Un itinéraire dramatique, celui de Nicolas, 30 ans, le fils de Dominique Bons. Il est mort en Syrie. Il avait rejoint les rangs des combattants de l’Etat islamique d’Irak et du Levant. Un jeune homme originaire du sud-ouest, de la région de Toulouse, qui comme son plus jeune frère Jean-Daniel, est mort en Syrie. Les explications d’Yves Bonnet du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme.
Est-ce que vous avez eu connaissance de l’itinéraire particulier de ce jeune homme ?
Yves Bonnet : J’ai les informations dont tout le monde dispose, c’est-à-dire celles de la presse. Ce que je peux dire c’est que cet itinéraire n’est pas un itinéraire tellement isolé. On retrouve la conjonction, la convergence en quelque sorte, d’un certain nombre de phénomènes. Chez certains, une intégration qui ne s’est peut-être pas faite dans les meilleures conditions. Chez d’autres, des conversions à des idéologies ou des religions qui se montrent, pour des raisons ou d’autres, « attractives ».
Alors justement cette conversion, pour le cas de cet homme, sait-on particulièrement où elle a été effectuée ? Dans certains cas ce sont dans des centres religieux près des résidences de ces personnes, ou alors en prison ?
Absolument. Ce sont les deux réponses. La prison, malheureusement, met en contact, en relation un certain nombre de gens. Et si vous voulez, l’inoccupation ou l’oisiveté aidant, les discussions vont bon train. Et on a affaire aussi à des gens qui, il faut le dire, n’ont pas une très grande personnalité, qui peuvent être aussi marqués par leur détention, par l’injustice qu’ils ressentent plus ou moins. Alors ça, c’est effectivement un des grands viviers de recrutement. Et puis aussi il y a la propagande qui est faite autour de certains établissements religieux et par certains religieux. Je dis bien « certains » parce qu’il ne faut pas se tromper de cible. Et il y a beaucoup de religieux musulmans, beaucoup, qui vraiment prêchent l’intégration et la nationalité française.
Est-ce que l’on a une idée de l’ampleur du phénomène ? Tout à l’heure vous disiez que ce n’est pas un cas isolé. On parle de plusieurs centaines d’individus.
Oui, c’est tout à fait ça. Et en plus, il semble que ce genre de recrutement se soit en quelque sorte décentralisé. Vous avez parlé de Toulouse, il y en a à Marseille, il y en a beaucoup à Lyon. J’ai eu des discussions avec des universitaires qui sont très étonnés de voir les ravages qui se font à Lyon et en particulier chez les Tunisiens.
Est-ce que justement, on arrive à identifier les sources de cette radicalité ?
Oui, elles sont identifiées. A partir du moment où on a un aussi grand nombre de gens qui se sont, soit convertis soit radicalisés, on mesure et on connaît les origines. Mais ça c’est un travail qu’il appartient à la DCRI de mener et elle le fait.
Et justement, ce travail de renseignement aujourd’hui, vous semble-t-il satisfaisant, lorsque l’on apprend a posteriori ces décès ? Donc, non seulement ces jeunes personnes se sont engagées, mais en plus ils sont morts, y compris pour ce cas précis dans une action suicide.
Oui, mais évidemment vous comprenez bien qu’on ne peut pas traiter tous les cas un par un. C’est un travail qui est impossible à faire. On essaie. Le travail des services de sécurité est d’abord de repérer et d’identifier les gens qui sont potentiellement dangereux, et potentiellement dangereux pour la communauté nationale. Ceux qui veulent aller mener leur combat ailleurs, comme cela s’est passé en Bosnie, il y a quelques années, on ne peut malheureusement pas les contrôler.
rfi