A la veille de la séance ordinaire du conseil exécutif de l’Union africaine, ce lundi 27 janvier à Addis-Abeba, Nkosazana Dlamini-Zuma a organisé un conclave à Bahir Dar, à 400 km de la capitale éthiopienne. Une réunion à huis clos dont l’objectif est de donner un nouveau souffle à l’organisation panafricaine.
Avec nos envoyés spéciaux à Addis-Abeba,
La séance ordinaire du conseil exécutif de l’Union africaine s’ouvre ce lundi à Addis-Abeba. Elle réunira, durant deux jours, les ministres des Affaires étrangères du continent africain, avant l’arrivée des chefs d’Etat, jeudi 30 janvier.
Avant le sommet, Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine, a convié les ministres à un conclave à plus de quatre cents kilomètres de la capitale éthiopienne, à Bahir Dar, une localité touristique au bord du lac Tana, près des chutes du Nil Bleu. Un conclave loin des regards inquisiteurs des médias et des partenaires occidentaux, qui financent largement l’UA.
Les grandes lignes de l’Agenda 2063
Il a essentiellement été question de l’Afrique dans 50 ans. Une sorte de plan directeur pour le développement du continent dans les cinq prochaines décennies. En fait, une tentative de faire renaître la vision des pères fondateurs de l’organisation panafricaine. Car, dix-huit mois après l’élection de Nkosazana Dlamini-Zuma à la présidence de la Commission de l’UA, force est de constater que l’institution est paralysée et que le personnel est démotivé, en l’absence d’un cap bien défini.
La présidente de la Commission tente d’impulser une dynamique par ce projet. Un projet dont les axes majeurs ont été pensés, il y a un an, par la Commission économique pour l’Afrique, la Banque africaine de développement et la Commission de l’UA.
Et pour présenter ce projet, inspiré des propositions de réalisations qui figurent au document de travail de l’Agenda 2063 pour l’Afrique et qui sera soumis pour consultation lors du sommet, Nkosazana Dlamini-Zuma a innové. Son discours peu orthodoxe était en fait un e-mail de vœux transmis à un hypothétique Kwamé Nkrumah en 2063.
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En 2063, il n’y a plus d’Union africaine, mais une confédération d’Etats africains, créée en 2061. Le rêve du père fondateur est devenu réalité. « Cela a pris du temps, selon Nkosazana Dlamini-Zuma, car les grandes nations du continent n’ont pas joué leur rôle de locomotive. » Il faut sans doute voir là un appel du pied au Nigeria et au Kenya, pour qu’ils suivent l’impulsion de l’Afrique du Sud, et aux petits et moyens Etats pour qu’ils fassent confiance aux grands.
Autre frein, pour Nkosazana Dlamini-Zuma : les Etats africains se sont trop longtemps appuyés sur les pays donateurs, que l’on appelle – c’est un euphémisme – « partenaires », a dit, pince-sans-rire, la présidente.
Diplomates occidentaux aigris
En 2063, un train à grande vitesse relie toutes les capitales du continent ; le commerce inter-Etats en Afrique a explosé ; des entreprises et des universités panafricaines soutiennent la croissance d’une Afrique championne de l’économie verte ; enfin, la troisième économie du monde abrite la capitale de la mode à Kinshasa.
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Mais ce huis clos africain suscite une certaine aigreur chez les diplomates occidentaux qui reprochent à Nkosazana Dlamini-Zuma de les avoir « ignorés ». « C’est bien d’élaborer de belles ambitions. Mais surtout, qu’on ne nous demande pas, après, de mettre la main à la poche pour les financer ! », s’est exclamé un diplomate, sous le couvert de l’anonymat.
Prévention des conflits : des ONG pointent l’insuffisante implication de l’UA
La vision résolument panafricaine et optimiste de Nkosazana Dlamini-Zuma tranche par ailleurs avec le cri lancé dimanche à Addis-Abeba par un collectif d’ONG pour que l’Union africaine agisse résolument et sans attendre pour mettre fin aux conflits et aux exactions qui se déroulent en Afrique aujourd’hui.
« Il a été prévu que ce sommet débatte des questions d’agricultures et de sécurité alimentaire. Mais au vu de ce qu’il se passe sur notre continent, en matière de conflit, il est bien évident que [ceux] au Mali, en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en RDC prendront le dessus », juge Désiré Assogbavi, le chef du bureau d’Oxfam auprès de l’Union africaine.
« Cela est bien dommage que nos dirigeants ne prennent pas au sérieux les questions d’alerte précoce. Qui, parmi eux, ne savait pas que le Soudan du Sud allait éclater ? Ils le savaient tous, et rien n’a été fait, alors qu’il existe des mécanismes d’alerte précoce dans toutes les institutions continentales et sous-régionales. […] Les alertes ont été émises, mais rien n’est arrivé », juge le chef du bureau d’Oxfam auprès de l’UA. Pour Désiré Assogbavi, il faut que les « chefs d’Etat aient le courage de se dire la vérité quand ils se rencontrent, quand il y a des signes que des conflits sont en train de se préparer, la réponse rapide doit suivre absolument les alertes rapides. »
Source: RFI