L’activité est une source de revenus pour des centaines de personnes dans cette ville qui a, pourtant, du mal à se relever après la fermeture de l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma)
Il est environ 8 heures. Nous sommes sur les berges du fleuve Niger à Koulikoro, à 60 km de Bamako. Des dizaines de pirogues et de pinasses sont accostées de part et d’autre. Sur place, hommes, femmes et enfants vaquent à leurs occupations. Les camions-bennes acheminent des chargements de sables et de graviers sur Bamako. D’autres attendent d’être chargés.
En effet, la Capitale du Meguétan est l’un des principaux fournisseurs de la ville des «Ttrois caïmans» en sables et graviers. Ces matériaux sont extraits par des centaines de personnes venues de l’intérieur du pays. Elles y gagnent leur pain grâce au développement du secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP). Bamako et sa périphérique sont en permanence en chantier. Le sable et le gravier sont nécessaires en la matière car ils sont utilisés dans la fabrication de briques, la construction des bâtiments et autres travaux publics.
Pour les extraire, les jeunes parcourent plusieurs kilomètres sur le fleuve pour aller sur les sites d’extraction, situés loin de la ville. Ils plongent dans les profondeurs du fleuve pour extraire ces matériaux devenus précieux. Pour ce faire, les «extracteurs» se repartissent en équipe de sept personnes dont six hommes et une femme. Ils embarquent à bord d’une pinasse qui les conduit au milieu du fleuve. Les hommes descendent sous l’eau pour extraire sable ou gravier et remplissent l’embarcation. La seule femme présente à bord évacue l’eau pour éviter le chavirement de la barque.
Abdoulaye Nago, 35 ans, est originaire de la sainte ville de Tombouctou. Habillé en blouson de couleur bleue et d’un jean gris-clair, le trentenaire est l’un de ces nombreux jeunes qui vivent de l’extraction de sable. «Cela fait 8 ans que je l’exerce. Cette activité me permet de subvenir aux besoins de ma famille et d’envoyer de l’argent à mes parents au village», explique-t-il, précisant qu’il gagne entre 5.000 à 7.500 Fcfa par jour. Pour cela, le travail dure de 8 heures à 15 heures. «En période froide, le travail est pénible. Néanmoins, nous arrivons à soustraire par jour 4 à 5 chargements de pirogues. Ce qui correspond à un chargement de benne», explique Abdoulaye.
Cette embarcation qu’ils louent appartient à Issa Berthé. Rencontré sous un hangar installé au bord du fleuve, il estime que cette activité nourrit de moins en moins son homme. «Nous avons des difficultés à écouler nos graviers à cause de la concurrence des producteurs de gravier concassé. Pourtant nous employons plusieurs jeunes», souligne-t-il. La vente de sable reste la principale source de revenus pour les exploitants. En la matière, un chargement de camion-benne à 12 roues est cédé à 60.000 Fcfa, contre 40.000 Fcfa pour le camion à dix roues et 30.000 Fcfa à 32.500 Fcfa pour six roues. Rappelons qu’il existe plus de deux carrières qui produisent du concassé dont la tonne est vendue entre 8.000 et 9.000 Fcfa.
Drissa Diarra est également propriétaire de pirogue qui transporte ces matériaux. Elle est équipée d’un générateur électrogène dont la valeur est estimée à 400.000 Fcfa. «Avec 300.000 Fcfa, on pouvait avoir une pirogue neuve. Il faut maintenant dépenser 500.000 Fcfa pour l’achat du bois. Les frais de fabrication sont passés de 50.000 Fcfa à 110.000 Fcfa», regrette Diarra.
L’exploitation permet à la collectivité de payer le salaire du personnel
Aussi les exploitants sont assujettis au paiement d’impôts. «à chaque voyage de benne, nous payons 750 Fcfa et 1.000 Fcfa à la mairie. La taxe d’embarcation s’élève à 300.000 Fcfa par an et par plage », détaille-t-il. En plus de ces charges, ils doivent faire face à la présence d’un extracteur sur le fleuve. «La machine peut faire le travail de 100 pirogues par jour. Il n’y a pas de travail dans ce pays et nous avons des diplômés parmi nous. Sa présence réduit-t-elle le chômage ? », interpelle Diarra.
Des femmes et des enfants ramassent les restes de sable et de gravier abandonnés dans les pinasses. Ils les vendent afin de subvenir à leurs besoins. Aminata Tolo, trentenaire, originaire de Douentza, en fait partie. «Je suis là depuis l’année dernière. Dieu merci, je gagne un peu d’argent. J’arrive même à envoyer de l’argent à mes parents au village. Par jour, je peux gagner 2.500 à 3.000 Fcfa, voire 4.000 Fcfa», confirme-t-elle.
Comme elle, Kadidia Dicko, 28 ans, accompagnée de sa fille de 10 ans, vient de Tonga, un village situé derrière l’autre rive du fleuve à Koulikoro. «C’est à cause de la pauvreté que je fais ce travail. Je suis mariée et mère de quatre enfants. Cette activité me permet de joindre les deux bouts et d’aider mon mari», confie celle qui espère trouver un travail bien rénuméré. Elle dit avoir eu une fausse couche l’année dernière. Mon mari me conseille d’abandonner cette activité, mais je n’ai pas le choix. Il me faut gagner de l’argent», avoue-t-elle.
Selon Bakoroba Kané, maire de la Commune urbaine de Koulikoro, l’extraction de sable et gravier permet à la collectivité de payer régulièrement les salaires du personnel. Grâce à cette activité, la population arrive à s’en sortir, estime l’édile. Il envisage alors de la valoriser afin qu’elle en bénéficie davantage. Car, les camions viennent de Bamako pour payer la matière à vil prix pour la revendre très cher à Bamako, justifie Bakoroba Kané.
Envoyé spécial
Amadou GUÉGUÉRÉ
Source: L’Essor