A la tête de la mission des Nations unies au Mali (Minusma) depuis bientôt cinq ans, Mahamat Saleh Annadif a rencontré les blogueurs. Il s’est prêté à leurs questions sur le mandat de la mission et la situation sécuritaire au Mali.
Le 18 février 2020, le patron de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MUNISMA), Mahamat Saleh Annadif, était face aux blogueurs maliens au siège de la plateforme Benbere. Les échangés ont porté sur divers sujets parmi lesquels le mandat de la mission qu’il dirige et la situation sécuritaire en général au Mali. Nous avons décidé de partager avec nos lecteurs certaines parties de ces échanges qui ont permis aux blogueurs d’avoir des réponses aux questions qu’ils n’arrêtaient pas de se poser concernant, notamment, le rôle de la mission.
Benbere : Comment expliquez-vous la violence dont les populations sont victimes au centre ?
Mahamat Saleh Annadif : Les populations du Centre sont en quelque sorte otages. Le centre du Mali est devenu un refuge pour des terroristes, des criminels, des coupeurs de route, des trafiquants. Nous sommes là pour appuyer les efforts du gouvernement et pouvons intervenir directement à travers notre section médiation. Même si nous n’avons pas tous les résultats escomptés pour le moment.
Benbere : La Minusma est perçue comme étant à la botte de la France par certaines personnes au sein de l’opinion publique malienne. Que répondez-vous à cela ?
Mahamat Saleh Annadif : Ces personnes ont tort de penser cela. Les Nations unies, c’est le Mali, c’est nous tous. Ce sont 193 pays. Une mission de cette envergure ne peut être déployée que par le Conseil de sécurité de l’ONU. Elle ne peut dépendre d’un seul pays mais plutôt de l’ensemble du Conseil.
Certains aussi se demandent réellement quel est le rôle de la Minusma…
Je donne raison à cette population qui se pose des questions par rapport au rôle de la mission. Les populations sont noyées et veulent juste que le calvaire qu’elles vivent s’arrête. Malheureusement, ce calvaire a plusieurs sources, notamment les conflits intercommunautaires, les coupeurs de routes, les terroristes qui attisent les crises intercommunautaires. Notre mission principale reste la protection des civils.
Mais les civils continuent d’être la cible d’attaques et la situation sécuritaire ne s’améliore pas…
N’oublions pas qu’il y a les terroristes qui n’ont pas voulu de l’accord. Ces ennemis de la paix empêchent cet accord de se mettre en œuvre. Ils n’ont pas été anéantis par l’opération Serval. C’est plus compliqué de protéger des civils au Centre qu’au Nord, compte tenu de la densité de la population. Au Centre, c’est plus facile pour les terroristes de se camoufler. Nous ne pouvons pas mettre des soldats dans chaque village. Nous ne pouvons que faire des patrouilles. C’est impossible de gagner une guerre asymétrique si la population est prise en otage comme celle du Mali. Les gens connaissent leurs ennemis mais ne peuvent pas parler, au risque de perdre la vie. L’armée malienne est en reconstruction et est obligée de faire face à cette crise. Ce n’est pas facile. Ce qui se passe dans la bande sahélo-saharienne doit interpeller la communauté internationale, surtout que nous savons tous que la situation au Mali et au Niger est en partie liée à l’intervention militaire en Libye. S’il n’y avait pas eu la Libye, tous ces gens n’allaient pas migrer vers le Sahel. Plus de soixante millions d’armes légères circulent dans le Sahel.
Quels éclaircissements pouvez-vous nous donner sur le chapitre 7 ?
C’est le chapitre par lequel la Minusma est déployée. Il faut distinguer les missions. Il y a une mission d’imposition de la paix (les contingents partent à l’offensive), et une mission de maintien de la paix (basée sur les accords des parties, la neutralité de la mission et ne jamais utiliser la force qu’en cas de légitime défense ou la défense de son mandat). Il peut y avoir, sur le chapitre 7, l’une ou l’autre.
Quel bilan pouvez-vous dresser à ce stade ?
Une mission ne peut se satisfaire que par rapport aux objectifs fixés et aux résultats obtenus. Depuis juillet 2015, il n’y a pas eu d’affrontement entre les FAMa et les mouvements (signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation, ndlr). Dans la mise en œuvre de l’accord, nous avons un début d’intégration de quelques éléments armés des mouvements, presque 2000 personnes dans le cadre du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination, ndlr). Le Nord, pour lequel la mission a été déployée, connait plus de paix que le Centre. L’accord avance très lentement. Nous ne sommes pas au stade de tirer un bilan, mais il y a des résultats.
Quels sont les domaines où la Minusma a mené des projets de développement ?
Il y a des projets qui sont en train de se mettre en œuvre. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour que certaines écoles puissent rouvrir. Il y a le projet de réduction de la violence communautaire, d’où le camp de Soufouroulaye (Mopti, ndlr) où les jeunes sont formés et réinsérés dans la vie pacifique et civile en leur donnant des projets. Et il y a énormément de fonds pour faciliter cette activité : le projet à impact rapide.
Que pensez-vous des appellations « centre du Mali », « nord du Mai » ?
Elles sont juste de simples appellations. Et, pour moi, ce n’est pas un problème. Le problème fondamental est de résoudre cette crise. Il faudrait discuter sur la question du Nord. Il faut engager un vrai débat pour mettre fin au problème de groupes armés séparatistes.
Que faut-il faire pour arrêter les massacres dans le Centre?
Il faut un sursaut national. Un système de réinsertion. Et que cessent les querelles politiques, pour aller de l’avant.
Source : benbere