L’éditrice Adja Mariam Soro a lu plusieurs articles sur les violences basées sur le genre avant de pousser ce coup de gueule publié d’abord sur sa page Facebook que nous reprenons avec son autorisation.
J’ai lu de nombreux témoignages depuis le début des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et j’ai envie, ce matin, de vous parler d’un aspect de ces violences peu mis en avant : le mépris de la dignité de la femme dans le monde des affaires.
Voici deux scènes ordinaires. Une femme entre dans le bureau d’un homme. Elle a rendez-vous. Elle lui apporte une affaire, un projet gagnant-gagnant. C’est une femme professionnelle, elle a même préfinancé le pilote du projet. Concrète, elle sort les chiffres et dresse les avantages d’un partenariat entre son entité et celle que représente l’homme en face d’elle.
Opportunités d’affaires
Un homme entre dans le bureau d’un homme. Il a rendez-vous. Il lui apporte une affaire, un projet gagnant-gagnant. C’est un homme professionnel, il a même préfinancé le pilote du projet. Concret, il sort les chiffres et dresse les avantages d’un partenariat entre son entité et celle que représente l’homme en face de lui. L’homme et la femme aspirent tous les deux à la même chose : susciter l’intérêt de leur interlocuteur sur l’opportunité d’affaires. Tout parait ici équitable, les chances semblent les mêmes, l’offre est identique.
Et pourtant, l’homme qui regarde l’homme ne voit qu’un individu ambitieux qui cherche à développer son business. Il écoute avec intérêt ou non, il jauge si cet entretien vaut la peine d’être poursuivi ou non. Il analyse le pilote. L’échange est cordial, les deux hommes se séparent avec la perspective d’un business commun ou non.
« Un objet sexuel »
L’homme qui regarde la femme ne s’intéresse pas véritablement à l’affaire qu’elle apporte mais au son de sa voix : séduisante ? La beauté de ses traits, sa gestuelle, son parfum, sa personnalité. Elle a l’air déterminée, elle est ambitieuse. Jusqu’où pourrait aller son ambition ? N’est-ce pas là sa faiblesse ?
La posture de l’homme qui regarde la femme change, il se met en mode prédation. L’idée de la femme est peut-être efficace, mais cela importe peu. Ce qui importe, c’est la contrepartie. Ici l’intelligence, l’éloquence de la femme, ses ambitions l’élèvent un peu trop. Elles la rendent même ridicule. Pour qui se prend-t-elle ? Il faut la ramener à ce qu’elle devrait toujours être : un objet. Un objet sexuel.
Les mots sont à peine voilés, la proposition est faite, vulgaire, injurieuse. Souvent, elle est accompagnée d’un sourire, d’un regard serein. Ce que pense cette femme importe peu. Sa frustration, le sentiment d’injustice qui l’anime, la colère face à l’injure, sa dignité bafouée, tout cela pour la simple raison qu’elle est une femme. Elle n’a pas eu le mérite d’être jugée pour la qualité de son offre professionnelle comme son homologue, toute sa présentation n’a pas été entendue. Elle est venue à la course avec une balle dans le pied : sa féminité.
Contrepartie
Ah la contrepartie ! Un super deal, n’est-ce pas chers messieurs ? Loin des regards indiscrets, contraindre une femme à vous donner du plaisir pour survivre, ça n’a jamais tué personne. De toutes les façons, il n’y a de femme valeureuse que votre mère, vos filles et votre femme.
La contrepartie d’une « promesse » de partenariat, du règlement d’une facture, du paiement d’une subvention, de l’étude de son dossier, d’une embauche, de l’accès à des soins de santé, du droit à la justice, du droit à la liberté, du droit à l’éducation… La contrepartie ! Femmes ! Qui êtes-vous ? Pourquoi vous ? Jusqu’à quand ?
N’est-ce pas vous qui éduquez ces garçons qui deviendront les hommes de demain ? Qu’en faites-vous ? Des hommes ou des bourreaux ? Femmes ! Êtes solidaires face à tant d’injustice ? Faites-vous bloc ou préférez-vous vous torpiller entre vous ? Femmes ! Connaissez-vous seulement votre force ? Non, nous ne devrions plus être des victimes !
benbere