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Les fondements, le bilan et des propositions pour relancer la reforme de décentralisation de la gestion publique au Mali

Le père de la décentralisation au Mali sous le règne Alpha Oumar KONARE, l’ancien ministre Ousmane SY,  jette un regard à la fois rétrospectif et prospectif sur ce processus dans notre pays,

en relevant ses dysfonctionnements tout en proposant des pistes d’amélioration pour sortir, enfin, du cycle de la rébellion armée dans le Nord. Nous vous proposons ci-dessous sa contribution pour la verser dans les débats qui s’ouvrent aujourd’hui, au CICB, avec les « Assises nationales du Nord » dont il est attendu une thérapie politique de choc pour renouer avec le « vivre ensemble » qui a toujours caractérisé notre pays au fils des siècles de cohabitation sociale dans la diversité enrichissante.

Ousmane Sy

 

1. Au début des années 1990, la République du Mali, s’est engagée dans la préparation et la mise en œuvre d’une reforme de décentralisation de la gestion publique. Les deux grandes ambitions qui portent cette réforme majeure de la 3èmeRépublique sont d’une part l’approfondissement du processus démocratique en construction et la promotion d’une approche de développement portée par les acteurs locaux d’autre part. Ces deux grandes ambitions étaient articulées sur le défi majeur de la réforme de l’État/Nation centralisé, d’inspiration jacobine, en place depuis l’accession du pays à l’indépendance et qui a fini par montrer toutes ses limites.

Quels sont les fondements et les grands choix qui ont guidé cette réforme de décentralisation ?

2. L’observation fine des pratiques administratives coutumières et de gestion de la chose publique au niveau local montre que le mode de gestion décentralisée est une très vieille tradition dans la culture institutionnelle des populations maliennes. La centralisation administrative, politique et économique s’est progressivement installée depuis plus d’un siècle. D’abord par le fait de l’administration coloniale, à la suite de la conquête des territoires du Haut Sénégal puis du Soudan français (milieu XIX siècle), puis par les pères de l’indépendance qui ont fait le même choix en évoquant la priorité donnée à la construction d’une nation unifiée. Ce n’est qu’après les soulèvements populaires du 26 mars 1991, que l’État centralisateur et gestionnaire exclusif des affaires publiques a été fortement remis en cause. Il fallait repenser tout le système politique et institutionnel suite au choix de la démocratie pluraliste et de respect de toutes les libertés publiques. Après les débats de la Conférence nationale d’Août 1991, un large consensus s’est construit autour du choix de la décentralisation de la gestion publique comme axe stratégique pour la construction du « futur » de la nation malienne.

3. Les raisons profondes de ce large consensus sur la demande de décentralisation de la gestion des affaires publiques doivent être cherchées dans l’histoire de la formation de ce qu’est la nation malienne d’aujourd’hui. Le respect de la diversité et sa prise en compte dans l’élaboration des normes de gestion des rapports entre les individus, les communautés et les territoires est un des fondements majeurs et plusieurs fois centenaires de la culture malienne. Cette valeur fondamentale qui donne un sens à la gestion de la chose publique fonde le choix de la décentralisation. Avant d’être une technique de gestion administrative, la décentralisation est d’abord un état d’esprit donc un acquis de la culture institutionnelle. La preuve en est que tous les leaders politiques, qui ont eu en main la gestion du Mali indépendant (de Modibo Keita à Amadou Toumani Touré) , ont mis en avant dans leurs discours et avec constance la volonté d’aller à la décentralisation.

4. Malgré cette constance du discours politique et l’ancrage dans le patrimoine institutionnel ancien des populations, la mise en place de la décentralisation a été constamment entravée par l’évocation d’une série de préalables dans le souci de ne pas mettre en péril l’unité nationale en construction. La volonté politique de bâtir une démocratie pluraliste et un État de droit qui ont résulté des travaux de la Conférence nationale de 1992 et l’engagement de l’ensemble du pays à trouver une solution pacifique à la 2èmeédition rébellion (1990) au nord du pays ont créé les conditions politiques qui ont permis d’ouvrir de nouvelles perspectives à la mise en place de la décentralisation. D’abord, la Conférence Nationale, après avoir examiné et discuté de l’État de la Nation présenté à l’époque par le gouvernement de transition, a recommandé : « la levée de toutes les entraves qui s’opposaient à une décentralisation effective ». Ensuite, le Pacte national qui a scellé l’engagement du gouvernement et des mouvements qui dirigeaient la rébellion au nord du pays (MFUA) a prévu un statut particulier pour le Nord dont le fondement était la décentralisation. Des concertations organisées à l’échelle de tout le pays autour du Pacte national (Conférence de Ségou et de Mopti en 1992) est sortie la volonté de faire de la gestion administrative décentralisée le mode de gestion de tout le pays et pas seulement du Nord. C’est pour toutes ces raisons que Alpha Oumar Konaré, premier Président de la 3e République, a fait de la réforme de la décentralisation une de ses toutes premières priorités politiques.

