La tenue des états généraux de la décentralisation a été saluée par toux les acteurs longtemps confinés dans la consternation face à un projet ambitieux aux tares notoires. Et le Président IBK, que nous félicitons pour sa diction cette fois bien améliorée, a bien donné le ton pour corriger les dysfonctionnements constatés et définir les axes d’un approfondissement de la politique de décentralisation.
A sa suite, le Président du Haut Conseil des Collectivités territoriales Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara a rendu fertile le champ pour la réflexion et pour l’action. Mais depuis plus de 50 ans nous sommes dans les discours, et depuis plusieurs années les insuffisances de la décentralisation sont connues, les acteurs pourraient-ils concrétiser les espoirs nés de ces assises ? C’est ce défi que doivent relever les nouvelles autorités par un accompagnement à hauteur de souhait et un contrôle adéquat pour réussir l’ approfondissement de la politique de décentralisation.
Pourquoi les Etats Généraux?
Dans son discours d’ouverture, Ibk déclare : » L’une des causes du cataclysme qu’a connu notre pays, et dont il se remet lentement, est la déliquescence de l’Etat. C’est pourquoi, cette crise nous donne la redoutable occasion d’inventer un nouveau modèle malien, l’opportunité historique de refonder l’Etat. C’est le mandat que m’ont donné les Maliens. Ma vision est celle d’un Etat fort, au service de l’efficacité. Un Etat dont le socle ne peut être que la justice et la bonne gouvernance. Cet Etat fort, responsable et protecteur, devra garantir à chaque citoyen un égal accès aux soins, à l’éducation, et à tous les services publics, sur l’ensemble du territoire. Cet Etat sera stratège, pour mettre en place les conditions du décollage économique du Mali. Ma conviction est que cette vision ne pourra s’accomplir que dans la proximité avec les citoyens, car l’Etat doit s’incarner en chacun d’entre nous. C’est là tout le sens des Etats Généraux de la décentralisation « .
Le diagnostic
Selon Ibk, des insuffisances sont apparues, des dysfonctionnements se sont multipliés, des frustrations se sont accumulées dans le cours de la réforme qu’il est nécessaire de corriger :
– 25% des communes ont une viabilité financière incertaine et sont structurellement dépendantes de subventions d’équilibre qui entament leur autonomie ;
– les compétences transférées sont demeurées peu nombreuses et en retrait par rapport au programme initial ;
– les ressources allouées aux collectivités territoriales pour leur prise en charge ont été le plus souvent insuffisantes, reflétant des résistances que nous avions sans doute sous-estimées, qui se sont nourries de trop faibles capacités de prise en charge pour assumer les fonctions transférées ;
– les prérogatives de la tutelle, notamment en matière budgétaire, ont manqué de clarté. Il en a découlé des empiètements, des rivalités de compétences et des abus de pouvoirs qui peuvent être évités ;
– les exécutifs des collectivités ont parfois affiché un niveau élevé de corruption, singulièrement dans le traitement des questions foncières. Leurs attributions dans ce domaine devraient être clarifiées pour éviter des conflits à venir. D’une manière générale, elles devraient être assujetties à des contrôles renforcés et, notamment, aux séparations fonctionnelles des responsabilités publiques imposées aux administrations centrales ;
– la persistance de litiges liés au découpage territorial (délimitation des territoires des villages) a rendu difficile la conduite de programmes inter-communaux ;
– à Bamako, les compétences du district et des communes devraient être clarifiées.
Et Ibk de poursuivre, » de nouvelles questions se sont posées dans la gouvernance locale, qui doivent faire l’objet d’analyses et de décisions. En particulier, l’affirmation des cultures locales, coextensive de la démocratisation et le réveil des légitimités traditionnelles requièrent une considération attentive, l’examen de leur compatibilité avec les instances démocratiques et la contribution certaine qu’ils peuvent apporter au renforcement de l’efficacité des procédures collectives de gestion locale et de traitement des conflits. Enfin, il nous faut apporter des réponses définitives aux frustrations qui alimentent l’irrédentisme de certains de nos frères touarègues. Une part essentielle des propositions qui permettront de réconcilier les communautés qui forment la Nation git dans un approfondissement de la décentralisation des pouvoirs publics « .
Les objectifs visés
Pour Ibk, il s’agira notamment d’assurer une meilleure adéquation entre les ressources transférées et les fonctions assumées pour conserver au dispositif mis en place sa crédibilité. La vocation économique de la Région devra être réaffirmée. Elle doit servir de point nodal pour accélérer le développement. Dans cet environnement rénové, Ibk promet de faire prévaloir :
– une Éthique de la Responsabilité, exigeant de tous ceux qui détiennent des charges et responsabilités publiques un comportement exemplaire et réhabilitant le Travail et le Mérite ;
– une exigence de qualité et d’accessibilité au plus grand nombre des Services Publics. C’est pourquoi le Gouvernement créera des Maisons des Services Publics (Justice et droit, services financiers, et services sociaux) qui seront des Plateformes de services publics assumant une mission d’accueil, d’information et de conduite de formalités, sur la base d’un partenariat entre les organismes représentés ;
– la participation active de tous les citoyens, à travers le renforcement des institutions démocratiques, afin qu’émergent des communautés épanouies dans la Nation,
– la promotion de l’égalité des chances, à travers des politiques publiques de santé et d’éducation qui, corrigeant véritablement les inégalités de dotation initiale, offrent à chacun la possibilité de réaliser son potentiel, par le travail,
– un aménagement de tout le territoire, qui assure, par la valorisation des potentialités économiques et la mobilisation de la solidarité constitutive du lien national, le développement effectif des communautés qui forment la Nation.
Alors, sur les fondements solides de la vérité et de la justice, il sera possible de rétablir la confiance entre les acteurs de la scène nationale et de consolider la cohésion de la Nation, a conclu Ladji Bourama.
Pour sa part Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara dira que le cadre juridique et institutionnel de la décentralisation, le transfert concomitant des compétences et des ressources, le dispositif d’accompagnement des Collectivités Territoriales, le processus de planification, de budgétisation, la mobilisation des ressources et la maitrise d’ouvrage connaissent de goulots d’étranglement auxquels des solutions doivent être vite trouvées. Mieux, l’absence de procédures pour une gestion des affaires inter collectivités et souvent la non prise en charge du statut des élus locaux ; l’ambigüité du statut du District de Bamako, couplée à l’épineux exercice de la tutelle ; les insuffisances constatées ça et là au niveau des acteurs commis aux tâches d’appui conseil ont conduit à des dérives jusque là connues dans la gestion des collectivités territoriales.
Et M. Haïdara de poursuivre : » Nonobstant l’instruction n°08-0003/PM-RM du 21 novembre 2008, du Premier Ministre adressée au Gouvernement de l’époque, le processus reste largement lié à l’imprécision et à la confusion des actes administratifs y afférents. Le transfert des ressources financières ne suit pas celui des compétences. Les fonds alloués aux collectivités restent dérisoires et tributaires des lourdeurs administratives ».
Que faire ?
Selon M. Haïdara, aujourd’hui il urge de repenser toute la politique de financement des collectivités; dans cette optique il convient d’allouer un pourcentage substantiel annuel du budget d’Etat aux collectivités pour leur permettre d’accomplir leur mission ; c’est-à-dire la promotion du développement local et régional au bénéfice des populations. A l’évidence les élus locaux ont un impérieux besoin de méthodologie leur permettant d’élaborer et de conduire les schémas d’aménagement et de développement, a-t-il conclu.
Mamadou DABO