Après avoir promis la fermeté au peuple qui lui a placé sa confiance au motif qu’il est » la solution « , après avoir martelé que nul n’est et ne sera au-dessus de la loi, le Président Ibk dès son élection a d’un côté lancé à la figure des candidats malheureux qui l’ont soutenu qu’il n’y aura pas de partage de gâteau, et de l’autre côté rassuré les criminels de guerre de la levée de leurs mandats d’arrêt. Aux victimes des inondations il a promis des enquêtes jusqu’ici sans suite avant de nommer comme ministre l’un des suspects en l’occurrence Moussa Mara. Et aussitôt a-t-il formé un gouvernement pléthorique composé d’amis, de retraités politiques et de la belle famille, alors que son fils en commune II et l’épouse de son fils en commune IV s’apprêtent à prendre place dans l’hémicycle. Où va le Mali ?
Le Président Ibrahim Boubacar Kéïta, depuis son élection, semble sur une autre aire spatiale que la planète terre. En tout cas la navigation qu’il entame se passe sur des rivages tumultueux pour nombre de Maliens. Comme du » syndrome de la métamorphose « , Ibk est comme une autre créature aux yeux mêmes de certains ses fans. Bien sûr que rien de tout cela ne nous étonne au Zénith-Balé, car l’homme se place et se replace dans nos prévisions. Pis, il est en deçà, car nous ne pouvions croire qu’il s’autoriserait à accorder l’impunité un temps soit peu à ceux par qui tout le malheur de notre peuple est venu, notamment les premiers responsables de la crise dite du Nord, dont des députés qui ont troqué leur honorabilité contre la criminalité. Et le bilan est lourd : tombes et lieux saints profanés, citoyens à la main droite et au pied gauche coupé (handicapés à vie), documents historiques détruits, femmes violées en présence de leur époux et leurs enfants, jeunes filles mariées de force à plusieurs maris, militaires froidement égorgés laissant derrière des orphelins et veuves inconsolables, peuple tout entier meurtri du Mali. Ibk se devait d’essuyer les larmes en laissant tout simplement la justice faire son travail sans entrave, mais hélas !
On nous évoque le souci d’apaisement et de confiance, comme si l’apaisement et la confiance des assaillants l’emportaient sur l’apaisement et la confiance des victimes, pour ne pas dire de l’ensemble du grand peuple resté dans le respect et la défense de la Nation malienne. A propos, l’accord de Ougadougou stipule : « Dans un souci d’apaisement et de confiance, le gouvernement du Mali prendra toutes les dispositions nécessaires pour suspendre les poursuites engagées par la justice malienne du fait du conflit armé contre les membres des groupes armés signataires du présent accord « .
Et l’accord de préciser : « Les parties conviennent que cette suspension ne s’applique pas aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de génocide, aux crimes de violence sexuelle et aux violations graves du droit international, des droits de l’Homme et du droit international humanitaire « .
Enfin l’accord de conclure : » Les parties conviennent de la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes de violence sexuelle et les autres violations graves du droit international, des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sur tout le territoire du Mali « .
C’est dire donc que l’accord ne demande nulle d’épargner les 26 présumés auteurs ou complices des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide, des crimes de violence sexuelle et des autres violations graves du droit international, des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sur tout le territoire du Mali. Il est question de les poursuivre à travers la mise en place d’une commission d’enquête internationale, en soutien au travail entrepris par la justice malienne. Mais passons outre, car Ibk a publiquement déclaré qu’à part l’indépendance, l’autonomie, l’intégrité du territoire…, tout le reste est négociable. Attendons de voir si l’honneur du Mali est négociable ou pas.
En tout cas, rares sont les Maliens qui croyaient que Ibk accepterait de se lancer dans des négociations avec ceux sur lesquels pèsent de graves indices de culpabilité qui ont prévalu à lancer contre eux des mandats d’arrêt. Avec Ibk, tout le monde croyait à la fin de l’impunité et à l’avènement de la fermeté. Pas en tout cas à l’impunité, surtout que même le gouvernement de transition, au lieu de négociation, a parlé plutôt de dialogue inclusif en vue de la réconciliation, et le tout nouveau ministre en charge du dossier a ajouté le terme « justice « . Ce terme sera-t-il en vigueur ? En tout cas il n’est plus d’actualité, et pour cette raison les Maliens doivent aborder la question avec le plus grand sérieux lors des assises nationales à venir. Et l’on verra ce que ça va donner. Le Mali ne sera que ce que les Maliens en feront, aucun Président ne doit pouvoir nous mener encore en bateau. Et ce n’est pas sûrement ce que Ibk souhaite, en tout cas ce n’est pas ce qu’il a promis. Sauf que l’espoir s’écorne aujourd’hui, la désillusion s’installe, les interrogations se multiplient.
Comment Ibk a-t-il pu mettre en place pour ce pauvre pays un gouvernement pléthorique et népotique ?
Comment ne pas décréter une journée au moins de deuil national (en mettant symboliquement les drapeaux en berne) suite aux inondations et au chavirement de la pinasse qui ont fait plusieurs dizaines de morts ? Sous d’autres cieux, pour moins que ça, le drapeau est mis en berne. Nous estimons que la vie des Maliens compte. Et pour cette raison, nous attendons au moins la publication des résultats des enquêtes promises. Les victimes s’impatientent, la promesse est une dette. Les événements de Kati ne doivent pas demeurer en reste. Le peuple a droit à la vérité sur ce qui lui arrive. Ce devoir de restitution est un exercice de bonne gouvernance dans toute démocratie.
Ce n’est pas tout, l’opération Sanya suite aux récents événements de Kati se présente comme un piège. Là-dessus nous sommes sceptiques quant à l’ouverture d’enquêtes. En scandant que Kati ne fera plus peur à Bamako, Kati ne fera plus peur à Koulouba, on semble ne pas parler du Kati incarné par Sanogo, mais du reste des putschistes. Car Sanogo est désormais plus que jamais au pouvoir et n’a pas besoin de se faire peur. Il a été plutôt question de faire peur aux autres. Il a été question de protéger Sanogo contre ses anciens amis à l’occasion de cette opération Sanya sélective. Assassinat de Sissoko le chef de sécurité, du chef de poste ainsi que d’autres. Nous attendons les enquêtes. En attendant, nous disons que Sanogo est au pouvoir en sa qualité de Conseiller spécial de Ibk. Il est pouvoir à travers son ancien Directeur de Cabinet Moussa Sinko, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. Sanogo est au pouvoir à travers Abdoulaye Koumaré, ministre de l’Equipement qui avait remplacé Sinko comme Directeur de Cabinet et qui est aujourd’hui propulsé par Sanogo. Sanogo est également au pouvoir à travers Yamoussa Camara, ancien ministre de la Défense, son homme, nommé Chef d’Etat major particulier de Ibk. Et ces hommes là n’ont pas besoin d’être à Kati, ni de partager leur pouvoir avec Kati. Kati appartient à leur passé. Disons la vérité au peuple, faisons face aux vrais problèmes qui ont pour noms l’emploi des jeunes, la santé pour tous, le panier de la ménagère, l’école…
Bref, Ibk doit revoir sa copie alors qu’il est temps. Rien n’est perdu, rien n’est fait, l’avenir est devant nous pour le bonheur des Maliens, pour l’honneur du Mali.
Source: Zénith Balé