5. La première condition de concrétisation de la réforme était d’aller à la création des collectivités décentralisées et à l’émergence des élus locaux qui, en partenariat les autres acteurs, allaient s’atteler à la construction d’un système de gestion publique décentralisé après plus d’un siècle de centralisme politique, administratif et économique.

6. La mise en œuvre de la reforme a été bâtie autour des choix stratégiques suivants : i) la communalisation intégrale du territoire, dans une première étape[1], avec l’implication des délégués des villages, des fractions et des quartiers dans le débat sur l’émergence des communes ; ii) le libre choix des décideurs (élus) locaux par les citoyens ceci permettant de ramener les décisions de gestion publique locale à un niveau proche et compréhensible par les populations ; iii) la progressivité dans le transfert des responsabilités (compétences), des ressources (humaines et financières) et du patrimoine (meuble et immeuble) de l’État aux collectivités décentralisées ; iv) le contrôle de l’État central sur les collectivités décentralisées à travers ses représentants territoriaux (une superposition de la décentralisation et de la déconcentration) ; v) le respect des us et coutumes de chaque communauté pour le choix des chefs de village, de fraction et de quartier ; vi) la non-rémunération de la fonction d’élu local qui est censé se mettre au service de ses concitoyens. Seules des indemnités lui étant dues.

7. Ces choix de base ont été partagés avec l’ensemble des acteurs centraux et locaux à travers un programme de communication et de mobilisation sociale. Pour ce faire, les médias publics et privés et tous leurs supports écrits et audiovisuels ont été mis à contribution. Un accent particulier a été mis sur l’ancrage culturel qui a permis de mettre les principes de base de la décentralisation en dialogue avec les codes culturels et les modes de pensées propres aux populations. La traduction des grands choix faits dans les différentes langues nationales et les efforts déployés pour trouver les concepts propres à chaque langue nationale et locale ont permis de faire mieux comprendre la réforme et ses enjeux.

Les acquis sont nombreux après une décennie de mise en œuvre. 

Un début d’enracinement de la démocratie et d’émergence de la perspective locale dans le paysage politique et institutionnel du pays

8. La réforme, installée en 1999 et 2000, est soutenue aujourd’hui par un arsenal législatif et réglementaire solide, et des organes délibérants et exécutifs fonctionnels. Malgré la faiblesse des ressources humaines et financières, les 761 collectivités territoriales (703 communes, 49 cercles, 08 régions et le district de Bamako) ont montré leur capacité à engager une politique d’accroissement de l’offre de services publics aux populations à travers la réalisation d’infrastructures dans les secteurs sociaux (santé, éducation, eau) et marchands (les marchés, les abattoirs, les parcs de vaccination) et à contribuer au débat sur le développement de leurs territoires respectifs à travers la préparation des plans de développement économique, social et culturel (PDESC). La démocratie ne parait plus comme un concept vague et creux pour des populations des villes et des villages qui, à travers le vote, ont la possibilité de sanctionner positivement ou négativement les gestionnaires de leurs affaires. Ceux-ci sont des voisins qui parlent leurs langues et qu’ils peuvent interpeller sans risque. Pour des populations qui n’ont été que des administrés sur plusieurs générations, c’est une véritable révolution.

L’existence de nombreuses structures chargées de la promotion, de l’accompagnement et du suivi du processus de décentralisation. 

9. Il s’agit notamment : i) du Haut Conseil des Collectivités (HCC), une institution constitutionnelle de représentation des collectivités au niveau national dotée d’un pouvoir consultatif ; ii) le Ministère chargé de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL) qui gère la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT), la Direction Nationale de l’Aménagement du Territoire (DNAT), l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales (ANICT) et le Centre de Formation des Collectivités Territoriales (CFCT) ; iii) le Commissariat au Développement Institutionnel (CDI) qui vient d’être rattaché au Premier Ministre et qui a pour vocation le pilotage de toutes les réformes institutionnelles et politiques indispensable à la sortie de crise, dont la décentralisation. A ces trois structures maîtresses au sein de l’État, il faut ajouter les associations regroupant les élus locaux pour la défense des intérêts de collectivités décentralisées que sont : l’Association des Municipalités du Mali (AMM,) l’Association des Collectivités Cercles du Mali (ACCM) et l’Association des Collectivités Régions du Mali (ACRM) ; le Comité National d’Orientation des Appuis Techniques aux Collectivités Territoriales (CNO) ; le Comité National des Finances Locales et le Panel de la décentralisation et du développement institutionnel, un cadre de dialogue entre les autorités maliennes et les partenaires bilatéraux et multilatéraux sur les réformes publiques, etc.. La mise en place de la Fonction Publique des Collectivités Territoriales et la création des cellules d’appui à la décentralisation et à la déconcentration dans des certains départements ministériels sont venues compléter le cadre de pérennisation de la réforme.

