la rue, peut causer des dégâts sur la santé humaine. Mais le Dr Aliou Badara Wade relève qu’il n’y pas eu des études spécifiques d’impact de ces produits sur la santé des consommateurs. Il s’est dit convaincu que l’impact au niveau économique et sanitaire est incommensurable.

LES MÉDICAMENTS HORS DE PRIX-Tout le monde s’accorde à dire que le marché «Place koro» est un grand point de vente des médicaments de la rue dans la capitale. Moussa Coulibaly, vendeur des médicaments de la rue y est installé depuis 10 ans. Il propose une gamme variée de médicaments contre de nombreuses pathologies. Il explique que même des malades au sortir d’une consultation spécialisée à l’hôpital se pointent avec des ordonnances pour acquérir des médicaments.

Il fait volontiers allusion à certaines solutions (les sérums) et injections. Pour lui, il n’y a pas à se casser la tête pour comprendre cette sollicitation. C’est parce que les médicaments dans les officines pharmaceutiques ne sont pas accessibles, autrement dit coûtent cher, que les malades préfèrent se soigner avec ces médicaments. Le vendeur de médicaments illicites nous fera aussi une troublante confession. Il précisera que certains pharmaciens d’officine s’approvisionnent en médicaments chez eux. Il indique travailler lui-même avec des partenairesindiens et chinois qui le ravitaillent.

Autre vendeur de médicaments de la rue, Oumar Diallo, affirme que leurs médicaments incriminés comme illicites sont aussi vendus dans lespharmacies. Selon lui, ils disposent des mêmes fournisseurs qui profitent bien de cette niche. Certains ont ouvert des représentations dans notre pays. Auparavant, Guinéens, Ghanéens, Sénégalais et Burkinabé avaient pignon sur rue dans ce commerce de médicaments de la rue.Mais la tendance à changer et nos fournisseurs sont maintenant d’autres nationalités.

Fatoumata Coulibaly, mère de famille, achète couramment des médicaments de la rue parce que, selon elle, les produits au niveau des pharmacies hospitalières ou dans les officines sont hors de portée, surtout certaines spécialités. Elle ose même la comparaison entre les médicaments de la rue et ceux délivrés dans les officines pharmaceutiques et relève que ceux de la rue sont plus de qualité parce qu’ayant des effets immédiats. Développerait-elle simplement une addiction pour ces «drogues» ? Mamoutou Diarra, grand consommateur de médicaments de la rue évoque l’accessibilité financière de ces médicaments de la rue. «Je réalise ainsi des économies sur les dépenses de santé avec les médicaments de la rue» précise-t-il.

Quelle est la provenance des médicaments de la rue ? La réglementation en vigueur dans notre pays précise pourtant qu’il faut disposer d’une licence de grossistes pour importer des médicaments. Certes la PPM qui est la plus grande centrale d’achat de médicaments approvisionne le pays, mais une soixantaine de licences d’importation des médicaments a été aussi délivrée. Une des exigences reste la présence d’un pharmacien dans l’équipe. Malheureusement, on a connu une pratique qui n’est pas prête de s’arrêter maintenant. Les pharmaciens continuent aussi de monnayer leurs licences auprès des commerçants.

Amsatou Oumou TRAORÉ

Source : L’ESSOR

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