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Méchage : J’aurais pu…

Pour les besoins de la cause, l’image a été ressortie ces derniers temps, et elle fait le buzz sur les réseaux sociaux comme on dit dans le jargon de ce milieu. Où l’on voit le Président de la République rire à gorge déployée du slogan de l’époque, « boua ka bla ». Profitant de l’inaugurant de l’échangeur multiple de Ségou, IBK qui aime à se laisser aller souvent à des moments de franches rigolades, s’était complètement lâché. « Ko, ko boua ka bla » parvenait-il à dire à peine, le corps saisi de spasmes à cause d’un fou rire. Avant Ségou, il y eut Kangaba. Les festivités de la journée du paysan battaient leur plein. L’ambiance était à la joie et aussi aux promesses de lui assurer une victoire dès le premier tour à Kangaba (mes cousins malinkés ignoraient que pour la Présidentielle, c’est le pays tout entier qui constituait une seule circonscription électorale). Emporté par les chansons « guerrières » entremêlées de louanges chantées pour lui et son illustre ascendant, et l’odeur de poudre des fusils de chasse des dozo, IBK s’est laissé aller, comme il sait le faire quand il est d’humeur badine. Il a clairement dit à l’intention de ceux qui s’égosillaient « boua ka bla » sous forme de thème de campagne, « boua ta bla, mogo chi fa t’a ta ». On connait la suite. Sauf que visiblement le refrain « boua ka bla » a semble-t-il ressuscité sous une autre forme. Parce que les doléances du M5 ne sont qu’une forme plus soutenue de « boua ka bla ».

 

Je ne reviendrai pas sur les difficultés internes au M5. Je sais qu’ils en ont déjà plein les narines de vouloir colmater les brèches et donner un visage lisse aux yeux de l’opinion. Personne n’est dupe. Et pourtant je les avais mis en garde parce qu’ils me paraissaient très sûrs d’eux, donnant l’impression que c’était cuit et qu’ils n’avaient qu’à se baisser pour ramasser le pouvoir. Penser que le Président de la République était affaibli au point de ne pouvoir opposer la moindre résistance était l’erreur à ne pas commettre. Et ça n’a pas manqué. Je suis presque sûr qu’en accourant au-devant du Président le jour de leur audience, les responsables du M5 (ils y étaient tous pratiquement à l’exception de Cheick Oumar Sissoko et du très respecté, très éclairé, le guide, l’imam Dicko qui avait été reçu quelques heures avant eux) imaginaient trouver un vieux grabataire qui allait se rendre à leurs arguments à défaut de se rendre tout court. L’image de la barbe un peu blanchie et du visage fatigué d’IBK relayés sur les réseaux a dû les tromper. Mais ils ont été surpris. Oui, oui, ils ont été littéralement bluffés par « boua » qui a été pour le moins expéditif. Chrono en main, l’audience n’a pas dépassé 15 minutes. Je crois qu’ils ont été littéralement soufflés. Ils en parlent encore aujourd’hui. Le Président de la République les a mis dans les cordes sans même se froisser. Et même lors de la conférence de presse de restitution, ils en parlaient encore. Le Président de la République leur a tout simplement conseillé, après avoir pris connaissance de leur mémorandum, de prendre attache avec les partis de la majorité présidentielle. Ils l’ont pris comme une estocade. Tels des boxeurs surpris par un violent uppercut, ils ont mis du temps avant de reprendre leurs esprits. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie, mais ils ne s’attendaient pas à cette botte secrète de « boua ». Celui-ci a, de toute vraisemblance, voulu leur dire qu’ils ne boxent pas dans la même catégorie.