L’existence d’un dispositif d’appui financier et de plusieurs autres programmes d’appui technique

10. Le gouvernement a créé en 2007, le Fonds National d’Appui aux Collectivités Territoriales (FNACT) dans le but d’harmoniser la compréhension de tous les acteurs sur la nature, les modalités de constitution et de gestion des différents fonds. Ce fonds comprend actuellement cinq dotations dont seules la Dotation d’Investissement des Collectivités Territoriales et la Dotation pour les Appuis Techniques sont aujourd’hui opérationnelles et abondées par l’État et les PTF. Les deux dispositifs d’appui technique sont les Programmes Nationaux d’Appui aux Collectivités Territoriales (PNACT I, PNACT II et PNACT III) et le Programme de Développement Institutionnel (PDI).

L’amorce du processus de transfert des compétences et des ressources de l’État aux collectivités territoriales 

11. Certaines compétences ont été transférées dès la mise en place des organes élus. Ce sont : l’état civil, le recensement administratif, les archives et la documentation, la police administrative, l’hygiène et l’assainissement. En ce qui concernant les compétences spécifiques, des domaines ciblés telles l’éducation, la santé, l’hydraulique et la gestion des ressources naturelles ont fait l’objet de textes et de timides progrès.

Mais les difficultés sont encore nombreuses ; 

Les difficultés financières d’un grand nombre de communes 

12. Un nombre important de petites communes, laissées à elles seules, ne disposent pas d’un potentiel minimum de ressources humaines et financières leur permettant d’amorcer des actions de développement viable.

La faible implication des acteurs communautaires dans les délibérations publiques au sein des collectivités décentralisées 

13. En dehors des périodes électorales et souvent des exercices d’élaboration des programmes de développement locaux, le niveau d’implication des acteurs, porteurs d’autres types de légitimités, dans la gestion des affaires locales reste très limité et anecdotique. En conséquence, ils sont peu associés aux décisions des organes exécutifs et délibérants et peu informés sur le fonctionnement des collectivités territoriales.

Les dérives liées au mode de mise en place des organes délibérants et des exécutifs des collectivités décentralisées

14. Les organes délibérants sont composés exclusivement d’élus au suffrage universel. Les autres légitimités (coutumières, associatives) qui existent au niveau local sont exclues de fait de la délibération publique, les textes n’ayant pas été très explicites sur leur responsabilité. Aussi, par le jeu des alliances, la liste ayant obtenu le plus grand nombre de conseillers élus perd le poste de maire ou de président au profit d’une liste minoritaire. Il arrive donc que la configuration des organes exécutifs, qui gèrent au quotidien, soit loin de refléter le fait majoritaire. Le manque de collégialité dans la prise des décisions publiques, qui en découle, entraîne la paralysie et le mauvais fonctionnement des exécutifs et des conseils délibérants.

Les résistances à la mise en œuvre du processus des transferts de responsabilités et budgétaires aux collectivités territoriales 

15. Malgré les textes nombreux et les multiples instructions relatifs à la mise en œuvre des transferts de responsabilités et des ressources et à la mise en place d’une commission interministérielle de pilotage de ces transferts en 2011, les progrès sont restés très lents et hésitants. Les transferts financiers globaux de l’État aux collectivités territoriales sont d’une très grande faiblesse (moins de 1% Produit Intérieur brut pendant toute la période 2005-2008). De la même manière, la mobilisation des ressources autres que les ressources fiscales (exploitation des équipements marchands, recettes tarifaires) reste insuffisante. Une des plus grandes menaces sur le processus de décentralisation est la prépondérance des fonds extérieurs dans le financement des collectivités décentralisées. En 2008 et 2009, 93,21% des subventions allouées aux collectivités territoriales proviennent des PTF tandis que la part du financement national n’est que de 6, 79%.

