Nous avons eu un entretien avec Mahamadou Guissé, Secrétaire général de la Coordination du Syndicat national des travailleurs des Collectivités territoriales du District de Bamako (SYNTRACT), samedi dernier, à la mairie du District. Il nous a donné les raisons de la grève qu’ils ont menée, du lundi 4 au vendredi 8 mars.
Quels sont les travailleurs concernés par cette grève ?
Le mot d’ordre de grève qui est suivi actuellement au niveau des collectivités territoriales concerne l’ensemble des travailleurs des collectivités territoriales, donc, les mairies, les centres d’état-civil… en fait, tous les travailleurs des collectivités territoriales.
Quels sont vos doléances ?
Nos doléances s’articulent autour de quelques points, dont je vais vous citer les trois principaux. Le premier point, c’est le non paiement des salaires. Quand on évoque cette situation, les gens ne comprennent pas. Nous remercions au passage nos autorités communales, au niveau du District de Bamako, qui sont pratiquement à jour, mais c’est que la majeure partie des collectivités sont à l’intérieur et là ça ne va pas. Les gens accumulent des retards de salaires de dix, vingt, trente mois, voire plus, ce qui a même poussé certains à l’abandon du travail. Cette situation est difficilement acceptable quand on sait que le Mali, à travers la décentralisation, s’est attribué la plus grande réforme administrative qu’il n’ait jamais connue. Cette décentralisation devait permettre aux fils de ce pays, à tous les niveaux, de s’administrer de façon locale, à travers des autorités issues de son sein, donc l’Etat, pour ce faire, a créé la fonction publique des collectivités territoriales, pour soutenir cette grande réforme. Les fonctionnaires ont été déployés aux confins du territoire. Vous vous rappelez, au temps du président Alpha, on a créé jusqu’à 701 communes, donc c’est pour répondre, non seulement à une revendication dont vous savez l’origine, mais aussi, pour intéresser tous les fils de ce pays à l’administration du bien du territoire. Avec ce déploiement du fonctionnaire, toutes les collectivités doivent être animées et pour ce que l’Etat même a prévu, il faut, au moins trois fonctionnaires : le secrétaire général, un régisseur des recettes un régisseur des dépenses, donc ça, c’est le minimum, mais, aujourd’hui, ce minimum n’existe pas dans à peu près 400 collectivités. Il y a plus de 400 collectivités qui sont fermées, il n’y a que le maire, il n’y a plus de personnel. Le personnel a cherché à émigrer vers les communes urbaines. Le SYNTRACT n’a pas participé à la création des collectivités. C’est l’Etat qui a jugé nécessaire la création des collectivités sur des bases qu’elle sait. Donc, il doit permettre à ces collectivités de fonctionner. Je pense que l’Etat doit pouvoir intervenir pour la pérennisation du paiement des salaires, afin que les communes continuent à être animées. Aujourd’hui, les communes ne sont plus animées et notre Etat, à travers ses représentants, se glorifie, se tape la poitrine, pour dire que le Mali est le champion en décentralisation, or, c’est le contraire qui est mis en exergue. Nous demandons à l’Etat d’intervenir, pour non seulement payer les salaires, mais, aussi, sauver la décentralisation qui est en train d’aller à vau-l’eau.
Quel sont vos autres points de revendications?
Pour le deuxième point, nous avons demandé la relecture du cadre organique afin de permettre à certains services de recevoir les fonctionnaires des collectivités territoriales. Je prends un exemple : la DGCT, la Direction Générale des Collectivités, elle est animée par les fonctionnaires de l’Etat, les fonctionnaires des collectivités territoriales qui ont fait toutes leurs carrières dans l’administration communale, qui maitrisent ces textes, ne sont pas payés. Vous trouverez qu’on amène un nouvel administrateur civil, je ne dis pas qu’il n’est pas bien, mais s’il est complété par un administrateur territorial, ce serait mieux, pour la décentralisation. Et il y a beaucoup de services comme ça. Donc, nous avons demandé la relecture du cadre organique de certains services pour insérer les fonctionnaires des collectivités territoriales. Il y a aussi le point concernant les dossiers administratifs en souffrance, tels que les avancements, les revendications qui avaient fait l’objet d’accord avec le gouvernement, voilà entre autres, trois grands points, sinon, il y’en a d’autres.
Quels sont les résultats de cette semaine de grève ?
La grève a été suivie à 90%. A travers cette grève, nous voulons amener l’Etat à regarder un peu du côté des collectivités Nous savons qu’effectivement, l’Etat a compris que c’est un mouvement qui est suivi, c’est une réalité, il faut prendre le SYNTRACT au sérieux, pour ne pas être pris au dépourvu.
Le gouvernement a-t-il montré des signes encourageants?
Généralement, le problème tourne en dents de scie, depuis 2015, jusqu’à nos jours. Tantôt, on a des accords et la mise en œuvre pose problème. Ce qui est marrant, c’est que les gens ramènent ce problème à la question d’autonomie financière des collectivités territoriales. Certes, les mairies ont l’autonomie financière, mais il faut soutenir la politique de décentralisation, en aidant les communes à se prendre en charge.
Propos recueillis par Baba Dembélé
Source: Canard Déchainé