Les Jeux olympiques «Paris 2024» n’ont pas dérogé à la tradition en termes de participation du Mali. En effet, nos représentants ont été prématurément éliminés de leurs compétitions les uns après les autres sans pourtant avoir démérité. Animés d’une grande détermination, ils ont réellement mouillé le maillot pour pouvoir aller le plus loin possible. Mais, à ce niveau, il faut plus que la volonté pour espérer rivaliser avec les meilleurs sportifs du monde.
En une journée, le Mali a presque perdu toutes ses cartouches pour atteindre la cible : une médaille olympique ! En effet, la journée du 30 juillet 2024 n’a pas souri à nos représentants dans les différentes disciplines aux Jeux Olympiques «Paris 2024». A commencer par nos deux porte-drapeaux, Fatoumata Marine Camara (boxe) et Alexien Kouma (natation).
Même s’il est classé premier africain de sa série sur les 100 m nage libre (devant un Camerounais et un Comorien), la 4e place d’Alexien Kouma ne lui a pas permis de franchir ce cap. Quelques heures plus tard, Marine Fatou Camara va connaître la même désillusion en s’inclinant en 16e de finale face à la Turque Yildiz sur le score de 5-0 au tournoi de boxe (57 kg) des J.O. Les observateurs voyaient en elle une chance de médaille du Mali à ces jeux de Paris. Hélas !
Déjà dos au mur, après leur défaite (0-1) contre le Japon à Bordeaux, les Aigles Espoirs n’ont pas non plus réussi à relever la tête face au Paraguay victorieux par 1-0. Pendant plus de 85 minutes, les protégés d’Alou Badra Diallo dit Conty ont couru en vain derrière l’égalisation après avoir encaissé un but matinal à la 5e minute. Avec deux défaites et un nul, le Mali termine dernier de son groupe et fait moins qu’en 2004 à Athènes (Grèce) où il avait atteint les quarts de finale.
Entré en compétition le 3 août, la farouche détermination de Fodé Sissoko ne lui a pas permis de franchir le premier tour car il a terminé 4e de sa série dans les 100 m avec avec 10,66. A noter que ce n’est pas non plus son épreuve de prédilection que sont les 200 m. Mais, quand on n’a pas réalisé les minima qualificatifs et qu’on doit se contenter d’un «wild card», on n’a pas tellement le choix. «La place d’universalité ne donnait accès qu’aux 100 mètres», lui a-t-on signifié.
Pas de chance non plus pour la courageuse nageuse Aïchata Diabaté arrivée 5e de sa série 50 mètres nage libre. Ainsi, à la date du 3 août 2024, 4/5 de nos représentants sont éliminés. Ainsi, le taekwondoïste Ismaël Coulibaly reste notre seul sportif encore en course. Il débute la compétition le 9 août prochain. Comme l’a dit un responsable de la Fédération malienne de boxe (FEMABOXE), après la défaite de Marine, «être présent aux JO est déjà un grand symbole. Ce n’est que partie remise». Ils sont aussi nombreux à reconnaître que cette présence est «le fruit d’un travail de longue date sous le leadership du président du Comité National Olympique et Sportif (CNOSM), Habib Sissoko, et soutenu par le département chargé de la Jeunesse et des Sports».
Une prise de conscience que l’Etat et les fédérations doivent accompagner par un investissement conséquent dans le sport
Aujourd’hui, à défaut de médaille olympique, ceux qui ont eu le privilège de défendre nos couleurs aux Jeux de Paris ont pu sans doute accumuler une nouvelle expérience en se frottant aux meilleurs. «Nous avons essayé de défendre dignement le Mali tout en ayant une pensée continue pour nos militaires qui protègent le nord de notre pays. Vous êtes notre fierté et nous avons joué pour vous…», a déclaré le jeune talent Salam après l’élimination du Mali. «Je donnerais tout pour revêtir de nouveau ce maillot en compétition internationale», a-t-il assuré.
Il revient maintenant aux dirigeants des différentes fédérations nationales sportives de créer les conditions leur permettant de capitaliser cette expérience comme un atout de performance. Ce qui suppose que les enseignements de notre participation soient judicieusement tirés et exploités pendant la nouvelle olympiade. Une tâche qui revient naturellement aux Directions techniques nationales (DTN) des fédérations. Malheureusement, c’est un talon d’Achille de notre sport.
La DTN est indispensable à toutes les fédérations sportives voire aux clubs de sport. Et cela d’autant plus que, par l’intermédiaire de son directeur, elle contribue à définir une politique technique pour l’ensemble de la discipline, le football notamment. Elle concourt ainsi au développement de la pratique sportive au sein des clubs et associations, en tâchant de l’ouvrir au plus grand nombre. Mais, nos dirigeants semblent accorder peu d’importance à la DTN.
Elle n’existe que pour se donner bonne conscience. Généralement, on nomme quelqu’un comme Directeur technique national sans jamais lui donner les ressources humaines et les moyens (techniques, matériels et financiers) nécessaires pour assumer cette fonction pourtant capitale dans la performance sportive. A la différence peut-être du basket, nous défions les fédérations du pays de prouver qu’elles sont dotées d’une DTN digne de ce nom.
Il faut dire aussi que le ministère de la Jeunesse et des Sports a une part de responsabilité dans cette situation car, logiquement, le DTN est un technicien de très haut niveau (dans sa spécialité sportive) placé sous la double autorité hiérarchique du ministère des Sports et fonctionnelle (autorité) du président de sa fédération. Il est temps que le Département réagisse par rapport à cette absence de DTN dans nos fédérations. Même s’il faut lier l’appui de l’Etat à la mise en place d’une DTN professionnelle et réellement active.
En tout cas, nous ne cesserons de le répéter (la répétition est pédagogique) comme tous les confrères sincères dans l’exercice de leur profession que ce sont les fédérations qui doivent se battre pour que leurs pratiquants puissent remporter des médailles, olympique notamment, et non le Comité national olympique et sportif (CNOSM), dont la mission est de les accompagner. Ce qu’il fait à hauteur de souhait et de ses moyens. Les sportifs américains, chinois, japonais, australiens, français… performent aux J.O, mais il n’est jamais fait état d’un lien quelconque de leur performance avec le CNO de leur pays. C’est surtout l’athlète et sa fédération que l’on voit !
Comme l’a souligné Mahamadou Draba, Trésorier général de la FEMABOXE, «travaillons, encore travaillons, et toujours travaillons. Le reste n’est que diversion». Il faut réellement se mettre au travail parce qu’on ne remporte pas une médaille olympique en quelques mois de préparation. C’est le top niveau qui se prépare sur le moyen et le long termes. Ainsi, ceux qui veulent être au devant de la scène en 2028 à Los Angeles (Etats-Unis) ont planifié leur stratégie de conquête depuis 2016 (2020 à la rigueur) parce que même 4 ans ne sont pas souvent suffisants pour une médaille olympique.
Il faut donc ce mettre à la tâche en commençant par accorder aux DTN toute l’importance requise dans la performance de nos disciplines sportives !
Moussa Bolly
Source: Le Matin