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Donald Kaberuka: «Aux Africains de définir clairement la nature de leurs relations avec la Chine»

Le Rwandais Donald Kaberuka est le président de la Banque africaine de développement (BAD). Il vient de participer à Paris au treizième forum de l’OCDE sur l’Afrique.
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A cette occasion, Donald Kaberuka fait le point sur les défis à relever par le continent, notamment ses relations avec la Chine. Le banquier rwandais réagit à l’affirmation de Sanusi Lamido Sanusi, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, qui déclarait récemment : « La Chine s’empare de nos matières premières et nous vend des biens manufacturés.
C’est l’essence même du colonialisme ! ». Donald Kaberuka s’exprime également sur le retour de la BAD à Abidjan, alors que la banque s’était délocalisée en Tunisie il y a dix ans.

RFI: Quatorze millions d’Africains arrivent chaque année sur le marché du travail. Comment les Etats peuvent-ils absorber autant de demandeurs d’emplois ?

Donald Kaberuka: Ils ne le peuvent pas à cause de la transformation encore limitée des économies africaines. Bien sûr la croissance économique est là, mais la transformation reste limitée. Il y a beaucoup d’économies qui connaissent une forte croissance grâce aux ressources naturelles, alors que d’autres, confrontées aux problèmes de l’agriculture, ne se transforment pas rapidement. Je reconnais avec vous que c’est un problème réel, mais qui ne peut que se régler dans le temps.

Vous parlez de transformation. Le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Sanusi Lamido Sanusi, accuse justement la Chine d’exploiter les ressources du continent, sans aider les Africains à se transformer, à s’industrialiser. « C’est du néo-colonialisme » dit-il. Est-ce que vous êtes d’accord ?

Il ne m’appartient pas de juger les propos de mon ami Sanusi Lamido Sanusi, mais je crois que les relations entre la Chine et l’Afrique dépendent avant tout des Africains eux-mêmes. Il nous appartient, à nous Africains, de définir clairement la nature de ces relations. Pour ma part, je crois que les relations avec la Chine ont été très utiles pour beaucoup de pays africains, surtout dans le domaine des infrastructures. Depuis bientôt dix ans, c’est la Chine qui domine pratiquement en matière de construction des chemins de fer, des ports maritimes ou des infrastructures pour l’énergie, et c’est une bonne chose parce que ces infrastructures ont permis à l’Afrique de décoller. Quant à la nature de ces relations, cela dépend entièrement des Africains.

Est-ce que vous voulez dire que les Africains ont peut-être été un petit peu manipulés par les Chinois lors des premières signatures de contrats, il y a dix ans, et qu’ils commencent à ouvrir les yeux aujourd’hui ?

Je n’ai pas dit cela. Je peux vous dire, en toute vérité, que la Banque africaine de développement travaille beaucoup avec certains pays sur des contrats en cours. Ce sont des contrats que ces pays ont signés avec des compagnies étrangères. Ces compagnies ne sont pas toutes chinoises. Ce n’est donc pas les Chinois qu’on devrait accuser chaque fois qu’il y a un problème de ce type.

Donc vous n’êtes pas d’accord avec le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria ?

Le problème n’est pas d’être d’accord ou non, mais plutôt de faire une analyse en profondeur de la situation. Le marché du pétrole, tout comme le marché minier et celui des autres matières premières, est en plein boom. C’est une chance pour nous. Cette fois-ci, il faut qu’on en profite pour bâtir nos infrastructures, financer l’éducation et développer nos pays. La demande pour les matières premières provient de tous les partenaires de l’Afrique et ne concerne pas que la Chine.

Face aux multinationales chinoises, américaines, européennes, qui arrivent sur le continent avec une batterie d’avocats, est-ce que beaucoup de pays africains ne sont pas désarmés, faute d’avoir suffisamment d’experts dans leurs compagnies ?

C’est justement pour aider les pays africains à négocier des contrats équilibrés et, le cas échéant, pour renégocier les contrats, que nous avons créé, il y a cinq ans à la BAD, un fonds pour la facilitation juridique en Afrique. L’absence d’expertises dans ce domaine est un véritable frein aux investissements. Mais je constate que depuis deux ans, de plus en plus de pays nous apportent leur aide au titre d’assistance juridique. La France vient de verser 14 millions d’euros, tandis que les autres bailleurs de fond ont mobilisé quelque 200 millions d’euros, destinés au fonds d’assistance juridique de la BAD. Je m’en réjouis.

Est-ce qu’avec la crise internationale, l’aide publique au développement n’est pas arrivée à un palier ? Et est-ce qu’aujourd’hui les pays occidentaux ne vont pas diminuer petit à petit leur aide ? Est-ce qu’il ne faut pas trouver une alternative ?

Nous pensons que l’augmentation de l’aide publique au développement, dorénavant, sera difficile. L’APD plafonne. Je ne souhaite pas que ce niveau baisse parce qu’il y a encore des pays qui ont besoin de cette aide. Ce qui serait important, c’est d’étudier les effets de levier de cet outil qu’est l’aide publique traditionnelle. Cet outil qu’on connaît depuis cinquante ans doit évoluer afin qu’on puisse s’en servir comme un mécanisme de levier sur les marchés des capitaux.

Après plus de dix années à Tunis, votre banque, la BAD, doit renter à Abidjan mais beaucoup de salariés ne sont pas très motivés. Est-ce que le calendrier du déménagement va être tenu ?

Je crois que votre information est erronée. Les salariés de la Banque africaine de développement et leurs familles se préparent pour aller à Abidjan. Certains sont déjà là. Le calendrier est respecté par nous-mêmes, c’est-à-dire la BAD, et par les Ivoiriens. Je ne vois pas de problème majeur dans le suivi de la feuille de route que j’ai annoncée à Marrakech. Nous avons un dialogue régulier avec la Tunisie et la Côte d’Ivoire, avec le personnel de la BAD. Le calendrier prévu pour les douze prochains mois se déroule correctement.

Et vous-même, Monsieur le Président, quand allez-vous vous installer dans votre nouveau bureau à Abidjan ?

En tout cas, si on suit la feuille de route telle qu’elle a été établie à Marrakech, le président de la BAD, c’est-à-dire moi-même, et le conseil d’administration, doivent s’installer à Abidjan, au plus tard au troisième trimestre de l’année 2014.

Cela veut dire que vous pourriez venir à Abidjan juste après l’assemblée générale annuelle qui est prévue le 19 mai à Kigali ?

Il est fort probable que les choses se déroulent ainsi. Il est prévu que le conseil d’administration et moi-même, nous déménagions à Abidjan autour de ces dates-là. Une partie du personnel sera à Abidjan à partir du mois de mars, y compris l’une de mes collaboratrices, la vice-présidente, qui doit s’installer là-bas pour préparer le retour de la BAD à Abidjan.

Malgré les problèmes que pointent certains sur le manque de bureaux et de logements disponibles ?

Tous ces problèmes logistiques sont en cours de résolution. Le gouvernement ivoirien a mis à notre disposition un bâtiment qui va accueillir beaucoup de gens dès ce trimestre. La réfection du bâtiment de la BAD avance bien. Tous les autres aspects de logistiques sont traités selon la feuille de route. Je n’ai pas vraiment d’inquiétude là-dessus, comme je vous l’ai dit à Marrakech.

Par Christophe Boisbouvier

SourceRFI

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