En 100 jours, le premier ministre malien aura tout vécu. La joie d’une promotion record par sa jeunesse (39 ans dans un pays où le droit d’aînesse est érigé en institution) et le violent retour de bâton médiatique. Le triomphe et la défaite, ces deux faces d’une même pièce.
Nommé le 5 avril à la surprise générale, le leader du parti Yelema, qui n’avait engrangé qu’un petit mais précieux 1% lors des dernières présidentielles, échappe de peu à une embuscade des rebelles Touarègue.
C’était le 17 mai lors d’une visite controversée à Kidal. Cette incursion non souhaitée par Paris provoque une sanction immédiate: des dizaines de morts dans les rangs de l’armée malienne suivie de la perte de Kidal. Au profit des forces Touarègue, que ne contrôlent pas une Minusma à minima et une opération Serval qui, à l’heure qu’il est, a mué en Barakhane. Avec de la baraka en sus?
À Bamako, les événements de Kidal sont vécus comme un affront. Hébèté, le gouvernement mandate le ministre de la Com, Mohamadou Camara à New York et à Paris dans le cadre d’une opération de communication mal goupillée selon les observateurs.
Des marches sporadiques sont organisées à Bamako à la gloire du président IBK comme au bon vieux temps du dictateur Moussa Traoré. Le nom de Moussa Mara est zappé des pancartes et affiches. Mais pas de la une des journaux qui le vilipendent alors que des députés le montrent du doigt.
Bref, en l’absence d’une enquête diligente, la vox populi a trouvé un coupable à l’affront de Kidal: Moussa Mara. Lequel prend tout sur lui et sa jeunesse en pensant que le patriotisme suffit comme bouclier.
Pendant ce temps, le président IBK jure ses grands dieux qu’il n’avait pas donné d’ordre à son armée, laissant la chaude patate entre son premier ministre et son ministre de la défense. Ce dernier finira par démissionner non sans exiger une enquête pour situer les responsabilités.
Les déboires du premier ministre malien ne s’arrêteront pas là. Les différentes factions Touarègues réclament sa tête, les députés du parti du président IBK, qui ont vu d’un mauvais œil l’ascension de ce soutien de la 25e heure, rêvent de le remplacer par un des leurs. ” il peut d’ores et déjà dire adieu à son projet fumeux du Conseil de la majorité présidentielle” hurlait un député, le 15 juillet à l’occasion d’une sorte de réunion anti-Mara convoquée par le Rassemblement pour le Mali, toile d’araignée de 75 députés. Conspué par la majorité, Moussa Mara ne trouve pas de répit chez l’opposition qui fourbit un plan de Motion de censure aux chances minimes.
Dans ce concert de désapprobation générale, le PM malien continue pourtant de bénéficier du soutien distant mais décisif d’IBK. Mais pas de celui des bailleurs de fonds ( Banque Mondiale et FMI) qui ont décrété la diète générale en suspendant tout décaissement en faveur du gouvernement Mara. Là aussi, c’est Moussa Mara qui fut chargé d’expliquer l’inexplicable: l’achat d’un avion présidentiel hors contexte. Et mal lui en prit. Le président IBK viendra à sa suite fournir sa propre version aux antipodes de celle de son PM. C’est encore Mara qui est chargé de trouver une nuance entre “Défense” et “coopération militaire” pour finalement lâcher qu’aucune base malienne ne sera cédée à la France. Les tractations entre Paris et Bamako sur cette question sont de notoriété publique.
En vieil animal politique, IBK, sait qu’un premier ministre jeune et inexpérimenté peut être ce bouc émissaire qui peut le protéger du mécontentement grandissant des maliens. Un lampiste qu’il pourrait sacrifier dans la foulée des nouveaux accords d’Alger lesquels, tout comme ceux de 2006, risquent de prescrire cette pilule amère que tout le monde redoute: la partition de fait savamment enroulée dans le très biodégradable langage diplomatique.
À la foule colérique qui viendra au pied de Koulouba réclamer des comptes , le sage IBK, qui a pris de le hauteur en buvant du petit lait et en se méfiant de cette majorité politique impatiente, n’aura qu’à montrer son premier ministre du doigt. Celui par qui le scandale est arrivé.