Avec un Parlement acquis à sa cause, le président de la République n’aura pas droit à l’erreur et aura moins d’excuses à faire valoir. La prochaine opposition parlementaire, qui marquera indéniablement IBK à la culotte, devra bénéficier des mêmes traitements que la majorité présidentielle en gestation.
Le ministère de l’Administration territoriale a proclamé mardi les résultats provisoires du second tour des élections législatives de dimanche dernier. Le Rassemblement pour le Mali (RPM) du président de la République Ibrahim Boubacar Keita a ratissé large avec environ une soixantaine de députés.
Viennent ensuite l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) et l’Union pour la République et la démocratie (URD), qui ne dépassent pas chacune 21 députés. Les autres formations politiques et les indépendants qui suivent l’Adéma et l’URD ont moins de 10 élus, selon les résultats publiés par le département en charge des élections. C’est dire donc que le RPM reste sur sa fulgurante ascension à la présidentielle et que le parti du Tisserand sera la principale force politique à l’hémicycle.
Si l’on prend en compte les élus des alliés du RPM, l’on peut dire que la majorité présidentielle sera nantie de plus d’une centaine de députés. Un nombre certes suffisant pour faciliter la tâche au chef de l’Etat, mais dont le management fera indubitablement couler beaucoup d’encre et de salive.
Les Maliens ont décidé de confier le pouvoir et ses clés à IBK. Ces législatives constituent un autre plébiscite pour le président de la République et son parti. Après avoir vu son candidat élu à la magistrature suprême avec plus de 77 % des suffrages exprimés, le RPM vient de gagner hauts les mains les législatives. Ce qui signifie que le boss de la République aura les pleins pouvoirs pour faire du Mali ce qu’il a promis à ses compatriotes. En d’autres termes, les Maliens ont voulu mettre le locataire de Koulouba dans les conditions optimales de succès.
Avec un Parlement acquis à sa cause, IBK n’aura pas droit à l’erreur et aura peu d’excuses à faire valoir. Il n’aura pas à supplier l’Assemblée pour agir dans le sens qu’il souhaite étant donné que ses propres lieutenants y joueront les premiers rôles les cinq prochaines années.
Vaincre l’unanimisme politique !
Ayant déjà la pression dans son camp, « Kankeletigui » devra imposer ses qualités de meneur d’hommes étalées tout au long de sa riche carrière politique. Lui qui a déjà siégé à Bagadadji pendant deux législatures et dont les Maliens retiennent certaines positions musclées sur des dossiers chauds sous le défunt régime d’ATT. Comme IBK croit que « le député doit être honorable dans son comportement, dans son dire, dans son être », il serait intéressant de voir quelle relation il entretiendra avec les représentants du peuple au « service de la nation ».
Les rapports entre le palais présidentiel et l’Assemblée nationale devraient évoluer cette fois-ci, du moins dans la forme. Durant la décennie écoulée, l’indépendant qu’était le président ATT s’est joué des partis politiques et de leurs leaders à la recherche d’intérêts inavoués. La démocratie malienne ne devra son salut qu’à la ténacité de rares hommes politiques de conviction que compte encore notre pays.
Aujourd’hui, il y a un président issu d’un parti politique et l’Assemblée nationale sera en grande partie composée de militants de cette formation et de ses alliés. Un scénario renvoyant aux premières années d’expérience démocratique du Mali quand le même IBK était Premier ministre issu de l’Adéma face à un Parlement dominé par les représentants du parti de l’Abeille.
Mais, le contexte des années 1990 est complètement différent de celui d’aujourd’hui. IBK est président de la République dans une période charnière faisant suite à une crise politico-sécuritaire sans précédent dans l’histoire du Mali. Au lieu de la morosité en termes de débats à l’Assemblée au moment où le Mali venait d’inaugurer sa démocratie, notre pays a maintenant besoin d’échanges francs et fructueux entre les pouvoirs législatif et exécutif.
Pour y parvenir, l’appartenance et les calculs politiques devront baisser pavillon devant l’intérêt du peuple. Les députés, de quelque bord qu’ils soient, doivent pouvoir questionner et contredire le gouvernement sans que cela ne donne lieu à aucune forme de conflit politique. A ce prix, l’on éviterait l’unanimisme et ses conséquences qui sont connues de tous au Mali.
L’opposition politique aura un grand rôle à jouer dans la relance de la démocratie malienne. Il faudrait d’abord se débarrasser des « alliances contre-nature » concoctées lors de cette consultation législative. Pour l’heure, seule l’URD semble prête à s’opposer au pouvoir. En toute dignité ! Si l’on continuait sur cette lancée, Soumaïla Cissé, le leader du parti de la quenouille, endosserait non seulement le rôle de chef de file de l’opposition parlementaire, mais aussi de l’opposition politique en général.
De belles empoignades en perspective entre M. Cissé et le régime IBK et toute son armada quand on sait que « Soumi Champion » a annoncé les couleurs dès le lendemain de sa défaite face à IBK au second tour de la présidentielle. Si beaucoup de partis et de députés indépendants hésitent à s’engager dans l’opposition pour le moment, le cercle des opposants s’agrandira à la faveur de l’élection du président et de la mise en place du bureau ainsi que des commissions de l’hémicycle.
Les « frustrés » trouveront sûrement refuge auprès du champion de l’URD, au grand bonheur de la démocratie.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
Source: Les Echos