La République du Mali traverse l’un des tournants les plus décisifs de son histoire récente. En cette période de transition politique marquée par des discours audacieux sur la refondation, la souveraineté retrouvée et la lutte contre la corruption, le dernier rapport du Bureau du Vérificateur Général (BVG) sur la gestion de la Primature sonne comme une douloureuse dissonance. Un rappel brutal que, malgré les intentions affichées, le changement systémique peine à se traduire dans les pratiques administratives et financières les plus élémentaires.
Bamada.net-Au fil des 150 pages de ce document méticuleux, c’est tout un pan de la gestion publique qui est mis à nu. Et ce n’est pas glorieux. Des irrégularités grossières, des dépenses non justifiées, des marchés reconduits en dehors de tout cadre légal, et pire encore : l’instrumentalisation du « filet social » – censé soulager les plus vulnérables – pour couvrir des frais aussi banals que l’achat de carburant ou la désinfection de locaux.
Le chiffre donne le vertige : plus de 2 milliards de francs CFA d’irrégularités financières identifiées, dont plus de 1,7 milliard demeurent sans justification. Dans un pays où des millions de citoyens peinent à accéder aux soins de base, à l’eau potable ou à un repas quotidien, ces chiffres ne sont pas qu’un scandale comptable. Ils sont une gifle au visage de la République.
À Lire Aussi :Lutte contre la corruption et la délinquance financière : Le cas Boubou Cissé interpelle
À Lire Aussi :La Corruption au Mali : Un Fléau à Combattre pour un Avenir Meilleur
Que dire également de ces ambulances censées être remises aux centres de santé de l’intérieur du pays, mais dont les cartes grises sont toujours au nom d’un prestataire privé ? De ces forages annoncés avec tambours et trompettes mais jamais entièrement réalisés ? Ou encore de ces entreprises obtenant des marchés publics sur la base de faux dossiers techniques, avec la bénédiction silencieuse de ceux qui devraient veiller à l’intégrité du processus ?
Ce rapport ne fait pas que dénoncer : il alerte, il interpelle, il accuse. Il pose une question fondamentale : peut-on encore parler de refondation quand l’exemplarité manque à la tête de l’administration ?
Car oui, la Primature n’est pas un ministère parmi tant d’autres. Elle est le cœur de l’exécutif, le moteur de l’action gouvernementale. Ce qui s’y fait ou s’y tolère est un signal puissant envoyé à l’ensemble de l’appareil d’État. Si l’impunité et le bricolage y prospèrent, pourquoi s’étonner qu’ils se généralisent ailleurs ?
Le Bureau du Vérificateur Général, en transmettant ces faits à la justice, accomplit son devoir institutionnel. Mais l’essentiel reste à faire : des réformes claires, courageuses et surtout appliquées. Il est temps, pour le Gouvernement, de doter le pays de textes précis encadrant les dépenses dites de « souveraineté », de mécanismes robustes de suivi du filet social, et de sanctions exemplaires pour toute violation des règles de la commande publique.
Ce pays a besoin de confiance, et la confiance ne se décrète pas. Elle se construit, elle se mérite. Ce rapport du BVG est un miroir. À ceux qui nous dirigent d’avoir le courage de s’y regarder en face.
Chez Bamada.net, nous resterons, comme toujours, vigilants. Non pas pour le plaisir de critiquer, mais pour rappeler que la transparence est la condition première d’une gouvernance légitime.
NB : Toute reproduction, intégrale ou partielle, sans une autorisation explicite de notre part est strictement interdite. Cette action constitue une violation de nos droits d’auteur, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire respecter ces droits.
MLS
Source: Bamada.net