Et puis entre nous, IBK les connait, tous autant qu’ils sont. Les crises changent mais les acteurs restent les mêmes. A l’exception notable de Mme Sy et du très respecté et très éclairé imam Dicko, tous étaient des animateurs acharnés du COPPO de 1997 qui avait été créé suite au fiasco électoral. A l’époque IBK était le Premier ministre du président Alpha et la rhétorique n’a pas beaucoup évolué. Feu Almamy Sylla dirigeait le FSD, Front de Sauvegarde de la Démocratie. Dans leurs excès, je me rappelle qu’ils avaient battu à mort un agent de la police, le sergent Moussa Diarra, lors d’un meeting organisé au Palais de la Culture. Mais le pouvoir les a alpagués et les a tous envoyés au gnouf, à l’exception de Choguel Maïga. Le M5 suit à peu près le même itinéraire oubliant juste que l’histoire ne se répète pas. Après les morts de la désobéissance qui ne peuvent pas passer en pertes et profits (voir l’article en page 2), le M5 a comme du plomb dans l’aile. Bien avant la deuxième médiation de la CEDEAO, on a senti comme des craquellements dans le bel édifice. Il y a ces petits détails qui en disent longs souvent. Je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie, mais il y a ces vocaux attribués à Clément Dembélé. Dans le premier, il casse du sucre sur le dos du très respecté, le très éclairé, le guide, l’imam Dicko. Selon Clément, l’imam carbure au fric ; et pas que des poignées ou des liasses, non ; selon Clément ce sont des sacs d’argent. Quant à Choguel et Me Tall pour lesquels il a une très forte estime, il les accuse de vouloir se venger sur IBK dont le seul tort est de les avoir foutu à la porte de ses gouvernements. Et pour faire bonne figure et avoir une bonne présentation, ils ont sorti des placards les costumes qu’ils y avaient remisés pour les repasser. A peine est-il sorti de cette embrouille avec des explications ampoulées qu’il remet le couvert. Dans un autre vocal, on l’entend dérouler ses prétentions pour la Primature et son envie de mettre le grappin sur Karim Kéita. Comme on dit chez nous, on le sort de l’enclos des ânes, il plonge dans celui des chevaux.

Mais il faut croire que nous n’étions pas au bout du ridicule. Les Maliens ont assisté médusés à ces déclarations puériles de certains responsables du M5. Chacun voulait tirer gloriole de son arrestation en excluant certains. C’est d’abord Issa kaou Djim qui a sonné la charge. Après nous avoir expliqué qu’il a été arrêté dans son salon alors qu’il ne portait qu’une culotte et un t-shirt, Djim voulait convaincre l’opinion qu’il a été jeté dans les toilettes du Camp I de la gendarmerie pour y passer deux jours sans manger ni boire. Quelle résistance ! quelle torture physique ! Quel courage ! Pour un affamé, disons qu’il avait une bonne mine et un plutôt verbe haut. Il a affirmé dans une interview qu’il n’y avait eu que trois arrestations. Kaou Djim a à peine fini de faire son intéressant qu’un autre leader se signale à notre attention. Il s’agit de Me Mountaga qui a posté très tardivement sa libération. Et d’expliquer qu’il a été jeté dehors manu militari malgré sa volonté de rester avec les autres détenus. Sauf qu’il aurait pu ajouter pour la compréhension de l’opinion qu’il a été libéré en vertu d’une directive de l’UEMOA qui interdit la détention des avocats, ce que le bâtonnier a bien signalé à ses geôliers. Et lui aussi de faire une interview. Contrairement à Issa Kaou Djim, lui il parle de cinq arrestations. Mais les deux ont un point commun : Clément Dembélé qui n’aurait pas été arrêté. Tout cela montre à suffisance l’ambiance joyeuse et à l’unisson au sein du M5.

