Elle s’appelle Kafounè Fané dite Pranti Fama. Loin du brouhaha de la fête du 8 mars, elle a accepté de nous entretenir sur son histoire. Passionnante et riche en enseignements sur l’émancipation de la femme.
IMAGE D’ILLUSTRATION.
L’Indicateur du Renouveau : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Réponse : Je m’appelle Kafounè Fané dite “Pranti Fama”. Je suis née à Tomikorobougou en 1973. J’ai été apprenti-chauffeur à partir de 1984 quand les véhicules de transport étaient des “Dourouni”. Ensuite, j’ai fait des voyages avec des chauffeurs de citernes et de remorques dans les pays frontaliers (Sénégal, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Guinée, Burkina Faso, Bénin, Togo et Niger).
J’ai abandonné l’école en 6e année et après j’ai fait la mécanique auto. Mon père me disait toujours que j’ai la mécanique dans le sang, et moi-même je le sentais. Durant 10 ans, j’ai été apprenti-chauffeur. Après 1994, je suis parvenue à avoir mon permis provisoire. Et pourquoi 10 ans pour avoir un permis ?, me demandais-je. Peut-être parce que je suis une femme. Et à ce moment-là, c’était très difficile de voir une femme apprenti chauffeur.
Quelles ont été vos difficultés dans ce métier en tant que femme ?
J’ai eu beaucoup de difficultés surtout en tant que femme parce quand j’ai commencé ce métier, tout le monde disait c’était un travail réservé aux hommes. La première difficulté que j’ai eue a été le mépris de la société, les voisins de ma famille. Tout le monde disait que j’étais une délinquante, que je me droguais. C’était un coup de massue dans une société très islamisée comme la nôtre.
Je me réconfortais néanmoins en me disant qu’il n’y a pas de sous-métier. Le seul objectif que je visais, c’était de subvenir à mes besoins et d’apprendre un métier qui me passionnait depuis toute petite. Chaque jour, je donnais des conseils aux apprentis chauffeurs en leur tenant le discours du métier remarquable parce qu’il nous permet de prendre en charge nos familles et donc d’être assez polis avec les clients et les patrons.
Il y a trop de préjugés sur les apprentis-chauffeurs, à plus forte raison quand c’est une femme.
Quelles sont les propositions de solutions que vous faites aux autorités politiques ?
Je demande au gouvernement de construire des routes. Les transporteurs et les moyens de transports sont dans des situations très critiques à cause de l’état des routes. J’allais dire qu’il n’y a pas de route au Mali. Elles sont dégradées. Plusieurs villes du Mali sont inaccessibles à cause de l’enclavement.
Il y a aussi trop de tracasseries et les passagers subissent toutes sortes de souffrances sur les corridors. Nous demandons au gouvernement d’aider les femmes qui évoluent dans ce secteur informel. Ça fait 38 ans que j’exerce ce métier, le gouvernement ne m’a jamais tendu la main. J’ai adressé trois lettres à l’Assemblée nationale pour qu’on me reconnaisse et qu’on me vienne en aide. Mais aucune réponse jusque-là.
Avez-vous un message pour les femmes en ce mois de mars ?
Je demande aux femmes de se serrer la ceinture plus que les hommes pour lutter contre toutes les formes de discriminations, d’impunités. Mettons-nous ensemble pour concrétiser nos rêves. Je demande à toutes mes sœurs de travailler à briser les chaînes de la servitude ancestrales afin de sauver des femmes victimes de notre société machiste.
Propos recueillis par Moriba Camara
Source: L’indicateur du Rénouveau-Mali