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Mamadou Sinsy Coulibaly : “Si nous ne sommes pas compétitifs, il n’y aura pas d’investissements”

ENTRETIEN. Sans langue de bois, le président du patronat malien parle des défis économiques que son pays doit relever.

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Incontournable dans le monde des affaires au Mali, Mamadou Sinsy Coulibaly, à la tête du groupe de communication Kledu, est un touche-à-tout. Des médias à l’imprimerie (Malivision, Tam Voyages, Imprim Color…), en passant par l’assurance, l’agrobusiness, la restauration ou les nouvelles technologies, il se définit comme un agitateur économique devenu patron des patrons maliens. À 60 ans, cet ancien mécanicien a un discours bien rodé en ce qui concerne l’économie de son pays. Pour le comprendre, il faut se rendre dans l’une des salles neuves du palace Maéva, au bout du quartier ACI 2000 à Bamako. Sa voix résonne à peine, mais à chaque fin de phrase les applaudissements soutenus des jeunes Africains se font de plus en plus forts. Le président du Conseil national du patronat malien (CNPM) est ferme : pour réussir, il faut « travailler, acquérir de l’expérience, oser et innover ». Et d’ajouter que le numérique est l’avenir de l’Afrique, « celui qui ne sait pas prendre le train du numérique sera un paria dans les dix années à venir et n’aura pas sa place dans le monde ». Succès garanti auprès des jeunes, en particulier ceux qui ambitionnent de créer leur propre entreprise. Mais voilà, deux heures plus tard, et cette fois aux côtés du président du Mouvement des entreprises de France (Medef) Pierre Gattaz, les propos sont plus réalistes et tranchent quelque peu avec l’optimisme de cette rencontre économique organisée par les deux patronats, la veille du 27e sommet Afrique-France. Pour Mamadou Sinsy Coulibaly, certaines vérités méritent d’être dites, même si elles sont difficiles. Pour les cinq prochaines années, il entend remettre l’entreprise au cœur de la relance économique du Mali. Environnement des affaires, réformes, investissements, tout ou presque reste à faire. Il répond aux questions du Point Afrique.

Le Point Afrique : pensez-vous que ce sommet aura des retombées économiques importantes pour le Mali ?

Mamadou Sinsy Coulibaly : On a beaucoup parlé des retombées économiques de ce sommet, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est le brassage des idées entre nos deux patronats. Il ne faut donc pas s’attendre à des signatures de contrats ou des choses de ce genre. Les gens n’investissent pas dans un pays parce qu’il y a eu un sommet. Ils viennent parce que les conditions sont réunies pour qu’ils puissent travailler, faire des affaires et générer du profit. C’est ce que fait le Medef. Nous avons regardé ce qui fonctionne chez les entreprises françaises pour nous inspirer. Et voir comment nous pouvons adapter certains modèles à nos cultures.

Aux côtés du Medef, vous n’avez pas hésité à dire que les entreprises maliennes ne travaillent pratiquement que quatre mois dans l’année. Pourquoi ?

Aujourd’hui, la compétition est tellement forte qu’il faut avoir les mêmes outils de production qu’un Américain, qu’un Chinois, qu’un Français, qu’un Sénégalais pour être compétitif. Il faut que les entreprises maliennes soient à la hauteur. Qu’elles soient productives et compétitives. Nous sommes dans un monde libéral et compétitif. Tout le monde doit tenir compte de cette compétition au risque de disparaître.

Vous vous en êtes également pris au service public. Que reprochez-vous à l’État malien ?

Du côté du service public, c’est le même problème. L’État malien n’est pas du tout compétitif. Les dirigeants politiques doivent prendre conscience du rôle de l’entreprise pour réformer l’économie. Ce ne sont pas que des subventions ou des programmes qui vont changer la donne. Il faut aujourd’hui des réformes structurelles pour que le service public malien soit compétitif. C’est aux entrepreneurs de dire à l’État ce qu’il faut pour produire mieux. Car si nous ne sommes pas compétitifs, il n’y aura pas d’investissements. Et s’il n’y a pas d’investissements, il n’y a pas de croissance, et s’il n’y a pas de croissance, ça sera le chaos. Il faut donc que l’État change son approche de l’entreprise.

Quelles sont les réformes à mettre rapidement en oeuvre, selon vous ?

Les réformes structurelles ne se font pas toutes seules, il faut les impulser dans tous les secteurs. Il faut, pour cela, se poser les bonnes questions sur les besoins des entreprises, les possibilités et les marges de manoeuvre gagnantes pour tous, même les citoyens. Nous demandons simplement que les entreprises privées soient protégées et sécurisées. L’État ne doit pas seulement les financer ou leur donner des dérogations. Par exemple, le Code de l’investissement est clair. Il faudrait que tout le monde s’approprie ce Code de l’investissement, aussi bien les nationaux que les étrangers qui viennent investir dans notre pays.

Au sujet de l’entrepreneuriat, quelle est finalement votre position ?

Tout le monde ne peut pas être entrepreneur, il ne faut pas se mentir. C’est une stratégie des dirigeants politiques de faire croire aux populations qu’elles peuvent s’auto-employer, mais c’est faux. Il faut que les jeunes travaillent. Sans expérience, vous ne pouvez pas devenir entrepreneur.

Mais il n’y a presque pas d’offres d’emploi dans le pays…

L’offre n’y est pas. Parce qu’il n’y a pas beaucoup d’entreprises et le peu d’entreprises qui existent n’est pas protégé. Elles ne peuvent donc pas se développer. Le soutien qu’apporte l’État aux entreprises aujourd’hui ne correspond pas à leurs besoins. Tant que les politiques continueront à pratiquer l’assistanat, tant qu’ils seront là à recevoir de l’aide des « pays frères », des « pays amis », ça continuera comme cela. Il faut nous laisser le temps de développer nos entreprises du privé et le secteur public .Depuis 1960 nous sommes indépendants, tous les pays ont été nos amis et nous ont aidés, mais ça ne marche pas. À une certaine époque, l’Europe a perdu plus de 75 % de sa population à cause des guerres, des famines ou autre, mais elle a su se relever par ses propres moyens. C’est ce que nous devons accepter de faire en Afrique, et au Mali en particulier. Nous devons avancer avec nos acquis, nos moyens, et peut-être perdre parfois pour gagner sur d’autres plans. Même pour organiser ce sommet (Afrique-France), il a fallu de l’aide d’un peu partout, ce n’est pas sérieux et ce n’est pas normal.

Le partenariat avec les entreprises françaises est-il concret, pour vous, sur le terrain ?

Les entreprises françaises pensent qu’il y a des potentialités. Si ces entreprises viennent avec des investissements, c’est un bon signe pour nous et pour les autres pays étrangers qui regardent vers le Mali. Concrètement, nous avons besoin de tout l’écosystème économique français, si ces sociétés peuvent aussi y gagner quelque chose.

 

Source: lepoint.

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