Le mardi 11 octobre 2022, le Président de la Transition, le Colonel Assimi GOÏTA, a présidé la cérémonie de remise officielle de l’avant-projet de la Constitution du Mali et du rapport de fin de mission de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution (CRNC). Après un léger retard l’équipe dirigée par Fousseyni Samaké a rendu aux autorités le précieux document qui trace les contours de l’avenir de notre pays.
Elle aura enfin accompli sa part de contrat en remettant l’avant-projet tant attendu par le peuple malien. Place maintenant aux débats pour ne pas dire aux combats entre partisans d’une nouvelle constitution et adversaires acharnés du projet. Ces derniers trouvent prématuré, illégal, illégitime, liberticide et démocraticide ce projet. En effet, après trois tentatives infructueuses de réviser la loi fondamentale, avec les Présidents Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré et Ibrahim Boubacar Keita, les autorités de la transition semblent prendre leur courage à deux mains pour non pas réviser, mais rédiger une nouvelle constitution, disent-elles, pour corriger toutes les insuffisances et autres manquements constatés au fil du temps. Ainsi si l’initiative a été saluée par une frange importante du peuple, ou du moins par de nombreux partisans de la transition, elle ne manque pas non plus de susciter beaucoup d’interrogations et de supputations de la part des opposants à ce projet. Les adversaires sont désormais vent débout pour combattre ce projet qu’ils jugent inopportun, inapproprié.
Pour rappel, le Président de la Commission de rédaction, invité sur le plateau de l’ORTM n’a pas porté de gant pour faire l’éloge de son projet en commentant les différentes innovations qui y figurent. Parmi lesquelles il y a la création de deux chambres, l’Assemblée Nationale et le Haut Conseil de la Nation, ensuite une autre prouesse c’est la création de la haute Cour des Comptes, et surtout la suppression de la Haute Cour de justice, qui non seulement est budgétivore, mais aussi et surtout inopérante. M. Samaké n’a pas manqué d’évoqué, le renforcement de la Cour Constitutionnelle et celui du Conseil Economique, Social et Culturel, pour ne citer que ces quelques innovations majeures. En somme, le nombre d’articles est passé de 122 à 195 selon M Samaké ce qui dénoterait d’une certaine évolution du monde en général et du Mali en particulier. les partisans de la transition et de surcroit d’une nouvelle constitution, jubilent car après plus de 30 ans de pratique démocratique, freinée par trois coup d’Etat, il était temps de songer à une nouvelle loi fondamentale pour non seulement corriger les insuffisances eu égard à l’évolution du monde, mais aussi ériger une digue institutionnelle qui résisterait aux soubresauts politiques, à l’image de celle du Ghana, afin d’avoir des institutions fortes qui résisteraient à toutes tentatives de prise du pouvoir par les armes.
Pour les opposants à ce projet de nouvelle constitution il est prétentieux d’imaginer que l’on puisse rédiger une nouvelle constitution dans un pays où les 2/3 du territoire échappent au contrôle de l’Etat central. Donc une violation de l’article 118 de la Constitution en cours. Autres arguments évoqués par les adversaires du nouveau projet sont entre autres, le manque de légitimité des autorités actuelles, le manque de consensus, d’inclusivité et surtout la création d’autres institutions budgétivores, à l’image du Haut Conseil de la Nation qui est le Senat déguisé. Pour rappel l’une des raisons qui ont poussé des milliers de citoyens dans la rue contre la révision constitutionnelle sous IBK, est sans nul doute la création du Senat que certains pays ont supprimé dans leurs arsenaux institutionnels, comme le Sénégal. En attendant le débat de fond, les opposants à ce projet évoqueraient également les ambitions de tenants actuels du pouvoir qui auraient taillé à leur mesure une constitution qui non seulement pourrait barrer la route à certains potentiels candidats, mais aussi renforcer les pouvoirs déjà exorbitants du Président de la République. L’ORTM est interpellé pour organiser des débats contradictoires entre partisans et opposants, au nom d’un certain équilibre. Il est attendu de la passion du service public un traitement équitable entre protagonistes, afin d’éviter que la rue ne soit la réponse aux allégations du gouvernement.
Youssouf Sissoko