Le dictateur du Burkina Faso détient à son actif trois putschs, dont le dernier lui permit d’arriver au pouvoir. Après deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015), soit 27 ans de règne sans partage, il souhaite mourir au trône après 2015. Ce que ne lui permet pas la Constitution. Jeudi, en un clin d’œil, le sort se retourne subitement contre Blaise Compaoré à la tête de son pays à la suite du sanglant assassinat de Thomas Sankara. Il a fallu attendre vingt-sept longues année de misère pour qu’il paye sa dette de sang. Les bourreaux de la Cour pénale internationale se frottent les mains pour pendre le commanditaire du présumé assassinat de Sankara, Zongo et autres. Ils vont prendre leur mal en patience. Parce qu’une force noire tire les ficelles pour sauver les apparences. Un film en six actes.
Tout commence Jeudi, le 30 Octobre 2014. Depuis le matin, le Burkina Faso, pays des hommes intègres, s’embrase de plus belle. Tout à coup, tout vole en éclats.
Premier acte
Bilan provisoire : l’Assemblée nationale part en fumée. Les Burkinabé saccagent et pillent en règle la télévision nationale. Le siège du parti présidentiel à Ouagadougou tombe en ruines. La violence éclate en province comme c’est pas possible. Les forces de l’ordre, passives à dessin, prennent la tangente. Près du domicile de François Compaoré, frère cadet de Blaise, un homme gît au sol, un trou à la tempe. Aux alentours de la Présidence, la garde fait feu en guise de sommation. A Bobo Dioulasso, la mairie, le siège du parti présidentiel, les maisons du maire et du porte-parole du gouvernement ressemblent au carbone.
Deuxième acte
Déboussolé par l’enchaînement des évènements d’une rare violence, le gouvernement panique, abdique et annule ipso facto le vote du projet de révision de la Constitution, de tous les dangers. Pendant ce temps, la France, éternel avocat du diable, toujours soucieux de ses intérêts, plaide pour le calme. Les Etats-Unis, tenaillés par la montée, en puissance de surcroît, du terrorisme en Afrique, expriment à juste raison leurs inquiétudes.
Tout compte fait, depuis l’assassinat du révolutionnaire Thomas Sankara en 1987, la crise la plus grave, après la mutinerie de 2011, chamboule tout. C’est un fait rarissime en Afrique de l’Ouest. Pourquoi ? La populace estime c’est trop ! Et, trop, c’est vraiment trop ! Car, le dernier mandat de Blaise Compaoré s’achève en 2015, soit 27 ans de dictature entre deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015). Il a d’ailleurs modifié deux fois la Constitution (en 1997 puis en 2000) pour tenir en laisse tout une nation éprise de justice depuis son avènement. A ce jour, une troisième refonte de la Loi fondamentale lui garantit donc 15 ans supplémentaires de règne sans partage, soit trois autres mandats de dictature en plus –le vote dit soviétique aidant- dès que le 3/4 des députés votent la révision constitutionnelle qui annihile ipso facto le référendum.
Aux pays des hommes intègres, les jeunes de moins de 25 ans (60 % des 17 millions d’habitants) ne connaissent que le dictateur Blaise Compaoré. Pour eux, c’est inadmissible. Donc, la rue réclame sa tête à juste titre. Est-ce la raison pour laquelle l’Onu joignit son émissaire à ceux de la virtuelle mission de paix conjointe à l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour éteindre l’incendie ?
Troisième acte
Il faut noter que sous la houlette du président du Faso, le Burkina joue un rôle prépondérant au Sahel en proie à Al-Qaïda. Est-ce, par ailleurs, la raison pour laquelle la France et les Etats-Unis émettent à chaud des réserves pour accorder un semblant de crédit à ce fin médiateur avide de pouvoir ?
Quoi qu’il en soit, en Afrique, les présidents du Congo Brazzaville, du Burundi, de la République démocratique du Congo et du Bénin, pour mourir au pouvoir et couvrir leurs crimes contre l’humanité, veulent abuser, à leur tour, du maléfique procédé classique, du modus operandi à la Compaoré déjà usé, semblable à un disque rayé, dans huit pays africains.
Quatrième acte
Au Burkina Faso, le sort du présumé commanditaire de l’assassinat sanglant de Thomas Sankara repose désormais, en ce jour mémorable, sur les grandes manœuvres entamées dans l’après-midi. Ainsi, le général Kouamé Lougué, choisi par des milliers de manifestants pour renverser Blaise Compaoré, sort de sa retraite. Il rencontre d’abord le chef d’état-major, Nabéré Honoré Traoré et les hauts gradés. Il rencontre également le Mongho Naba, roi des Mossi, ethnie de Blaise Compaoré. Rien ne filtre de ses différentes tête-à-tête.
Apprécié par les militaires et les civils, cet ancien chef d’état-major, alors ministre de la Défense jusqu’à son limogeage en 2003, s’impose au cœur du combat qui oppose un peuple meurtri à un sanguinaire hors pair.
Cinquième acte
En tout cas, «l’armée est soudée avec le peuple », affirme Bénéwendé Sankara. Cette tête brûlée de l’opposition réclame du reste « la démission pure et simple du président Blaise Compaoré« .
Sa retraite coupée et tous ses chemins, l’insatiable président burkinabè, toujours accroché au pouvoir, décrète l’état de siège sur l’ensemble du territoire national. Le chef d’état-major des armées se charge de son application, disent les langues fourchues qui résident en silence pour l’estocade finale.
Ce décret-ci, dépourvu de date, signé Blaise Compaoré, porte un paraphe différent du sien. Que c’est bizarre ! Surtout que son authentification affecte un autre communiqué diffusé par le service communication de la Présidence. C’est juste une feuille blanche, une feuille de chou. Elle annonce la dissolution du gouvernement et un appel à des pourparlers avec l’opposition. Ça sens le roussi.
Cinquième acte
Alors, Jeudi soir, l’armée prend le pouvoir, dissout le gouvernement, l’Assemblée nationale et instaure un couvre-feu de 19 h à 6 h. Les pouvoirs exécutifs et législatifs reviennent à un organe de transition fantôme. Objectif : retour à l’ordre constitutionnel dans un an, promet le chef d’état-major des armées, Nabéré Honoré Traoré.
L’Union européenne, l’Onu, L’Union africaine, la France et les Usa ne voient que du feu. Tout le monde est pris de court.
C’est la fin du règne de l’infâme usurpateur Blaise Compaoré. A qui le tour ?
Sixième acte
En attendant, le président déchu joue la carte ATT. Il refuse de démissionner. Il vide son sac : « J’ai entendu le message. Je l’ai compris et pris la juste mesure des fortes aspirations au changement. Je reste disponible à ouvrir avec vous des pourparlers pour une période de transition à l’issue de laquelle je transmettrai le pouvoir au président démocratiquement élu ». Ses mots éberluent les Burkinabè et dans la nuit de jeudi à vendredi, les armes tonnent aux abords de la Présidence.
Bilan officieux des troubles de la journée du Jeudi : une trentaine de morts et plus de 100 blessés.
Le second film du printemps noir prend forme au Burkina Faso. Rendez-vous Lundi prochain.
Mister NO