Zèle et mauvais timing ? Si l’on sait que la musique d’inspiration mandingue est volontiers saupoudrée d’un zeste de griotisme, les artistes doivent-il franchir le pas qui sépare le simple name-dropping du culte de la personnalité, voire du « mabanga » à la congolaise ?
Alors que le directeur de cabinet d’Alassane Ouattara accusait, mercredi, la junte malienne d’avoir pris en « otages » 46 soldats ivoiriens détenus depuis le 10 juillet, Aïcha Koné faisait déjà la promotion d’une chanson dédiée au chef de ladite junte. En malinké, sur une introduction militaire puis un rythme dansant, la diva ivoirienne déroule ses éloges envers Assimi Goïta qu’elle qualifie de « vrai homme » et d’« enfant prodige ». Pendant ce temps, ses compatriotes Yodé & Siro, stars de la musique zouglou, réservent leurs notes aux militaires détenus et non à leur « geôlier ». Et la chanteuse de se justifier en exhumant son arbre généalogique : « le père de ma mère vient de Sikasso au Mali. »
« Super Goïta »
Défaut de patriotisme ou mauvais hasard de calendrier ? Sur le continent où les productions musicales semblent naître instantanément, Aïcha Koné aurait eu tout le loisir de reporter le lancement de son titre « Digne fils d’Afrique ». Tandis que les Maliens boivent du petit lait, les Ivoiriens se déchirent dans les forums de discussion de la presse en ligne. Un internaute s’étonne qu’on glorifie un « Super Goïta caché sur le mont Koulouba » et dénonce une « provocation » de la part d’une chanteuse qui « est en sécurité, contrairement à de nombreux Maliens ». À ceux qui accusent le chef de la junte malienne d’avoir piétiné la démocratie, un twitto établit la liste de putschistes qu’il admire, comme Thomas Sankara et John Jerry Rawlings. Et de conclure : « Entre Alassane Dramane Ouattara et Assimi Goïta, y a pas photo ! »
Certes, l’engagement des musiciens est sain, dans un Sahel contemporain où la meurtrissure du terrorisme réveille ou génère des tensions intercommunautaires. Il y a quelques semaines, un collectif d’artistes burkinabè encourageait les corps habillés avec la chanson « Jour de gloire ». Sans caresser dans le sens du poil son président – également arrivé au pouvoir par la force…
Aïcha Koné, elle, n’économise ni les bienveillances, ni les copinages avec les politiciens. « Digne fils d’Afrique » rend également hommage à un Vladimir Poutine qui, pourtant, ne tient manifestement guère à reconnaître une intervention appuyée par la Fédération de Russie sur le front malien. Et puisque la diva se pique de politique, elle s’est fait l’écho d’un échange avec Laurent Gbagbo au sujet du lancement de son single. Selon l’interprète de « Yougouba Baya Yougouba », l’ancien président l’aurait appelée pour lui dire : « Si la France ne m’avait pas dégagé du pouvoir, j’allais tout faire pour soutenir le combat de ce jeune homme » au pouvoir au Mali. Autre épisode qui laisse certains internautes perplexes…