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EXCLUSIF/ Zeina Walet Ilady : « Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! »

Depuis le début du mois d’octobre à Kidal, au Nord du Mali, les manifestations s’enchaînent contre la Force Barkhane et ses méthodes.

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La mort entourée de mystère, il y a un an, de Cheikh Ag Aoussa, ex-numéro 2 d’Ansar Dine, chef militaire redouté et sulfureux du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), dans l’explosion de son véhicule, est venue s’ajouter à l’hostilité suscitée par les récentes actions coups de poings de la force française. Beaucoup à Kidal pointent du doigt son rôle trouble dans la mort de ce faucon de la rébellion touarègue. Au premier plan, Zeina Wallet Ilady, la veuve de Cheick Ag Aoussa, instigatrice des manifestations qui agitent la capitale de l’Adrar des Ifoghas. Cette femme d’influence est déterminée à tout faire pour que la force Barkhane « dégage » de la région.

La force Barkhane a procédé à plusieurs interventions qui se sont soldées par des arrestations dans Kidal et sa région depuis le début du mois d’octobre. Des manifestations contre Barkhane, dont vous êtes l’une des principales instigatrices, ont lieu depuis, chaque semaine. Pourquoi une telle hostilité envers la force française ?

Depuis que Barkhane est ici, je ne vois pas ce qu’ils ont fait de bien pour Kidal. Ils arrêtent nos hommes, prennent des innocents qu’ils nomment terroristes et quand ils ont fini avec eux, ils les donnent au Mali. Quand on se tourne vers le Mali pour les faire libérer, il faut donner de l’argent, prendre des avocats, payer 2 à 3 millions de francs CFA. Ils « bouffent » ça et personne ne sort. Puis Barkhane revient encore pour prendre les gens en disant que ce sont des terroristes. Pour moi, c’est Barkhane les terroristes ! Moi, c’est eux que je crains. Leurs actes sont comme ceux des terroristes. Ils rentrent dans les maisons des personnes, les violentent, parfois les tuent, brûlent leurs biens. Pour  moi, c’est la même chose.

Pourtant ils luttent contre le terrorisme justement. Il y a eu des résultats…

On n’est pas contre Barkhane parce qu’on serait avec les terroristes ou parce qu’ils luttent contre le terrorisme. Mais Barkhane ne combat pas les terroristes, ils font de vastes coups de filet et s’en prennent aux gens de la région. Au final, c’est eux qui nous terrorisent ici chez nous, ils font ce qu’ils veulent. Je suis en charge de la gestion de la ville d’Abeïbara concernant la santé, la nourriture, l’éducation, etc. Je travaille aussi à faire revenir les jeunes dans la région. Mais personne ne souhaite revenir. Quand on essaie de les sensibiliser au retour, ils répondent : « On va nous prendre pour des terroristes, ils vont nous mettre en prison et qui nous défendra demain ? ». Comment voulez-vous les sensibiliser dans ces conditions ? On est contre tout ce que fait Barkhane ici.

Durant vos manifestations on pouvait entendre et lire sur des banderoles les slogans « Barkhane dégage ! », « Dehors la France ! ». Souhaitez-vous vraiment le départ de la force Barkhane qui, par ailleurs, est aussi impliquée dans des actions de développement à Kidal ?

Mon souhait est que Barkhane quitte la région de Kidal. Ils savent que le terrorisme n’est pas concentré à Kidal ou dans la région. Ils savent où sont les terroristes, ils n’ont qu’à y aller avec leurs hélicos. À Kidal, ils ne développent rien. Ils ont donné un financement pour une école, ils ont refait la peinture, placer des fenêtres et mis une plaque qui prouve qu’ils ont fait quelque chose pour Kidal. Pour les autres actions de développement, je ne sais pas si c’est Barkhane, je pencherais plus pour la MINUSMA.

Vous ne mettez pas la MINUSMA dans le même sac que Barkhane ?

La première manifestation qu’on avait faite, c’était il y a un peu plus d’un an contre la MINUSMA car elle avait tué, lors d’une marche de contestation, deux jeunes. Pour moi, il y a moins de problèmes avec la MINUSMA car elle vient en aide aux populations, elle aide au développement de la région, elle transporte nos gens. Certains, durant nos manifestations, ont voulu s’en prendre à la MINUSMA. Je condamne ça. On a plus de problèmes avec Barkhane qu’avec la MINUSMA.

Jusqu’où êtes-vous prête à aller avec ces manifestations ?

C’est simple, Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! Soit elle nous laisse Kidal ou bien on s’en va ! Chaque nuit, leurs avions survolent Kidal, on a du mal à dormir avec ça. Il y a aussi leurs patrouilles qui posent problème. Depuis un certain temps ils ne viennent plus chez moi, mais avant il venait devant ma porte. Les enfants n’osaient pas sortir, les gens n’osaient pas rentrer. Même quand la porte était fermée, ils venaient regarder dans ma cour. Je ne sais pas pourquoi. Nous allons continuer de manifester contre Barkhane chaque lundi, jusqu’à ce qu’il y ait une solution !

Avez-vous essayé de rencontrer la force française pour vous expliquer avec eux ?

Je n’ai pas parlé avec Barkhane, je n’ai même pas cherché à parler avec eux. Le 8 octobre dernier, date anniversaire de la mort de Cheikh (Cheikh Ag Aoussa, son époux – ndlr), lorsque la population est sortie pour manifester, Barkhane est sortie du camp avec ses véhicules dans la foule, alors qu’il y avait beaucoup de tension. Les gens mécontents leur ont jeté des pierres. Elle aurait dû normalement rester dans son camp parce que les gens manifestaient. Ils ont été caillasses parce qu’on ne veut plus les voir dans la ville.

 

Source: journaldumali

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