«Des reformes politiques sont nécessaires. Ce n’est pas chose facile à accepter, mais si la répartition des terres, des revenus et des possibilités est dénaturée au point de provoquer le désespoir, les dirigeants politiques doivent choisir entre la reforme sociale ou une révolte sociale.» (Robert Mac Namara).
Lorsque les militaires ont donné un coup d’arrêt au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ils ont fait naître, une fois encore, en notre peuple travailleur l’espoir d’un changement véritable dans la vie socioéconomique, politique et culturelle de notre pays. On dit souvent que l’histoire ne se répète pas. Toutefois, il convient de rappeler que la chute du régime de Moussa Traoré avait donné aux Maliens l’espoir d’un changement profond à l’avantage des masses travailleuses du Mali.
Cette attente était tout à fait légitime tant il reste établi que notre peuple a enduré dans sa chair et dans sa conscience les affres du régime oppresseur et rétrograde qui avait fait de l’affairisme, du clientélisme, de la gabegie, de la surfacturation (pour ne citer que ces contrefaçons), un mode de vie dans notre pays. Hélas! Comme le dirait cet adage latin: «Parturiunt montes; nascetur ridiculus mus» (les montagnes sont en travail : il en naîtra une souris ridicule).
Loin de tirer tous les enseignements du soulèvement populaire de 1990- 1991, il faut dire que les ‘‘démocrates’’ maliens ont foulé au pied cette profonde aspiration de notre peuple au changement des conditions de vie des masses travailleuses de notre pays. En trente ans de gestion ‘‘démocratique’’ de nos affaires, les Maliens sont venus au constat amer que non seulement la classe politique les a trompés mais aussi et surtout trahis.
Les ‘’démocrates’’ ont certainement oublié ou ignoré qu’on ne peut infiniment tromper tout un peuple comme l’a si bien dit Abraham Lincoln en ces termes: «On peut tromper tout le peuple une partie du temps, une partie du peuple tout le temps, mais pas tout le peuple tout le temps.» La misère populaire qui a poussé les citoyens à honnir les politiciens maliens explique et justifie essentiellement le coup de force opéré par le capitaine Amadou Haya Sanogo, en 2012 contre le général conteur Amadou Toumani Touré (ATT). Ce coup d’État militaire a, à son tour, fait renaître l’espoir en nos masses laborieuses. Mais très vite, cet espoir s’est mué en désespoir de tout un peuple.
Les politiciens maliens, qui se font honteusement appeler ‘‘démocrates’’, ont vite fait de récupérer l’action salutaire et patriotique de Sanogo et compagnons. Ceux- ci ont-ils écouté et cru en ces politiciens caméléons et en leur conscience maraboutico-religieuse ? À peine les campagnes et joutes électorales achevées, le désespoir populaire a repris du service, en 2013. Comme si nous sommes condamnés à vivre la chronique misère et contempler impuissants la bamboula des ‘‘démocrates’’ mafieux qui n’ont d’autre gage que de sucer impitoyablement le sang de notre peuple travailleur !
Avec le président IBK, les slogans favoris de campagne à savoir: ‘‘Le Mali d’abord’’, ‘‘Pour l’honneur du Mali’’ se sont transformés en de gros bluff sans autre forme de procès. Le premier mandat d’IBK a désillusionné même les aveugles de la politique quant à sa capacité de redonner confiance à notre peuple. Les limites objectives de ce président ont fini par s’exposer aux yeux de tous. Le coup de force militaire du 18 août 2020 était donc arrivé à point nommé. Le cri de cœur du peuple malien était: ‘‘les politiciens maliens ont souillé l’honneur et la dignité d’un peuple qui a enduré jusqu’au sacrifice ultime de bien de ses enfants’’.