La faible capacité des élus et le manque de moyens des administrations déconcentrées

16. La qualité des élus qui gèrent les collectivités est déplorée par un grand nombre d’acteurs. Les raisons sont diverses : i) le manque de rigueur dans le choix des candidats aux postes électifs, ii) le faible niveau de formation de la majorité des élus, iii) le taux élevé de renouvellement des élus et l’instabilité du personnel d’appui administratif et iv) le manque crucial d’archives et de documentation qui auraient permis la capitalisation des expériences acquises. Les représentants de l’État central sur le territoire (Gouverneurs, Préfets et Sous/Préfet) n’ont que de faibles moyens pour faire face à leurs missions de coordination de services déconcentrés, de contrôle et d’appui-conseil aux collectivités. L’inefficacité globale qui en résulte affecte négativement l’image de l’État sur le territoire et discrédite les collectivités territoriales et la reforme de décentralisation en général.

La faible articulation des initiatives locales et des programmes sectoriels nationaux et la faible implication des acteurs du secteur privé local dans les efforts de développement des économies locales

17. Les programmes de développement économique social et culturel (PDESC) des collectivités décentralisées élaborés par tous les cinq (5) ans ne sont très souvent qu’un catalogue d’actions juxtaposées et non mis en cohérence avec les programmes sectoriels élaborés par les services nationaux. Tout ceci se traduit par une grande incohérence dans les interventions publiques sur le territoire. L’origine de ces défaillances est due : i) à la faible implication de tous les acteurs locaux dans la préparation des programmes, ii) au non-respect de la maitrise d’ouvrage des collectivités décentralisées par les services centraux et iii) surtout, à la non-mise en cohérence des multiples niveaux de programmation du développement territorial due à l’absence d’un schéma national d’aménagement du territoire qui doit guider toutes les interventions publiques et orienter celles du secteur privé. Le partenariat avec les acteurs économiques locaux (formels et informels) n’a pas encore fait l’objet d’une grande préoccupation de la part des décideurs locaux élus.

La faiblesse des initiatives prises dans le domaine de la coopération et de la mutualisation entre les collectivités territoriales maliennes 

18. Aujourd’hui, 755 collectivités territoriales (sur 761) sont impliquées dans des liens de coopération intercollectivités à travers 46 syndicats intercollectivités. Toutefois, la majorité de ces liens de coopération sont peu fonctionnels et sont établis avec des collectivités françaises. Le développement des coopérations intercollectivités aurait pu corriger les faiblesses dues aux capacités réduites des certaines communes dites non viables.

Et de nombreux défis majeurs interrogent la mise en œuvre de la réforme de la décentralisation. 

Le renforcement du pilotage politique de la reforme

19. Après un pilotage au haut niveau de coordination de l’action publique (le Premier ministre et le Président de la République) pendant une décennie, la réforme a été ramenée à partir de 2004 au niveau ministériel (ministère du Travail, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État et Ministère délégué à la décentralisation rattaché au ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales (MATCL). Ces changements ont fini par laisser l’impression que la réforme de décentralisation ne figurait plus dans les priorités politiques de première importance. Au finish, malgré tous les discours, la réforme n’est plus que l’affaire de la structure technique qu’est la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT). N’eût été l’existence des élus et le maintien du plaidoyer et surtout des financements des partenaires extérieurs, la décentralisation viendrait allonger la longue liste des réformes initiées, mais non poursuivies.

Le passage à la régionalisation

20. En 1993, le choix politique a été fait de lier la réorganisation du territoire à la mise en œuvre de la réforme de décentralisation en impliquant fortement les divers acteurs (locaux et centraux) dans la création des nouvelles collectivités décentralisées. Cette logique a prévalu dans la première étape de la réforme qu’a été la communalisation. Elle doit se poursuivre pour une seconde étape (la régionalisation) par la mise en place de nouvelles régions en concertation avec les acteurs des communes. L’ouverture du débat public sur régionalisation offre un triple avantage : i) redonner un souffle nouveau à la reforme, lancer le débat sur les causes des promesses non tenues de la reforme afin de faciliter la sortie de la crise politicoinstitutionnelle en général et celle dite des régions Nord en particulier. Dans cette perspective la question de l’échelon territorial cercle doit être clairement posée. Le maintien ou pas du niveau cercle et pourquoi en faire ?