L’arrivée des médiateurs de la CEDEAO conduits par l’ancien Président du Nigeria a trouvé un M5 passablement refroidi. Son discours n’est plus aussi guerrier. Quand on écoute Issa Kaou Djim, il est devenu un apôtre de la paix. Il est tout doux, tout miel, il ne ferait pas du mal à un chat. Cela pourrait s’expliquer par la posture du très respecté, très éclairé, le guide, l’imam Dicko. J’ai comme l’impression qu’il travaille à polir son image en se démarquant des positions maximalistes. Malgré sa fermeté concernant des sujets comme la gouvernance, son discours est devenu plus onctueux. Je dois ajouter qu’il y a une donne nouvelle : l’opinion. Celle-ci manifeste clairement sa désapprobation des méthodes utilisées par les militants du M5 ou de la horde déchaînée au nom d’une désobéissance mal expliquée et qui a été l’occasion d’un déchaînement de violences et de casses. L’argument qui a consisté à dire que les manifestants ont été infiltrés par des casseurs n’a que moyennement passé, surtout que pour certains de nos compatriotes cela constitue la preuve que le M5 n’avait pas préparé ses troupes avant de les lâcher dans la nature. « Le M5 a ouvert la boîte à Pandore et a été incapable de la refermer » entend-on souvent. Mais le meilleur est ailleurs, ou disons le pire. Si, si. De nombreux Maliens se comportent comme s’ils venaient de sortir d’une séance d’hypnose. Et de se demander : « c’est aux Choguel, aux Sinko et aux Bathily que reviendrait le pouvoir si IBK devait être débarqué ?» avec une pointe d’inquiétude. Et là ça ne passe pas. Les Maliens ont quand même l’impression que leur message est porté par les mauvais messagers. La cruauté n’étant pas un trait de caractère qui m’est connu, je me garderai donc de rappeler les scores de la présidentielle de 2018. Tous ces petits bouts d’étoffe, mis bout à bout, nous conduisent à la trêve des moutons. Pour permettre aux Maliens de fêter la Tabaski, le M5 a suspendu la désobéissance civile. Mon petit doigt me dit qu’il va être sacrément difficile de remobiliser les troupes dix jours après. Attendons de voir ce que cela va donner.

J’aurais pu évoquer la démission de Karim Kéita du poste de président de la Commission défense de l’Assemblée nationale. Alors que personne ne s’attendait à cela parce que personne ne lui a demandé de quitter ce poste, Karim Kéita se décharge de ses fonctions tout en donnant quelques coups de pieds à gauche et à droite. Bien entendu les internautes se sont donnés à cœur joie. Ils estiment que Karim n’a absolument rien compris à ce qui se joue. Selon eux, ce qu’on lui demande, ce n’est pas sa démission mais plutôt qu’il s’éloigne de la gestion de l’État. Ceux qui sont les plus cruels l’accusent d’être à l’origine de tous les problèmes de son père.

J’aurais pu parler de l’attitude de ADP-Maliba. Le parti de Aliou Boubacar Diallo se comporte comme la navette du tisserand changeant de camp au gré des fortunes ou des infortunes. Après les élections législatives, ADP a annoncé spectaculairement son appartenance à la majorité. Aliou Boubacar Diallo avait même une leçon de science politique pour expliquer le choix de son parti. Et dès que ça chauffe, comme c’est le cas actuellement, le parti change de partie. Comme dirait l’autre, les jours pairs ADP est dans la majorité et les jours impairs dans l’opposition.

J’aurai pu parler de ceux qui s’étaient mis en rang de bataille, au sens premier du terme, au nom de la défense des institutions avec le Président de la République en premier. Avec cet air que « arrêtez nous, sinon nous ferons un malheur », ils s’agitaient, gesticulaient, juraient que si ce n’était le respect pour le « vieux », le M5 allait voir de quel bois eux ils se chauffaient. « On se connait dans ce pays-là » disaient même les plus bravaches. Et puis vint le 10 juillet ; et puis vint la désobéissance civile ; et puis vinrent les premiers actes de vandalisme. Et puis vint le miracle. Si, si, j’ai assisté à un authentique miracle. Ceux qui criaient sur tous les toits qu’il faudrait, au besoin, passer sur leur corps ont disparu, avec armes et discours. Ce n’est que l’autre jour, à la faveur de la trêve décrétée par le M5 pour permettre aux Maliens de préparer la Tabaski que je les vois sortir du trou. Et comme si de rien n’était, ils réinvestissent les médias traditionnels et les réseaux sociaux.

J’aurais pu parler aussi de ceux qui, courageusement anonymes, s’attaquent à Adame Ba Konaré et à son époux. Au motif que la bonne dame a donné son point de vue (voir lettre ouverte au CE de l’Adéma page 5), il se trouve des gens tapis dans l’ombre pour lui tomber dessus à bras raccourcis. Je parie que c’est l’œuvre de quelques prébendiers qui font le rond des jambes dans certains salons, défendant leur situation de rentiers.

Mais la vérité c’est que les Maliens sont fatigués de tout ça.

Talfi

Nouvelle République

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