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« Lorsque tu vis dans un foyer, ta valise est toujours dehors »

A quelques pas de la Cité des 3000, au foyer de travailleurs migrants, le temps semble s’être arrêté. L’état de délabrement du bâtiment laisse présager un hiver difficile dans les petites chambres de 9 ou 15 mètres carrés. Reportage.

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93600. Aulnay-sous-Bois. Un vent glacial souffle sur le foyer  géré par l’ADEF. Assis devant l’immeuble de quatre étages, des hommes vendent de part et d’autre du jardin des paquets de cigarettes et des cartes téléphoniques. Si l’arbre devient solide sous le vent, les petites tables individuelles sur lesquelles sont délicatement installés ces hommes semblent être bien enracinées.

Situé à la périphérie de la ville, loin de tout et à proximité de la cité des 3000, le foyer de travailleurs migrants a été bâti en 1972 par l’Association pour le Développement des Foyers, anciennement Association du Bâtiment et de la Métallurgie (l’ADEF). Sa population est exclusivement masculine. Franchir les portes du foyer ne révèle pas d’une mission impossible. N’importe qui peut y entrer et sortir. D’ailleurs des jeunes, étrangers au foyer, semblent y tenir les murs à leur aise. Une fois à l’intérieur, un brouhaha ambiant vient balayer  ‘apparente quiétude qui règne dans le jardin.

C’est sans enfants ni femme que les travailleurs migrants résident au foyer , même s’il n’est pas rare de croiser des frimousses entre ses murs. Après avoir échangé quelques mots avec l’un des résidents du foyer, je me dirige vers le sous-sol du bâtiment. Là, juste à côté de la petite salle qui sert de lieu de culte, il y a la cuisine collective. Ou plutôt le restaurant. Les résidents y viennent enchanter leur palais de saveurs africaines pour une poignée d’euros.

Là-haut, au rez-de-chaussée, un petit groupe d’hommes bavarde devant des stands d’information et de dépistage du VIH. D’autres, en boubou pour certains, attendent patiemment devant une infirmerie improvisée pour effectuer des rappels de vaccins. C’est cet instant que choisit une infirmière pour brandir un sac rempli de préservatifs. « C’est quoi ça ?», lui lance un vieillard. « Des préservatifs Monsieur » répond l’infirmière. « C’est pour se protéger quand on couche » poursuit-elle. « Ah moi je ne connais pas ça hein ! » s’exclame le vieillard. Suit alors un malaise palpable laissant deviner que l’utilisation de la petite enveloppe en latex n’est pas inscrite dans les mœurs des personnes âgées présentes. Les résidents du foyer participent en réalité à une soiré- santé. Organisée par la médiatrice sociale, elle a pour but de leur offrir un accès au dépistage des infections sexuellement transmissibles ainsi qu’à des rappels de vaccins.

Dans la file d’attente, un homme d’une trentaine d’années, prénommé Mohamed Sissoko, attend patiemment son tour. Né au Gabon, l’homme a vu du pays. En effet après le Mali, le Nigeria et l’Espagne, c’est dans les murs du foyer d’Aulnay qu’il a « provisoirement » déposé ses valises. Bien que se disant « de passage », Mohamed a un avis acrimonieux sur la question de la vie au foyer d’Aulnay. « Les journalistes doivent venir filmer ce qu’il se passe ici. La dernière fois, les policiers sont venus et ont mis dehors certains d’entre nous. Est ce que ça c’est normal ? Dans un autre endroit, une chose pareille ne pourra jamais arrivé » dit-il avec un sourire triste entaché d’amertume. Un sourire laissant deviner qu’ici, dans le foyer d’Aulnay, il est  difficile de voir la vie en rose tant il est vrai que le calme y est rarement maître mot.

« Lorsque tu vis dans un foyer, ta valise est toujours dehors ». L’écho de ces mots prononcés par un vieil homme d’une soixantaine d’années couplé à l’image désolante renvoyée par les détritus jonchant le sol de chaque étage de l’immeuble ne laisse aucun doute sur la situation alarmante du foyer. On comprend vite alors que le vent glacial qui s’abat sur le foyer est un vent d’éreintement et de désespoir.

Mohamed K.

 

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