Depuis sa prise de pouvoir en septembre 2013, Ibrahim Boubacar Keita s’est illustré par un laxisme et une mollesse qui ne lui étaient pas connus, du moins quand il était le Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, au début des années 90. L’homme, que des Maliens ont qualifié de « Kankelentigui » (celui qui n’a qu’une parole), s’est totalement ramolli jusqu’à tomber dans la compromission quand il s’agit de trancher dans le vif. Des insultes à peine voilées de Mahamoud Dicko, à la gestion catastrophique des mouvements sociaux, notamment les grèves à répétition, IBK apparaît comme totalement dépassé par les faits dans un Mali déconfit.
Tous les Maliens ont en mémoire les grèves illimitées et sauvages du Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et du Syndicat libre de la Magistrature (SYLMA) dont les effets dévastateurs continuent encore, et celle mortelle du syndicat de la Santé (SNS-AS-PF) qui, selon la presse, aurait fait plus de 400 victimes, dont des bébés, des enfants, des personnes âgées et des femmes enceintes, dans les hôpitaux et centres de santé du Mali. Des milliers de nouveau-nés n’ont pu être inscrits à l’état-civil et devront, pendant toute leur vie, se contenter de jugements supplétifs.
Pourtant, tout ce mal fait aux Maliens est en passe de demeurer « impunis » car les grévistes ont, jusque-là, perçu la totalité de leurs salaires des jours non travaillés. Dans sa livraison de ce jeudi, le quotidien L’Indépendant rapporte que « le ministre Boubou Cissé instruit de ˝couper˝ dans les salaires des grévistes ». Dans un État de droit, cela est totalement élémentaire et tous les responsables de syndicats le savent parfaitement. Or le quotidien rapporte les propos d’un prétendu « haut dirigeant » (il aurait requis l’anonymat) de la SNS-AS-PF, qui aurait déclaré : «Nous allons déclencher une grève sauvage si cette mesure est appliquée ».
Si cette déclaration se vérifiait, ce serait non seulement de la provocation pour les millions de Maliens qui attendent que ceux qui ont pris le pays en otage pendant plus d’un mois pour chacun des syndicats SAM-SYLIMA et SNS-AS-PF, payent pour tout le mal qu’ils ont fait, mais également pour le Gouvernement du Mali dont la faiblesse serait mise à nu une fois de plus.
Lorsqu’un syndicat décide de conduire ses adhérents en grève, il doit leur payer les jours non travaillés car l’État n’est pas censé le faire. Ce sont les cotisations des adhérents qui doivent être utilisées à cet effet. Or tout le monde sait que les cotisations syndicales ne rentrent pas au Mali. Ainsi, le SNS-AS-PF aurait des raisons d’avoir peur qu’une éventuelle coupe dans les salaires de ses membres ne provoque une démobilisation pour les futures grèves. Aucun salarié malien ne se relèverait d’une coupe d’un mois, voire plus, dans les salaires. Ce serait hautement mortel.
Cependant, comme l’écrit L’Indépendant, le Gouvernement, au cours des négociations avec le syndicat de la Santé, aurait promis de ne pas faire de « coupe » dans les salaires des grévistes. Si cela était avéré, ce serait un manquement grave à sa parole et une violation de l’un des termes de l’accord ayant mis fin à la grève illimitée. En tout cas dans les points d’accord rendus publics, il n’apparaît nulle part cette clause que le SNS-AS-PF avance, car ce serait une violation par le Gouvernement des dispositions de la « Loi n°87-47/an-RM du 10 août 1987 relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics », comme le rappelle L’Indépendant.
Une chose est sûre, si le Gouvernement, par laxisme, ne peut appliquer une loi relative à la grève et connue de toutes les parties, ce serait la voie ouverte à tous les abus quand on voit la multiplication des grèves depuis quelques moments. Si les grévistes savent qu’une « coupe » sera faite dans leurs salaires, beaucoup de travailleurs réfléchiraient à deux fois avant de s’engager dans les mouvements. Boubou Cissé a parfaitement raison, en tant que responsable des finances de l’État, d’appliquer la loi. Ce serait un signal fort à tous ceux qui veulent prendre la République en otage par des grèves à répétition qu’il y aura désormais des conséquences, et une assurance aux PTF qui nous aident dans la perspective d’une bonne gouvernance. Il faut espérer que le fameux laxisme dont nous avons parlé ne vienne pas contrarier cette décision courageuse du ministre des Finances. Dans ce Mali en péril, seul un État fort est à même de canaliser, voire d’endiguer les dérives. On peut se remettre à espérer même si l’état d’urgence régulièrement décrétée et qui ne semble dissuader personne, nous convainc du contraire.
La rédaction