En chœur, ‘‘les Maliens ont dit de laisser les militaires gérer au moins la période transitoire’’. Mais ce cri de cœur est perçu par les avatars de la démocratie comme un coup de poignard dans leur cœur et dans leurs intérêts vitaux. C’est donc pourquoi ils ont remué ciel et terre, secoué les cocotiers, sollicité la protection des caïlcédras, des diables des fromagers et huttes des mages pour que les militaires remettent vite le pouvoir aux mêmes gens qui ont pillé le Mali.
Nous avons tout l’espoir que les jeunes militaires, auteurs du coup d’État contre Ibrahim Boubacar Kéita ont fait la bonne lecture de ces lignes de l’Archevêque anglican sud africain, prix Nobel de la paix, en 1984, le Sieur Desmond M’Pilo Tutu. Il disait: «L’histoire se charge de nous enseigner ce que nous n’avons pas su apprendre de l’histoire.» En tout cas, pour ne pas répéter les actes posés par les ‘‘démocrates’’ contre les intérêts fondamentaux de nos masses travailleuses, le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement de transition doivent sans délai déclencher les hostilités ouvertes contre la corruption et la délinquance financière qui ont, par la faute irréfutable de ces ‘‘démocrates’’, spolié nos masses laborieuses. Ils doivent se rendre à l’évidence que ceux qui ont pillé le Mali n’ont pas intérêt dans le changement souhaité par le peuple malien.
Pour ainsi dire, les autorités de la transition doivent s’atteler à opérer les réformes les plus profondes nécessaires à la refondation du Mali. Les lignes qui suivent doivent leur servir de source d’inspiration: «Des réformes politiques sont nécessaires. Ce n’est pas chose facile à accepter, mais si la répartition des terres, des revenus et des possibilités est dénaturée au point de provoquer le désespoir, les dirigeants politiques doivent choisir entre la reforme sociale ou une révolte sociale.» (Robert Mac Namara).
Ainsi donc, parler d’élections avant le nettoyage complet et profond de la situation socioéconomique et politique nationale c’est condamner notre pays à croupir davantage sous le lourd fardeau des affres des ‘’démocrates’’ sangsues du peuple.
Sinon, à quelles fins serviront ces élections réclamées à cor et à cri par des gens qui se battent pour des intérêts inavouables ?
Tout compte fait, la transition n’a pas à accorder la priorité aux élections chez nous parce qu’il y a là le risque majeur de laisser choir davantage notre pays. Au lieu d’exiger la tenue rapide des élections, il urge de procéder à l’audit de la nation des trente ans de gestion des ‘‘démocrates’’ sangsues du Mali. Il est donc grand temps qu’on cesse de soigner la plaie sur du pus dans notre pays. Il y va de la refondation de toutes les structures socioéconomiques, politiques et culturelles pour l’honneur et la dignité de notre peuple travailleur. Les générations montantes ne peuvent continuer à payer pour les affres d’une démocratie assassine de l’espoir.
Les militaires qui ont dégagé IBK, doivent craindre une seule chose : remettre le pouvoir à des hommes et des femmes qui ont pillé ce pays comme en témoignent partout les signes extérieurs de richesse. Pour éviter que l’histoire se retourne contre eux ! S’ils organisent les élections sur la pourriture nationale, ils auront desservi notre pays qui n’a que trop souffert de la gestion calamiteuse de ses affaires, de la corruption et de la délinquance financière, du népotisme, des comportements crapules d’hommes et de femmes renégats du Mali. Les autorités de la transition doivent accomplir leur mission sacrée: celle de la refondation du Mali.
En tout cas c’est ce que les Maliens demandent dans leur écrasante majorité. Pour ce faire, elles ne doivent avoir peur que d’avoir peur. L’éducateur et homme d’État soudanais Mamadou Konaté disait à juste titre: «Lorsque la cause est juste, la foi, le courage, la détermination ne peuvent pas échouer.»
Enfin, il est grand temps de mettre les maliens au travail
Le Mali appartient aux Maliens et ne sera que de ce qu’ils en feront.
Fodé KEITA
Source : L’Inter De Bamako