Le Mali, depuis son indépendance politique en septembre 1960, est dirigé par des hommes et des femmes issus non pas de l’ancienne société traditionnelle mais de l’école coloniale et que par manque de mot, on appellera élite ou cadre. Si les instituteurs et autres lettrés de la 1ère République (1960-1968) purent sortir de la gestion politique et économique du pays avec les honneurs, on ne peut pas en dire autant de leurs successeurs.
Les premières manifestations de la carence de ceux-ci apparurent en 1968 quand des éléments de cette caste, plutôt que de rejeter les offres des officiers frondeurs de novembre 1968, firent vite de les rallier, légitimant de cette manière ce pouvoir né entre les bouteilles de whisky de la caserne au service de Jacques Foccart. Pendant au moins dix ans, de 1968 à 1978, la tenue kaki fit la loi dans les rues de Bamako et même dans des familles respectables dont les meilleures filles furent données en mariage aux félons du comité militaire de libération nationale (CMLN).
La période de 1974 à mars 1991 vit le règne de la bourgeoisie politico- militaire régenté par le parti unique constitutionnel appelé Union démocratique du peuple malien (UDPM). Pendant toute cette période, l’élite intellectuelle se coucha comme une chienne affolée au pied de la soldatesque qui entretemps avait quitté le métier des armes pour les affaires civiles jugées plus rentables.
Lorsque l’UDPM fut chassée du pouvoir en mars 1991, la fine fleur de l’élite sortie des meilleures universités d’Europe et d’Amérique, accéda au pouvoir suprême pour mettre en place, dit-on à l’époque un régime démocratique solide et stable. Commença alors le règne calamiteux des docteurs, des ingénieurs et autres informaticiens, tous ayant galéré en France, en Navarre et en Amérique. Dans le tas il y eut même quelques gugusses ayant fait leurs humanités dans les pays du camp de Varsovie et comme cela advient fréquemment, en Chine et même en Papouasie dont les diplômes, pour être homologués par les services techniques de l’Education nationale, donnèrent du fil à retordre à ces malheureux agents.
Mais aussi vite qu’ils furent pressés d’arriver au pouvoir, ils étalèrent sur la place publique leurs incompétences et leur népotisme atavique, ne donnant alors à voir au peuple que le besoin urgent de s’enrichir et de rattraper les moments passés dans la misère. Les premiers responsables de l’ère démocratique purent cacher leurs tares dans des artifices et des astuces économiques pris chez Keynes ou chez Ricardo et Adam mais après ce fut une telle bouillabaisse que plus personne ne chercha à distinguer un rat mort d’un rat vivant. Et quand les rebelles du nord et les dealers en stupéfiants d’Algérie et de Lybie se mêlèrent à cette danse de tous les dangers, ce fut à perdre le nord du pays. Les islamistes financés par l’Arabie Saoudite et le Qatar profitèrent de l’affaiblissement de l’Etat pour exiger l’exercice de la charia sans que l’on sache quel genre d’islam ils prônaient. Mais curieusement les docteurs de France et de Navarre, d’Amérique et d’Angleterre s’agenouillèrent piteusement devant des gens dont le seul mérite était d’être sortis des écoles coraniques traditionnelles du blon.
Le paysan de Doumba, à quelques marches de Banamba, a certainement raison de clamer que l’élite intellectuelle a failli à son rôle historique et qu’à l’école des blancs, elle n’a appris qu’à voler, tricher ou lorgner les entre-fesses des bonnes femmes.
Facoh Donki Diarra
Source: Aujourd’hui-Mali