L’amélioration de la fiscalité locale et l’accroissement des dotations budgétaires aux collectivités décentralisées

21. Le financement national du développement sous la maitrise d’ouvrage des collectivités décentralisées est menacé par l’extrême faiblesse des transferts budgétaires aux collectivités, et la faible productivité de la fiscalité locale. Les impôts locaux sont mobilisés de façon très inégale en raison de la précarité des économies locales. Seul un accroissement volontariste et substantiel des dotations budgétaires pourrait éviter la fragilisation des collectivités territoriales. Une réforme de la fiscalité qui affecte une partie de la TVA et de certains impôts liés au foncier aux collectivités décentralisées est la seule voie pérenne pour permettre la délivrance d’un service public de qualité aux populations.

La redevabilité des élus 

22. Ni le débat public et participatif sur budget, ni l’information sur les comptes de gestion du maire et les délibérations du conseil de la commune ne sont encore bien entrés dans les habitudes. La mairie n’est pas encore un lieu que le citoyen fréquente en dehors des cérémonies de célébration des mariages ou de la quête des actes d’état civil. Les possibilités de recours contre les actes illégaux et les abus des exécutifs (maires, présidents et adjoints) ne sont pas connus. Les autorités administratives et judiciaires, investies du pouvoir de contrôle de la gestion des élus et simplement du respect de la loi, ont encore beaucoup de mal à assumer toutes leurs responsabilités dans le suivi et le contrôle de la gestion des collectivités décentralisées.

L’amélioration du contrôle de la gestion et du respect de la légalité 

23. Les autorités administratives déconcentrées ne jouent pas convenablement leur rôle de contrôle de la légalité. La fonctionnalité des collectivités territoriales est aujourd’hui affectée par des pratiques illégales non sanctionnées, qui compromettent à bien des égards l’atteinte des objectifs de la réforme. Ne faut-il pas réduire le contrôle au seul contrôle judiciaire (tribunaux administratifs) et supprimer la tutelle administrative. Le défi consiste à concentrer les moyens de l’État sur le dispositif judiciaire sur le territoire en leur affectant les moyens nécessaires pour leur permettre d’accomplir au mieux leurs missions de contrôle.

L’implication des administrations locales dans la promotion du développement économique local 

24. Les administrations de proximité connaissent mieux le potentiel du territoire régional et local et de la typologie des acteurs économiques qui y évoluent. La construction d’un partenariat gagnant/gagnant avec ces administrations et les acteurs (secteur formel et informel) peut apporter une meilleure connaissance des économies locales, un renouvellement des approches d’appui en direction du secteur privé, et enfin l’exploration des possibilités de coopération transfrontalière.

L’impulsion de la cohérence du développement territorial

25. Pendant les premières années de la réforme, l’accent a été mis sur l’appui financier et technique aux communes. Une grande partie des financements a été orientée vers la réalisation des infrastructures de base dans le domaine du social et les équipements marchands. Mais les investissements réalisés n’ont pas eu l’effet d’entraînement escompté sur le développement local. Les cohérences du national/régional/local n’ont pas fait toujours l’objet de préoccupation. La diversité du territoire et sa prise en compte dans la délivrance du service public et dans les attentes des populations ont été ignorées. Une nouvelle approche qui mettrait un peu plus l’accent sur l’élaboration des schémas d’aménagement des territoires faciliterait le dialogue entre l’État central et les collectivités décentralisées pour un développement territorial cohérent et pertinent.

Des propositions pour la relance 

26. Rehausser le niveau de pilotage politique de la reforme de décentralisation en la mettant au cœur des réponses institutionnelles à la crise pour avoir un pays uni et stable.

27. Amorcer la régionalisation comme 2e phase de la réforme de décentralisation, après la communalisation. Cette régionalisation doit se faire dans un débat avec tous les acteurs.

28. Prendre la décision politique d’affecter, dans un horizon de trois ans au maximum, 30% des ressources budgétaires publiques aux collectivités décentralisées à travers l’appui budgétaire. Cette dotation annuelle doit être assortie de critères de péréquation fixés par la loi.

29. Sortir de la superposition de la décentralisation et de la déconcentration en transférant les capacités techniques des services déconcentrés sous la responsabilité des collectivités décentralisées en lien avec les compétences que la loi leur reconnaît. Dans cette perspective, il convient de remplacer le contrôle administratif (tutelle) par le contrôle judiciaire en déconcentrant fortement et dotant de moyens l’appareil judiciaire.

30. Prendre un texte de loi qui clarifie et garantit la libre administration (en complément au Code de collectivités) en définissant de façon précise les rôles, responsabilités et moyens des autorités institutionnelles (administration centrale, administration décentralisée et autorités coutumières).

 

Dr. Ousmane Sy

Bamako, 14 octobre 2013

 

Source: Info-matin

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