L’acte semble patriotique mais cela n’empêche de se poser des questions pertinentes surtout que parmi les objectifs de cette démonstration religieuse, il y a la lutte contre la corruption.
La question paraît un peu banale, mais, à l’analyse, elle a toute sa raison d’être compte tenu de la situation des religieux par rapport à ceux qui détiennent le pouvoir.
Le vendredi passé, le chef religieux, l’imam Mahamoud Dicko a prouvé sa force de mobilisation avec une populace sur le boulevard de l’Indépendance et l’esplanade de la Bourse de travail refusait de contenir.
Pour plusieurs observateurs nationaux, depuis le début de l’ère démocratique au Mali, il y n’a pas eu une telle mobilisation pour protester contre la mal gouvernance d’un régime. Certains avançaient des chiffres çà et là, mais le temps était trop court pour se faire une idée exacte du nombre des manifestants. Du moins, retenons un nombre forfaitaire d’au moins 1 000 000 de personnes. Ce nombre est significatif électoralement car si ce monde, composé majoritairement de jeunes, avait voté contre IBK, il ne serait pas élu ?
L’achat de conscience et la matérialisation de l’élection n’ont pas laissé le choix aux uns et aux autres de succomber à la tentation monétaire. Ce régime a préféré affamer son peuple pour acheter sa conscience. Donc à l’époque de l’élection, les gens peinaient à joindre les deux bouts, l’argent était devenu « Tais-toi ».
L’objectif de cette marche était de dire « Non aux massacres contre les civils », « A bas la France », « A bas la Minusma », « IBK dégage ! Boubèye dégage ». Des slogans qui ont fleuri tout au long de la marche.
Dans son intervention, Mahmoud Dicko a affirmé que le Mali appartient et restera aux Maliens et a ajouté qu’ »IBK n’est pas mon ennemi, mais il doit respecter la volonté du peuple malien ».
Les charognards politiques n’ont pas manqué à la fête car les carcasses sont des dividendes électoraux. La fête était belle pour eux car ils ont eu directement au moins un million de personnes qui les ont écoutés directement et qui marchaient à leurs côtés. Me Amidou Diabaté, Oumar Mariko, Sadou Harouna Diallo, Tiébilé Dramé, Housseini Amion Guindo, Me Mountaga Tall… Tous étaient-là avec l’homme le plus populaire du Mali à ce jour. L’émotion était joviale pour eux et ils rêvaient de ce monde pour les élections futures. Mais, ce qui nous intéresse est la question suivante : qui a payé la facture de la marche ?
D’habitude en cas d’évanouissement ou autres actes relatifs à la santé de marcheurs, les sapeurs-pompiers sont là pour assurer. Pendant cette chaleur torride, il y avait une facture passée pour l’eau et autres accessoires dont la somme doit être conséquente. Supposons que les marcheurs étaient au nombre de trois millions. Chaque marcheur a besoin d’un sachet d’eau de vingt-cinq F CFA. Arithmétiquement ça donne à peu près 25 millions de F CFA. Mais arrondissons donc la facture à 50 millions si on ajoute les autres dépenses.
Pourtant cette somme, collectée pouvait énormément aider les déplacés internes qui manquent de tout et dont l’Etat a du mal à pourvoir leurs besoins vitaux. Gaspiller de l’argent pour battre le pavé et se faire appeler à Koulouba deux jours plus tard, c’est désormais le patriotisme.
Cette marche n’a pas été sans conséquence puisque les édifices publics (les feux tricolores) ont été endommagés dans quelques endroits. L’environnement non plus n’a pas été épargné. Des millions de sachets jetés par terre dans les endroits de passage des manifestants. Pour assainir, il faut aussi de l’argent pour les charrettes qui vont déverser les ordures. Il a fallu des organisations sociales de bonne volonté pour faire le travail.
L’autre aussi était sous le soleil avec sa facture payée par les autres
Le Chérif de Nioro, lui aussi, a marché sous le soleil contre le régime actuel le vendredi dernier, même s’il n’a pas une santé de fer comme de Mahmoud Dicko.
Comme dans un jeu de cache-cache, juste deux jours après la manifestation, il y a eu la rencontre entre le président de la République et le bureau national de la Ligue malienne des imams. Occasion pour le président IBK d’appeler à l’union sacrée des Maliens pour vaincre le terrorisme. Pour cela, disait-il, on a besoin des forces étrangères présentes au Mali.
Boncane Maiga.
Source: Le Point