Saisie par l’Afrique du Sud le 30 décembre, la Cour de justice internationale basée à La Haye (Pays-Bas) tient ce jeudi sa première audience sur la plainte pour génocide à Gaza, visant Israël. Dans l’attente d’un jugement qui prendra des années, les Sud-africains demandent déjà en urgence un arrêt de la guerre.
La Cour de justice internationale basée à La Haye (Pays-Bas) tient ce jeudi sa première audience sur la plainte pour génocide à Gaza, visant Israël, qui a été déposée par l’Afrique du Sud. Voici les cinq questions que soulève cette procédure embarrassante pour Israël.
1. Qui porte plainte pour génocide à Gaza contre Israël ?
L’Afrique du Sud. Son gouvernement, qui a condamné les massacres commis par le Hamas le 7 octobre en Israël (1 200 tués), estime que la riposte de l’État hébreu dans la bande de Gaza (plus de 23 000 morts) relève d’actes génocidaires
, contraires à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, ratifiée par les deux pays.
L’Afrique du Sud a donc saisi le 30 décembre la Cour internationale de Justice (CIJ) de l’Onu, basée à La Haye, qui juge les différends entre États. À ne pas confondre avec la Cour pénale internationale (CPI), que ne reconnaît pas Israël, et qui juge depuis 1998 les crimes de guerre et/ou contre l’humanité commis par des individus, y compris des chefs d’État.
De par son passé, l’Afrique du Sud est très sensible à la lutte des Palestiniens pour leur autodétermination, qu’elle assimile à la lutte contre l’Apartheid, le régime raciste, ségrégationniste et violent qu’elle a connue (1948-1991).
2. Que juge-t-on ce jeudi et vendredi ?
Pas l’accusation de génocide. Il faudra en effet des années aux juges pour déterminer si les milliers de civils tués et blessés à Gaza, le blocus imposé par Israël, les déplacements de population sont des actes génocidaires
. Un point est essentiel : pour qu’il y ait génocide, il faut prouver l’intention d’éliminer les Palestiniens de Gaza en tant que groupe.
Ce jeudi et vendredi, les deux audiences vont uniquement examiner les mesures provisoires et d’urgence
réclamées par l’Afrique du Sud pour éviter la poursuite du génocide présumé, s’il en existe un. En clair : Pretoria réclame qu’Israël suspende immédiatement son offensive à Gaza, mette fin aux déplacements forcés ou encore permette un accès inconditionnel de l’aide humanitaire.
3. Quand la Cour rendra-t-elle une décision ?
Assez vite, dans un délai de quelques semaines. Il n’en a pas fallu davantage pour réclamer à la Russie l’arrêt de sa guerre en Ukraine.
Le souci, c’est que si les décisions de la CIJ sont sans appel et contraignantes pour les États, la Cour n’a pas les moyens de les faire respecter par la force. Seul le conseil de sécurité de l’Onu peut le faire, et la Russie (dans le cas l’Ukraine) et les États-Unis (allié n° 1 d’Israël) y ont le droit de véto.
4. Pourquoi dans ce cas Israël est-il aussi irrité ?
Que l’État fondé en 1948 en réponse à la Shoah (six millions de juifs assassinés) soit poursuivi pour génocide est insupportable pour une majorité des Israéliens qui considèrent aussi que la guerre à Gaza, quel qu’en soit le coût pour les civils palestiniens, est la faute du Hamas.
Un temps tenté d’ignorer la plainte sud-africaine, infondée en fait et en droit et moralement répugnante
, le gouvernement israélien a finalement choisi de se battre pied à pied à La Haye. Comme la procédure lui en donne le droit, Israël a nommé un juge complémentaire à la Cour (l’Afrique du Sud en aura un aussi) et pas n’importe qui : Aharon Barak, survivant de la Shoah et ancien président de la Cour suprême.
5. Que craint Israël ?
Pour Israël, la menace est double. À court terme, c’est celle d’une injonction de la CIJ à suspendre la guerre, qui accentuerait encore davantage la pression, y compris chez ses alliés occidentaux, pour arrêter le carnage à Gaza.
À plus long terme, une condamnation pour génocide affaiblirait la position d’Israël en Cisjordanie occupée, où l’État hébreu mène depuis la conquête de 1967 une politique coloniale, accentuée et assumée depuis les années 1990. Une situation que des organisations internationales reconnues qualifient depuis 2021 d’Apartheid.
Or le risque d’une condamnation pour génocide n’est pas nul. À l’appui de sa plainte, pour prouver l’intentionnalité du crime présumé, l’Afrique du Sud liste les déclarations déshumanisant
les Palestiniens depuis le 7 octobre, que ce soit celles du Premier ministre Benyamin Netanyahou, de ministres ou des haut gradés de l’armée. À l’image de Yoav Gallant qui avait justifié un siège total de Gaza
, y compris pour l’énergie et l’eau, au motif qu’Israël combat des animaux humains
.
Coïncidence ? Mardi, le procureur général d’Israël a publié un communiqué rappelant que l’incitation au génocide constitue un crime.