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En Tunisie, le difficile accueil des migrants rescapés de la Méditerranée

Les Tunisiens « veulent quitter leur pays, nous aussi, nous voulons partir pour l’Europe »: Ali Ibrahim Nadi, un Égyptien de 26 ans hébergé à la dure dans le seul centre d’accueil en Tunisie résume le sentiment de nombreux migrants rescapés.

Dans le pays, autorités, ONG et même candidats à l’exil rejettent unanimement l’idée européenne de faire de la Tunisie une des « plateformes de débarquement » pour les rescapés des traversées clandestines de la Méditerranée visant à les maintenir hors de l’UE.

La Tunisie n’est actuellement dotée que d’un centre pour accueillir les étrangers arrivés clandestinement, géré par le Croissant-Rouge à Médenine (sud), et complètement débordé, avec deux fois plus de migrants que de lits.

Dans une petite chambre où les effets personnels s’entassent sur cinq lits dans une chaleur étouffante, Georgie Ndab, une Camerounaise de 21 ans, étale du talc sur la peau irritée de Moïse, son bébé de huit mois.

« J’ai passé huit mois dans une prison en Libye. Je veux partir en Europe pour garantir à mon fils une bonne scolarisation », explique Georgie, qui a quitté clandestinement son pays en octobre 2017, passant par le Nigeria, le Niger puis la Tunisie, où elle est arrivée fin août.

« Merci à la Tunisie, mais la situation ici n’est pas bonne, et ma direction c’est l’Europe, la France précisément », confie-t-elle.

Lorsqu’ils ne sont pas en ville pour tenter de gagner de quoi se nourrir, les pensionnaires du centre palabrent, évoquant leurs épopées passées et les projets d’avenir, souvent les yeux rivés vers l’Europe. Quitte à reprendre la mer clandestinement au risque de leur vie.

Des rythmes africains retentissent dans les couloirs jonchés de matelas de cette bâtisse de trois étages, avec seulement trois cuisines et trois sanitaires pour les 247 migrants hébergés, dont 15 enfants.

– Riz, lait, sardines –

L’idée de « plateformes régionales de débarquement » hors de l’UE, lancée lors d’un Conseil européen fin juin, a été rejetée par la Tunisie, le Maroc et l’Egypte. Mais les pays européens maintiennent la pression.

Fin juillet, Tunis a laissé débarquer à contre-coeur une quarantaine de migrants secourus par un navire commercial battant pavillon tunisien, le Sarost V.

Soucieuses de ne pas créer un précédent, les autorités tunisiennes ont toutefois souligné les avoir acceptés uniquement pour raisons humanitaires.

Nombre des migrants du Sarost V sont toujours hébergés à Médenine.

« La Tunisie ne s’occupe pas convenablement des migrants », estime l’un d’eux, Francis Lélé, 32 ans, qui a fui le Cameroun il y a deux ans et dit avoir travaillé puis été esclave dans la construction en Libye avant de prendre la mer.

Chacun ne reçoit qu’un seul kilo de riz, trois boîtes de sardines et une bouteille de lait pour une semaine entière, détaille-t-il.

« Ce n’est pas le grand luxe mais nous offrons à manger selon les normes caloriques », explique Mongi Slim, responsable du centre du Croissant-Rouge, qui a perdu des financements au printemps et peine à boucler son budget annuel de 320.000 dinars (100.000 euros).

Le Croissant-Rouge souhaite agrandir la capacité d’accueil du centre, créé en 2013, où les autorités envoient les étrangers arrêtés sur le chemin de l’Europe, près de la frontière libyenne ou dans les eaux territoriales.

Les migrants du centre ont un délai de 60 jours pour décider de rentrer chez eux ou de rester, éventuellement en demandant l’asile. Un tiers environ, souvent épuisé par l’expérience libyenne, demande un retour volontaire, explique M. Slim. Parmi les autres, une majorité tente de reprendre leur épopée vers le Nord.

Car la Tunisie elle-même est confrontée à d’importantes difficultés sociales, avec un chômage important, des services de santé et d’éducation à la peine et une instabilité politique qui poussent un nombre croissant de Tunisiens à se joindre aux tentatives de traversées clandestines.

La Tunisie ne peut devenir pays d’accueil car elle « ne garantit pas les droits des migrants », affirme pour sa part Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), en déplorant le manque de cadre juridique et de moyens.

Même pour les nombreux Africains subsahariens arrivés légalement, il est très compliqué d’obtenir une carte de séjour, sésame pour la vie quotidienne et les retours au pays.

En outre, « il n’y a pas de loi sur l’asile », souligne Lorena Lando, de l’Organisation internationale des migrations (OIM).

« Actuellement, la Tunisie n’a ni le cadre légal ni l’infrastructure humanitaire ni le développement économique pour gérer les personnes n’ayant pas obtenu le statut de réfugié leur permettant d’aller en Europe –c’est à dire la vaste majorité », indique-t-elle.

SourceAFP

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