Le dialogue, censé aboutir à des réformes institutionnelles, Constitutionnelles et accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix, a débuté dans plusieurs communes, la semaine dernière, à Bamako, ainsi dans les capitales régionales. Objectifs affichés : échanger sur les questions de préoccupations des Maliens, aborder les réformes institutionnelles et s’approprier l’accord pour la paix et la réconciliation de 2015. Mais, plusieurs voix s’élèvent pour dire non à un dialogue qui n’aura pour d’autre but que de faire passer le projet de révision constitutionnelle.
En janvier 2019, le président avait relancé ce projet. Un comité d’experts, présidé par le professeur Makan Moussa Sissoko, a été mis en place à cet effet. Mais, malgré la volonté affichée du gouvernement d’obtenir, cette fois-ci, un consensus, l’initiative a fait long feu.
En effet, le Cnas-Faso Hère de l’ancien premier ministre, Soumana Sacko, reste constant dans son refus de participer au dialogue politique. Selon Soumana Tangara, le secrétaire politique du parti, le dialogue national inclusif annoncé n’a pour seule motivation et finalité que de chercher les voies et moyens d’une illusoire « légitimation » ex post de l’accord antinational d’Alger, en vue d’une révision constitutionnelle. « Il est une violation flagrante de la constitution du 12 janvier 1992 et organisant fondamentalement une confédération comme antichambre de la partition du Mali au profit de groupuscules armés à forts relents féodaux, esclavagistes, racistes dépourvus de toute représentativité ou légitimité et instrumentalisés par des puissances étrangères africaines et non africains », déplore-t-il.
Pour Mme Sy Kadiatou Sow présidente de la plateforme, « ANW KO MALI DRON », Ce dialogue ne correspond pas à ce que les maliens, dans leur majorité, ont souhaité. « Ce n’est pas ce dialogue que nous voulons. Nous sommes artisans du dialogue pour poser les vrais problèmes du Mali mais nous ne voulons pas qu’on nous impose un agenda qui n’est pas l’agenda du Mali », indique-t-elle.
Selon, Modibo Sidibé, président des Fare, et membre de la plateforme, au lieu d’un dialogue inclusif, participatif et contraignant, le dialogue actuel n’a comme objectifs que la révision constitutionnelle et l’appropriation de l’accord politique de gouvernance : « C’est en raison de toutes ces anomalies que la plateforme a décidé de ne pas y participer ».
Autre voix dissonante, celle du président du Modec, Konimba Sidibé : « Le président IBK veut juste profiter de la situation pour procéder à la révision de la constitution dans le but d’appliquer l’accord de Alger, sachant bien que certains contenus de l’accord ne sont pas applicables et peuvent même diviser le pays. Par conséquent, le président IBK et nous, n’avons pas la même vision sur le dialogue national inclusif ».
Le président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), Dr Choguel Kokalla Maïga, reproche au régime IBK de n’être mobilisé par ce dialogue que pour aboutir à la révision constitutionnelle et à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger.
Selon lui, la seule motivation du pouvoir, à travers ce dialogue, c’est la révision constitutionnelle et la mise en œuvre de l’Accord. « Le pouvoir veut modifier la constitution du Mali pour l’adapter à l’Accord d’Alger. Or, pour nous, il faut réviser l’accord », dit-il avant d’ajouter : « Appliquer l’accord dans ces conditions, c’est garantir la partition du Mali ».
Le principal regroupement de l’opposition, le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) explique en partie son retrait du processus en cours par la volonté du pouvoir de légitimer la révision de la constitution sous le boisseau du dialogue : « la constatation de la ferme intention du Régime de ne pas intégrer les questions de fond constituant les paramètres fondamentaux de la crise multidimensionnelle malienne, comme les raisons du blocage dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issues du processus d’Alger en vue de sa nécessaire relecture ainsi que la question de l’opportunité et la pertinence de la Révision constitutionnelle en ce moment crucial non seulement au plan sécuritaire, mais aussi et surtout en l’absence de l’État à Kidal et sur des pans entiers du territoire national… », dénonce le FSD.
Le retrait d’une bonne partie de la classe politique et d’une importante frange de la classe politique et de la société civile s’explique par leur crainte de voir le gouvernement transformé un dialogue véritablement nécessaire pour trouver les solutions à la grave crise actuelle à une manœuvre pour faire passer une révision constitutionnelle qui ne s’impose pas.
Aussi, tous dénoncent une machination sous couvert d’un dialogue national inclusif par lequel le gouvernement fera passer sa réforme constitutionnelle, conformément à des engagements par le pouvoir à l’adresse de partenaires étrangers. L’hebdomadaire Jeune Afrique dans sa rubrique « Confidentiel, Diplomatie et réseaux » (parution N° 3062 du 15 au 21 septembre 2019) avait révélé : « Le 10, le Premier ministre malien a été reçu par Emmanuel Macron qui souhaitait lui manifester son soutien. « Il en a besoin » glisse une source à l’Élysée, faisant allusion à la difficulté de la mise en place du dialogue politique inclusif, Boubou Cissé a indiqué que le référendum portant sur la révision de la Constitution serait organisé d’ici la fin de l’année et que les législatives, prévues en octobre 2018, mais plusieurs fois reportées depuis, se tiendraient en 2020 ». N’est-ce pas que le pouvoir a son agenda qui n’est pas nécessairement celui des citoyens dont la souveraineté est confisquée par un « dialogue alibi », un « dialogue administré », un dialogue dont les résolutions ont déjà toute leur place dans les tiroirs.
Le dialogue inclusif n’est rien d’autre qu’un monologue exclusif du gouvernement, un moyen pour le pouvoir de constitutionnalisation de l’Accord séparatiste d’Alger dont il entend blanchir les tripatouillages institutionnels rejetés par les Maliens patriotes. Il s’agit en réalité d’un monologue exclusif au cours duquel le gouvernement va faire avaler au forcing à travers son armada de participants conditionnés, la substance de sa feuille de route dictée de l’étranger.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube