Cette ancienne banquière de la capitale de Balanzans est passée maîtresse dans l’art de transformer les produits agricoles locaux et d’en tirer le maximum de bénéfices
Le pari de l’autonomisation des femmes est loin d’être gagné dans notre pays. Si cette autonomisation se heurte encore à de nombreux obstacles, il existe aussi des leviers qui permettent de la promouvoir. Parmi ces leviers, il y a la transformation des produits agricoles.
Dans nos villes et campagnes, des femmes se sont lancées dans ce créneau et tirent leur épingle du jeu. C’est le cas de Mme Thiero Djenèba Cissé qui excelle dans l’agroalimentaire et gère une entreprise familiale.
Tout a commencé pour elle en 1996, année à laquelle elle fut licenciée par la BDM-SA, suite à la restructuration de cette banque. Cette mère de famille affectueusement appelée Mah refusa d’être inactive et décida de s’auto-employer avec ses indemnités de départ. Coup de chance pour elle, le Commissariat à la Promotion de la Femme venait d’être mis en place. Ce fut un coup de pousse qui lui permettra par la suite de fortifier son entreprise et d’ouvrir beaucoup de portes. En effet, Mah sera sollicitée par le Commissariat à la Promotion de la Femme pour regrouper les femmes de Ségou en association et groupement.
Après cette étape de regroupement, il a été décidé de créer des unités de transformation pour ces femmes, afin qu’elles mènent des activités leur permettant de prétendre à l’autonomisation. A cet effet, Mah bénéficiera de plusieurs formations en technique de transformation des produits agricoles locaux.
Ce n’est qu’en 2002, après avoir encadré les femmes de 30 villages de Ségou en technique de transformation et conservation des produits agricoles locaux, que Mme Thiéro Djenèbou décidera de créer son entreprise familiale.
Mah est une patronne qui met la main à la pâte. On la distingue difficilement de ses employés. Elle tient à ce que tout soit fait, selon les règles de l’art. «Le travail est mesquin et doit être parfait. Rien ne doit être fait au hasard », souligne cette dame qui est devenue une experte en la matière.
Des commandes de l’étranger. Notre transformatrice de talent a participé à de nombreuses foires aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger. Ce qui lui a permis de nouer des contacts d’affaires qui lui valent des commandes venant de la France et des Etats-Unis. Bien sûr, elle a aussi des clients au Mali et dans les pays de la sous-région. Lors de notre rencontre, elle s’afférait pour satisfaire une commande de 500 kg de farine de mil pour la France. Aussi tous les trois mois, grâce à un contrat de 2 ans renouvelable, Mah envoie en France 200 kg de beurre de karité amélioré. Ce contrat qui prend fin en décembre prochain est l’une des nombreuses retombées de la participation de notre transformatrice au Salon international de l’agriculture (SIA) de Paris.
Les affaires marchent si bien pour Mah qu’elle décidera sur fonds propres de créer et équiper sa propre unité de transformation qui est en chantier actuellement. Selon elle, l’un des problèmes du domaine reste l’accès au crédit. En effet, les banques ne facilitent que le crédit commercial et non le crédit d’investissement. Mais à Ségou, l’accès aux équipements de transformation est facilité par plusieurs projets et programmes notamment le Programme compétitivité et diversification agricoles (PCDA).
Celle qui affirme fièrement être autonome et épanouie, préconise pour l’autonomisation de la Malienne, la formation surtout en marketing. S’y ajoute un suivi rigoureux des projets et programmes initiés à cet effet. Ce qui permettra de promouvoir le travail bien fait et surtout aux femmes de mieux vivre de leur travail. Pour entreprendre, dit-elle, il faut forcément des moyens pour d’une part constituer la matière première, un fonds pour stocker les produits finis. D’autre part, il faut également un fonds pour la commercialisation des productions.
Il faut à cet effet nécessairement, explique Mme Thiero Djenèbou, faciliter l’accès au crédit d’investissement par les banques. Elle recommande ainsi l’expérience burkinabé. Ce pays voisin a, en effet, créé une banque spécialement pour les femmes transformatrices des produits agricoles locaux. Dans cette banque, assure notre interlocutrice, non seulement l’accès au crédit est facile, mais il demande peu de garanties et très peu de taux d’intérêt aussi.
A côté de cet épineux problème de financement de la filière, Mah cite également la problématique de l’emballage. Elle explique qu’elle a été contrainte lors d’une foire d’exposition de beurre de karité amélioré au Ghana de ne pas exposer ses produits sous prétexte que les emballages ne répondaient pas aux normes internationales. « C’est à la limite humiliant pour nous alors que nos produits transformés sont les meilleurs et sont sollicités », soutient-elle.
Mah assure que la transformation des produits agricoles est un créneau de pourvoyeur d’emplois. Sa promotion, estime-t-elle, permettra de lutter contre le chômage dans notre pays et conduira à l’autonomisation de la Malienne. Elle exhorte l’Etat à aider la filière de transformation, à promouvoir les produits locaux dans le pays. « Il faut que le consommer local prime, afin que la filière soit davantage valorisée et occupe toute sa place dans le combat du développement dans notre pays en général et de la promotion de la femme en particulier », plaide notre femme d’affaires.
M. A. TRAORE
source : L’ Essor