Plus que la crise sanitaire, c’est surtout la crise sécuritaire qui explique le faible approvisionnement des marchés à bétail
En cette matinée de jeudi 16 juillet relativement tempérée, un vent frais souffle sur Bamako, la capitale malienne. Les rayons solaires sont à peine visibles. La terre conserve encore l’humidité de la pluie qui a arrosé suffisamment la ville la veille et pendant une bonne partie de la journée. Comme au marché à bétail (Garbal) de Sabalibougou, en Commune V de Bamako, où un mélange de fraîcheur et d’odeur piquante accueille les visiteurs.
Arrêté au milieu de quelques moutuons qui bêlent sporadiquement, le responsable du marché confirme que le parc est moins fourni comparé aux années précédentes. «Nous sommes à deux semaines de la fête de Tabaski, il n’y a pas suffisamment de moutons au niveau du marché. Comme vous pouvez le constater, le marché est presque vide. à la même période, les autres années, il fourmille de caprins et d’ovins», explique Kola Kanssaye.
Le secteur a été durement touché par la crise sanitaire, ajoute l’éleveur. Faute de moyens pour payer assez de nourriture pour les bêtes, certains vendeurs ont préféré attendre la dernière minute parce que le prix de l’aliment-bétail a augmenté ces derniers temps, argumente-t-il. Assurant que le marché sera suffisamment approvisionné d’ici la fête, le responsable du marché ajoute que des convois de marchands de moutons sont en route pour Bamako. Certains d’entre eux continueront sur les pays voisins où la demande est également très forte. Toute chose qui expliquerait, selon lui, la hausse du prix du mouton de la Tabaski cette année par rapport à l’année précédente.
Notre petite randonnée matinale s’est poursuivie, vers 11 heures, au marché à bétail de Lafiabougou Kôda. En apercevant le véhicule s’approcher, des négociants de moutons viennent à notre rencontre en courant, sautant souvent au-dessus des eaux de ruissellement. «Cherchez vous des animaux ? Moutons, vaches, chèvres, nous en avons de bonnes qualités venues de Nara, Ségou, Sikasso, Mopti et Gao…», lancent-ils en chœur, à l’affût de bonnes affaires.
Passé ce petit temps habituel de séduction, un d’eux avoue. «Présentement, nous n’avons pas assez de moutons sur le marché», explique Oumar Dicko. Rien ne va maintenant dans le commerce de bétail, les clients sont rares. Ces derniers mois, nous avons enregistré énormément de pertes économiques, renchérit le détaillant.
Pour Ousmane Denon, un de ses collègues, c’est l’état actuel du pays qui fait qu’ils ne parviennent plus à se procurer des animaux. Il pointe l’insécurité, les braquages, les accidents, les pannes répétitives dues à l’état chaotique des routes qui coûtent souvent la vie à certains vendeurs de bétail. «Mais tout laisse croire que d’ici la fin de la semaine, certains de nos collaborateurs partis s’approvisionner à Nara, Sikasso, Ségou reviendront», espère-t-il, le regard plein d’espoir.
Au marché à bétail de Faladié (zone aéroportuaire), lassitude et déception se lisent sur les visages de certains commerçants. Assis sous un hangar coiffé de pailles, quatre hommes prennent du thé. Visiblement découragés à cause de la morosité des affaires, ils nous regardent venir à eux sans dire un seul mot, les visages ternes.
Interrogé, le commerçant Nouhoum Dicko dira que leur secteur d’activité est presqu’au bout du gouffre. Cette situation difficile s’explique, selon lui, par plusieurs facteurs : la crise sanitaire, l’incendie survenu en avril dernier au niveau du marché et qui a consumé beaucoup de bétail.
Aussi, ajoute le négociant de mouton, la majeure partie des animaux que nous vendons provient des régions du Nord et de Mopti, précisément de Hombori, Tombouctou, Gao, Bandiagara, Koro et de Bankass.
«Nous avons été contraints, à cause de l’insécurité, les braquages, l’état désastreux des routes, d’abandonner ces localités-là qui produisent pourtant des bêtes de qualité comparées à celles de Nioro et Nara», fulmine Nouhoum Dicko.
À titre d’exemple, il rappelle que le camion qui les transportait de Mopti a été, à la veille de la fête de Ramadan, attaqué par des bandits. Ils ont été dépossédés de tous leurs biens. Certains vendeurs de bétail n’ont plus de sous pour se procurer des animaux, ajoute le quinquagénaire, précisant que c’est ce qui explique l’état d’approvisionnement actuel du marché.
Yacouba TRAORÉ
Source : L’ESSOR