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Grève des vendeurs de charbon et de bois : FOURNEAUX ETEINTS

Les professionnels du secteur sont en colère mais ce sont les ménagères les plus modestes qui trinquent et ne savent plus comment faire la cuisine sans combustible

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« Il n’y a pas de charbon, on ne vend pas », s’écrie un homme qui ne nous donne même pas le temps de lui adresser la parole. Nous lui signifions alors que nous ne sommes pas là pour acheter du charbon. Il tient quand même à préciser : « Nous ne vendons ni en sachets, ni en sacs ».

Notre interlocuteur est un vendeur de charbon du marché de N’Golonina. Il se lève et vient à notre rencontre. Après avoir compris le but de notre visite, Sibiri Coulibaly, c’est son nom, explique qu’on leur a ordonné de ne pas vendre. Notre vendeur de charbon obéit donc à un mot d’ordre de la Fédération nationale des exploitants forestiers du Mali. Sibiri indique que tous les vendeurs de charbon et de bois ont reçu des responsables de la fédération un document qui confirme le mot d’ordre de grève. Il nous tend une feuille volante sur laquelle on peut lire : « suite aux nombreuses tentatives de négociations avec le ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable qui se sont soldées par des échecs, la Fédération nationale des exploitants forestiers du Mali décrète une grève illimitée à partir du dimanche 15 mai 2016 à 00 heure. La fédération demande à tous les exploitants forestiers de fermer leurs points de vente jusqu’à nouvel ordre. Par conséquent le président demande que cette grève soit bien suivie ».

Ismaël Dioni, un voisin de Sibiri, vend lui aussi du charbon. Mais ce n’est pas un simple militant puisqu’il fait partie de ceux chargés de faire respecter la consigne de grève. Avec des camarades, confie-t-il, ils ont fait le tour des quartiers pour vérifier si l’arrêt des ventes était respecté par tous les vendeurs de charbon et de bois de chauffe. Il reconnait que la grève n’est pas suivie par tout le monde car au cours de leur tournée, ils ont constaté que certains vendeurs continuaient d’écouler leurs produits. « Nous leur avons ordonné d’arrêter et nous les avons avertis que la prochaine fois nous allons saisir leurs marchandises», a-t-il menacé.

Le motif de la grève ? Selon Ismaël Dioni, ce sont les tracasseries des agents des Eaux et Forêts et la décision d’interdire la coupe du bois. La fédération réclame donc que ses adhérents soient autorisés à mener leur activité et exige, en même temps, la fin des tracasseries sur les routes.

Yaya Coulibaly qui vend, lui aussi, du bois au marché de N’Golonina, explique que des rumeurs sont à l’origine de la grève. Une première rumeur fait état d’un arbre abattu par des coupeurs de bois dans la forêt classée de Kassela qui aurait créé la mésentente avec les agents des Eaux et Forêts. Une deuxième rumeur prétend que des agents des Eaux et Forêts auraient demandé au conducteur d’un camion transportant du charbon, de payer 250 .000 Fcfa. C’est le refus du chauffeur du camion qui serait à l’origine du problème.

Même s’ils n’ont visiblement pas une idée claire des motifs de la grève, les vendeurs de charbon du marché de N’Golonina font peu de cas du manque à gagner. Pour eux, le jeu en vaut la chandelle.

Le secrétaire général de Fédération nationale des exploitants forestiers, Siaka Konaté, explique que la grève est motivée par une lettre adressée à son organisation par le directeur national des Eaux et Forêts le 8 mars dernier. Cette missive porte sur l’interdiction de la coupe du bois d’œuvre dans les massifs non aménagés. « Or, il n’y a plus de massifs aménagés. Depuis, 20 ans, on n’en a plus aménagé alors que nous contribuons au fonds d’aménagement des forêts en prenant des permis. L’Etat y contribue, des bailleurs de fonds aussi », argumente notre interlocuteur. La règle, indique-t-il, est de délimiter les massifs et de les aménager avant de les exploiter. Au bout d’un certain temps d’exploitation, ces massifs sont reboisés.

SUPPLICATIONS DES MENAGERES. Si les vendeurs de charbon tiennent bon, leur mouvement de grève n’arrange guère les affaires des ménagères. La dame Sogona Traoré qui a surpris notre conversation avec les vendeurs de charbon, s’est approchée pour nous présenter la petite bassine contenant ses emplettes. « Voici mes condiments mais je ne pourrai pas faire la cuisine car je n’ai ni le charbon ni le bois de chauffe », lance-t-elle, avec un regard implorant de l’aide.

Notre interlocutrice semble désemparée car il est bientôt midi et elle n’a pas encore de quoi allumer ses fourneaux. A Bamako, assure-t-elle, il n’y a pas un seul endroit où on peut se procurer du bois. « Ce sont ces vendeurs qui nous fournissent le charbon comme le bois. Ayez pitié de ces gens dans les forêts, comme ça ils auront en retour pitié de nous les femmes », plaide-t-elle en confiant qu’elle n’a pas les moyens de se procurer du gaz à cause de son prix, et aussi parce qu’elle a peur de l’utiliser à cause des enfants.

Le vendeur de charbon Yaya Coulibaly souligne que la grève joue sur tout le monde mais plus particulièrement sur les ménagères. Certaines femmes, témoigne-t-il, passent la journée à les supplier pour qu’ils leur vendent du charbon afin qu’elles puissent cuisiner. « C’est une situation vraiment déplorable », reconnaît-il.

À Niaréla et alentours, aux points de vente, les vendeurs sont introuvables car ils ont déserté leurs postes pour éviter les supplications des ménagères. Certains ont totalement recouvert leurs marchandises avec des toiles ou de vieilles feuilles de tôle.

Un peu plus loin, deux vieilles dames suppliaient une vendeuse de leur céder ne serait-ce que quelques morceaux de charbon. Une des deux dames expliquait qu’elle allait juste se contenter de faire de la bouillie. Mais la vendeuse ne se laissera pas attendrir. Résignées, elles s’en allèrent en lançant : « Ah vraiment ce n’est pas facile, qu’est-ce qu’on va faire ». En fait, la vendeuse ne pouvait pas céder car elle venait juste de recevoir des menaces. Assitan Traoré, c’est son nom, avoue qu’elle ignore même le motif de la grève. Elle a bien reçu un papier depuis dimanche mais elle en ignorait le contenu. « Je continuais à vendre jusqu’à ce matin », explique-t-elle. Son voisin, Ablaye Karembé, n’en sait pas plus qu’elle sur les motifs de la grève. Il est quand même sûr que si le mouvement se poursuit, beaucoup de vendeurs vont en pâtir car ils ont des dépenses à faire pour entretenir leurs familles.

Mamadou Sininta est un vendeur détaillant de bois au quartier de Médina Coura. Il assure avoir été informé de la grève ce matin même (ndlr hier matin) et, dès lors, il a arrêté la vente de crainte que le syndicat vienne saisir son bois. « Refuser de vendre du bois à nos voisins est très dur pour moi », confesse notre interlocuteur qui explique que la grève, en plus d’être un manque à gagner, peut exposer les vendeurs à une insécurité totale car certaines personnes, excédées de ne pouvoir disposer de moyens de faire la cuisine, peuvent être tentées d’user de la violence pour se servir.

F. NAPHO

Mariam F. DIABATE

Source : Essor

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