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La France a parachuté des armes pour soutenir les rebelles du MNLA contre les islamistes

IBK n’a fait état que d’un possible débat sur “une amélioration de la décentralisation”, une option loin de satisfaire les attentes des Touareg du MNLA. “La discussion ne peut pas se faire sur la décentralisation, rétorque Ambeiry ag Ghisa, figure politique du MNLA, puisque, par définition, on sort d’un statut particulier et l’histoire récente a montré qu’elle ne répondait pas à nos revendicationsmnla-mandat-arret touareg kidal

Sept mois après l’offensive militaire française contre les troupes djihadistes menaçant Bamako et au lendemain de l’élection, le 11 août, du nouveau président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (“IBK”), le plus dur reste à faire au Mali.

La stabilité du pays reste, en effet, conditionnée aux discussions entre la capitale, Bamako, et les représentants des communautés touareg et arabe du nord du pays. Entre tentation séparatiste et décentralisation, la revendication autonomiste du Nord, qui date des premières heures de la décolonisation, peut, à nouveau, mettre en péril le fragile équilibre obtenu par les armes.

Les accords d’Ouagadougou du 18 juin entre le précédent pouvoir malien, issu du putsch du 22 mars 2012, et deux composantes du nord du Mali, les Touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) ont fixé, non sans mal, le cadre de ce dialogue.

Ces accords stipulaient que les Touareg devaient laisser l’administration et l’armée malienne reprendre pied dans les villes du Nord et s’engager à soutenir le processus électoral. Ils donnent, par ailleurs, soixante jours au président élu, pour engager une discussion sur le statut du nord du pays dans “le respect de la souveraineté du territoire malien”.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel processus se met en place. En 1990, à Tamanrasset, en 1991, lors de la signature d’un pacte national, puis en 2006 à Alger, les principaux acteurs politiques maliens avaient déjà tenté de répondre aux aspirations politiques et culturelles des populations du Nord. En vain. Les échecs de ces processus de paix ont favorisé l’installation dans la région des groupes djihadistes jouant sur la corde identitaire pour mieux s’infiltrer dans la région.

“La grande différence entre 2013 et ces accords passés, assure Pierre Boilley, spécialiste du Sahel, directeur du Centre d’études des mondes africains, c’est que cette fois-ci l’armée française et 12 000 casques bleus de l’ONU sont sur place pour faire respecter les accords.”

“TOUT EST POSSIBLE À CONDITION DE RESPECTER L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE”

Afin d’offrir un visage uni et de répondre, par avance, aux soupçons de divisions et de manque de représentativité, les mouvements du nord du Mali, le MNLA et le HCUA, se sont alliés, le 8 août, avec le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) avant le début des discussions avec le nouveau pouvoir. “Le MAA se définit par sa volonté de se démarquer des réseaux de trafiquants de drogue, nombreux dans cette zone du Sahel”, ajoute M. Boilley.

Au cours de sa campagne électorale, IBK a soufflé le chaud et le froid sur la question du Nord. “Tout est possible à condition de respecter l’intégrité territoriale”, a-t-il déclaré dans un premier temps avant d’ajouter, une autre fois, que les accords d’Ouagadougou “ne l’engageaient pas totalement” puisqu’ils avaient été signés par son prédécesseur, le président par intérim Dioncounda Traoré, adoubé par les putschistes du 22 mars 2012.

Sur le fond, IBK n’a fait état que d’un possible débat sur “une amélioration de la décentralisation”, une option loin de satisfaire les attentes des Touareg du MNLA. “La discussion ne peut pas se faire sur la décentralisation, rétorque Ambeiry ag Ghisa, figure politique du MNLA, puisque, par définition, on sort d’un statut particulier et l’histoire récente a montré qu’elle ne répondait pas à nos revendications.” Quelques jours avant l’annonce officielle des résultats de l’élection présidentielle et un an après avoir renoncé à l’indépendance, le MNLA a annoncé qu’il allait proposer à Bamako “un projet d’autonomie”.

Pour espérer faire évoluer la position de Bamako, les communautés du nord du Mali semblent attendre beaucoup de la France qui, si elle s’en défend, contrôle, encore, en sous-main, l’agenda. Paris ne veut pas voir revenir s’implanter des groupes djihadistes à la faveur d’une nouvelle déstabilisation du nord du Mali.

“La France a les clés de la solution pour l’Azawad et le MNLA n’est pas sans atout pour négocier avec Paris au regard de ce qui s’est passé sur le terrain”, assure Moussa ag Assarid, un cadre du MNLA. Avant d’ajouter : “S’il faut reprendre les armes, nous le ferons.” En filigrane, ce mouvement touareg rappelle que ses militants, après avoir fait front commun avec les groupes djihadistes en 2012 pour chasser l’armée malienne du nord du pays, ont combattu avec la France contre ces mêmes islamistes radicaux.

D’après un membre de la communauté du renseignement français, le MNLA aurait ainsi fourni les données GPS permettant aux bombardements français de toucher leurs cibles, notamment dans les villes tenues par les islamistes, Tombouctou, Gao et Kidal. C’est, par ailleurs, le MNLA qui a permis de retrouver récemment le corps de l’otage français Philippe Verdon.

“CERTAINS ONT JOUÉ LES APPRENTIS SORCIERS”

C’est l’histoire, encore non écrite, des liens entre les services secrets français et les Touareg du MNLA, qui souhaitent voir leur aide à la France payée en retour. Selon nos informations, les services français ont fourni un avion contenant 70 000 litres de carburant et fait parachuter des armes pour soutenir les troupes du MNLA après leur éviction par les djihadistes d’Al-Qaida, à l’été 2012. “Cette essence suffisait à une ONG, pas à une armée comme la nôtre et ces parachutages ont été effectués au compte-gouttes”, rétorque un cadre militaire du MNLA. Pendant l’offensive française, la DGSE avait même préparé des livraisons de missiles antichar Milan au MNLA, mais ne les aurait pas fournis au regard de la faible résistance des troupes djihadistes.

“Nous n’avons jamais eu besoin du MNLA, sans eux, on faisait la même la chose”, s’insurge-t-on du côté de l’état-major de l’opération militaire française “Serval”, à Bamako. Une réaction qui lève le voile sur des divergences au sein de l’Etat français quant à la conduite à tenir vis-à-vis des Touareg du MNLA. “Certains ont joué les apprentis sorciers, confie-t-on au plus haut niveau à Paris, en faisant croire au MNLA que son aide contre Al-Qaida et pour retrouver nos otages pourrait l’aider à obtenir un Etat indépendant.”

Si la question de la sécurité du pays ne pèse plus aujourd’hui sur l’ouverture d’un nouveau processus de paix entre le pouvoir à Bamako et les communautés du nord du Mali, une issue positive des débats est néanmoins loin d’être acquise.

“Le MNLA a montré qu’il savait tenir ses troupes et une stratégie politique, glisse Pierre Boilley. Et IBK n’achètera pas la paix comme avait pu le faire “ATT”. Peut-être évitera-t-on les errements du passé.” Un voeu que le ministère français des affaires étrangères reformule à sa manière : “Il n’y aura pas d’avenir stable au Mali sans prendre en compte les communautés du Nord.”

avec lemonde.fr

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