Au Mexique, le 1er janvier 1994, le sous-commandant Marcos faisait son apparition à la tête de la rébellion zapatiste, groupe révolutionnaire politico-militaire basé au Chiapas, l’un des États mexicains dont les habitants sont parmi les plus pauvres du pays. Vingt ans après, les communautés indiennes n’ont pas vu leur sort véritablement s’améliorer, mais la figure du sous-commandant Marcos reste emblématique.
De notre correspondant à Mexico,
Lorsque le sous-commandant Marcos est sorti, il y a juste 20 ans, des Montagnes bleues du Chiapas, à la tête d’une armée équipée de bâtons et de fourches, il pensait encore que le monde global pouvait faire une place aux Indiens. Son projet est aujourd’hui relégué au rang des utopies mais son image d’homme généreux perdure.
« Marcos est une autorité morale, explique Scott Robinson, anthropologue, reconnue pour avoir été un poète-guérillero dont la conduite, les actions, les écrits, les insistances, la présence, les manifestations publiques et le voyage à travers le Mexique ont marqué un tournant dans la politique nationale et surtout dans la politique de l’Etat envers les Indiens. Le Mexique compte peu de héros populaires qui prennent des risques, des engagements généreux et défendent corps et âme leurs convictions. Marcos est une sorte de Zorro sympathique et prophétique, il existe chez lui une vocation de prophète légitime, c’est indéniable et il a parfaitement rempli sa fonction. »
Une influence diminuée
Pour Maripaz Silva, directrice de l’ONG Vinculart, la figure de Marcos s’estompe car son mouvement n’a pas foncièrement amélioré le bien-être des Indiens : « Vingt ans après, la situation des Indiens n’a pas beaucoup évolué. Marcos s’est construit lui-même l’image d’un chevalier qui allait changer les choses mais aujourd’hui il est un paladin vaincu. Une fois de plus, il ne s’est rien passé. Comme dans beaucoup de luttes et de résistances, les tentatives de changement ont échoué : c’est la même révolte sociale qui se répète, un mouvement qui tourne comme la roue d’une noria. Marcos écrit bien, beaucoup de monde aimerait dire ce qu’il dit et le dire aussi bien que lui. On a toujours une grande admiration pour cette figure populaire mais ces derniers temps, sa capacité à susciter des mouvements sociaux a bien diminué. »
Evolution des mentalités
Pour Scott Robinson, qui conseille les communautés, tout n’est pas négatif. Si le bien-être social que réclament les Indiens n’est pas arrivé, les mentalités et les lois commencent à changer. « Aujourd’hui, si le gouvernement veut engager de grands projets d’infrastructures privés ou publics (barrages, mines, chemin de fer, développement touristique), l’Etat sera obligé de faire des enquêtes d’utilité publique auprès des communautés indiennes, explique l’anthropologue. C’est un nouveau chapitre de cette histoire. »
L’homme à la pipe et au passe-montagne, symbole mondial de la lutte contre le libéralisme et la mondialisation, reste fidèle à lui-même. Il regrette que le monde moderne ne veuille pas écouter le message des Indiens. Pour en reparler, il propose un autre rendez-vous dans… 500 ans.
RFI