Aider les populations du cercle de Kéniéba à mieux s’organiser pour faire face aux conséquences de l’exploitation minière en cours dans plusieurs localités du cercle, tel est objectif d’une séance d’information et sensibilisation organisée par l’Association des Ressortissants et Amis de la commune de Faléa(ARACF). C’était les 14 et 15 septembre 2014 au conseil de cercle de Kéniéba, en collaboration avec la Fondation Rosa Luxemburg(RLS). Il ressort des échanges que la licence d’exploitation du gisement d’uranium de Faléa a été délivré par les autorités sans consulter les populations à la base. Mais, c’était sans compter sur la détermination de ces dernières à défendre contre vent et marrées leurs environnent dénonçant du coup une violation flagrante du droit coutumier.
La facilitation de cette importante rencontre était assurée par Diatrou Diakité, Directeur du bureau d’étude dénommé Sahélien d’Appui à la Promotion d’Entreprise(SAP). Il était secondé par l’ancien ministre de l’environnement, le Pr Check Pléa Coulibaly, Sociologue et sociolinguiste, en présence de Cheick Oumar Camara, vice-président du conseil de cercle de Kéniéba, Bouréma Doumbia, adjoint au maire de Kéniéba, Modibo Sissoko, président de l’Association locale des travailleurs d’or de Kéniéba et de Nouhoum Keïta, Coordinateur du Projet Rosa. Il s’agissait au cours de cette rencontre de réfléchir sur l’ensemble des voies et moyens permettant aux associations et militant de l’environnement de mieux s’organiser pour faire face à la menace de l’uranium. En effet, la commune rurale de Faléa située à quelques 85 Km du chef-lieu du cercle(Kiéniéba) est en passe de devenir un enjeu géostratégique. Pour cause, la présence de l’uranium dans son sous-sol, l’un des minerais qui permet aux grandes puissances d’asseoir leur domination sur le monde. Au moment où le processus d’exploitation de cette ressource parait irréversible, les organisations de défense de l’environnement sont à pied d’œuvre dans la localité pour amener les populations à conjurer les menaces de l’uranium pour leur environnement à travers une grande mobilisation des populations. Dans son exposé, Diatrou Diakité, Diplômé d’étude Supérieur spécialisé(DESS), en contrôle de gestion et planification d’entreprise a précisé que la croissance économique est le moteur du développement. Force est de constater qu’à Kiénéba, en raison de l’exploitation minière qui existe dans la zone depuis plus de 20 ans, il y a une croissance, mais pas de développement. Car, les besoins fondamentaux de la population (éducation, santé, accès l’eau potable) n’ont pas été satisfaits. Il rappelle qu’en 2012, l’une des mines a rapporté plus de 72 milliards de F CFA à une multinationale. Sur cette somme, les charges lui ont coûté 40 milliards et pour le reste, l’entreprise a empoché 80% et le Mali 20% seulement. Faisant l’état des lieux en matière de richesses du sous-sol, il assure que le site d’uranium de Faléa est estimé à plus de 300 000 tonnes contre 200 000 pour la région de Gao. Quand à Kidal, il indique que cette région dispose à elle seule un site de plus de 19 130 km2 d’uranium dont l’évaluation reste à faire. Malgré tout, après 20 ans d’exploitation minière dans le cercle, il n’y a pas de route entre Kayes et Kéniéba, ni de route bitumée à l’intérieur de la ville de Kéniéba, le courant fait toujours défaut. A la lumière de ces exemples, le conférencier a laissé entendre que notre pays regorge beaucoup de potentialité minière, mais si ces ressources ne sont pas exploitées au profit des populations, il n’aura pas de développement. A ce titre, les conférenciers invitent les uns et les autres à engager le combat pour renverser les rapports de force. «Nous allons continuer le combat, mais nous allons essayer de se battre intelligemment. Ça ne sert à rien d’aller dans un combat frontal contre les multinationales», prévient Diatrou Diakité, principal conférencier.
S’adressant aux associations et organisations de défense de l’environnement, M. Diakité dira que : «l’homme qui détermine sa conduite par la perspective la plus proche est l’homme le plus faible». Il invite son auditoire à s’organiser depuis le niveau village, commune, cercle… pour mieux faire face à la menace de l’uranium. Mais, ce combat ne peut réussir si les associations locales ne s’associent pas aux autres militants de l’environnement sur le plan international. Selon lui, pour changer la donne, il faut faire des brèches dans le système actuel. En terme claire, il s’agit d’explorer d’autres voies et moyens et établir, notamment des partenariats stratégiques avec certains pays comme la Chine, l’Algérie sans oublier notre puissance coloniale(Chine). «On ne sort pas d’un cercle vicieux, on le rompt. Et, il faut une volonté politique. la réalité est là», a-t-il dit.
Pour circonscrire la menace de l’uranium, le conférencier propose l’élaboration d’un cahier de charge pour chaque intervenant qui prend en compte les préoccupations des populations du milieu. Cela passe nécessairement par des consultations publiques au plan local. En matière d’exploitation minière, notre pays ne bénéficie que de 20% des dividendes dans le contexte actuel. Le conférencier s’insurge, contre cette situation, en ces termes : «il faut que le Mali règne sur ces ressources naturels». Au 21ème siècle la croissance économique passe nécessairement par la maîtrise de la science et de la technologie. Conscient de cela, le conférencier demande aux dirigeants du pays de former les jeunes pour couvrir aux besoins des industries extractives. Il les invite, également, à la bonne gouvernance. Et cela, en s’appuyant sur trois binômes, à savoir : Paix et Sécurité, Justice et Démocratie, Croissance économique et développement durable. Pour le vice-président du Conseil de cercle, Cheick Oumar Camara, l’exploitation de l’uranium a commencé à Faléa sans que ni institution, la mairie de Faléa, ni les autorités traditionnelles et ni la population elle-même ne soient informées. Face à l’inquiétude des populations de la localité, certaines autorités ont affirmé que l’exploitation, seulement, de l’uranium n’a pas assez d’impact sur l’environnement. Le vice-président du conseil de cercle de localité combat cette version et affirme qu’une visite de terrain en terre Tanzanienne les a permis de comprendre que l’uranium peut avoir des impacts négatifs dans un rayon de 80Km au cours de l’exploitation. «Il faut des concertations publiques avant le début de l’exploitation de cette mine », a-t-il exigé. Tout en déplorant le fait que le droit coutumier n’ait pas été pris en compte au moment de la délivrance des licences aux sociétés minières. Quant au représentant du maire de Kéniéba, il a invité les associations à plus de solidarité. Ce qui fait dire à Cheick Pléa Coulibaly, deuxième conférencier du jour, que la rencontre du jour est très importante pour la cause. Selon lui, tous les conflits du monde sont autour du contrôle des richesses du sous-sol à travers le monde. La journée du 15 septembre (jour suivant) a été marquée pour des exposés sur la vie des associations, leur stratégie de lutte et de fonctionnement.
Abdoulaye Ouattara, Envoyé Spécial