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Décryptage: La responsabilité des exécutifs de l’AES

Forme d’exception de gouvernement, voilà presque quelque temps que les régimes de transition sévissent au Mali, au Burkina Faso et au Niger, trois pays qui forment depuis six mois l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Empoisonnés par les drames sécuritaires et alimentés par les conflits géopolitiques, ils font souvent la Une de la presse. Ils nourrissent aussi les polémiques sur les réseaux sociaux.

Censés être éphémères, ces régimes de transition sont devenus des mines d’or inépuisables pour les élucubrations de tous ordres. Enigmatiques pour les uns, fascinants pour les autres, ils subsistent aux pressions régionales et internationales. Portés en bandoulière par certains, érigés en abri par d’autres, ils sont devenus des pouvoirs où la place de la parole politique et libre est presque absente. Alors même que la prise du pouvoir par les militaires au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023) a été facilitée par les mobilisations dantesques d’une partie des mouvements politiques et associatifs contre la mauvaise gestion de leurs prédécesseurs.

L’ère démocratique

Face à l’histoire, la réputation des chefs d’Etat actuels de l’AES en dépend. En attendant, rappelons que les pays de l’AES ne sont pas à leur première transition. Tel fut le cas lors de la chute du régime militaire du général Moussa Traoré suite au putsch militaire d’Amadou Toumani Touré (1991) pour libérer les Maliens des dérives dictatoriales de son régime. Elle consacre la 1re transition du Mali indépendant. Sous la pression du Mouvement démocratique (politiques, associatifs, syndicalistes, etc.), Amadou Toumani Touré respecte ses engagements.

Il organise le scrutin présidentiel qui célèbre l’élection du 1er président du Mali démocratique, Alpha Oumar Konaré le 26 avril 1992. C’est le début de l’ère démocratique qui, par ailleurs, n’est certainement pas exempte de critiques. Mais passons !

La 2e transition du Mali, celle de mars 2012, suite au putsch militaire d’Amadou H. Sanogo n’a pas aussi dérogé à la règle. Le président de la Transition, Dioncounda Traoré, a respecté le calendrier de retour à l’ordre constitutionnel. Le 11 août 2013, Ibrahim Boubacar Kéita est élu président de la République du Mali. Ainsi va le Mali.

Le rouleau compresseur des jeux d’influence géopolitiques

Chez nos voisins burkinabés et nigériens, les présidents de transition ont aussi travaillé au retour des civils au pouvoir. Les transitions nigériennes de Daouda Mallam Wanké (1999) et de Salou Djibo (2010-2011) ont œuvré au retour à l’ordre constitutionnel en respectant les délais d’organisation des scrutins.

A la fin de la transition de Wanké, en décembre 1999, Mamadou Tandja est élu président de la République du Niger. A la fin de celle de Djibo, en mars 2011, Mahamadou Issoufou est élu président du Niger. Au Burkina Faso, le président de Transition, Michel Kafando (2015), a aussi agi pour l’organisation du scrutin présidentiel, processus au cours duquel Roch Marc Christian Kaboré est élu président de la République en décembre 2015.

Certes, la gouvernance est restée boiteuse dans certains pays, mais les transitions ne se sont pas faites à rallonge. Et le point commun entre ces régimes transitoires, c’est le respect des dates des scrutins par les exécutifs. Certes, le contexte des années 1990 et 2010 est différent de celui d’aujourd’hui. Mais, la Cédéao avait encore le mérite de faire des choix et de faire respecter ses décisions. Par exemple, Amadou H. Sanogo du Mali a été écarté de Koulouba grâce aux pressions de la Cédéao et à la mobilisation des Maliens anti-putschs.

Aujourd’hui, la Cédéao est devenue une organisation molle, fragilisée par le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger qui ont créé leur propre organisation, l’AES. Sur le plan international, les relations de coopération entre les pays de l’AES et l’Occident sont exécrables : crise de confiance, crise diplomatique, etc.

De règlement de compte à règlement de compte, d’autres acteurs comme la Russie ont pris place autour de la table de jeu des relations de coopération. Inéluctablement, le rouleau compresseur des jeux d’influence géopolitiques avance.

Les trajectoires de confiance d’un régime

Enfin, les régimes transitoires actuels de l’AES sont en proie à un contexte bouillonnant : tensions sécuritaires, politiques, sociales, économiques, etc. Parfois, les choses les plus banales deviennent les lieux de toutes les spéculations.

Les vendettas actuelles au sein M5-RFP à Bamako, l’arrestation du colonel Alpha Yaya Sangaré pour son livre (Mali, le terrorisme en Afrique), l’attaque meurtrière à Kwala (Mourdiah, Koulikoro) du 28 février dernier par les groupes narcoterroristes, les massacres des dizaines de civils dans les villages de Komsilga, Nodin, et Soroe (Yatenga, Burkina Faso) le 25 février dernier créent un climat érosif de la confiance des populations dans les institutions.

Même si les chiffres des victimes civiles ou militaires sont tus par peur de susciter l’angoisse chez les populations, ce choix pourrait revenir comme un boomerang sur la figure d’autant que les trajectoires de confiance d’un régime (transitoire ou autre) se construisent en fonction de sa capacité à gouverner avec franchise.

Concluons ce voyage au cœur des régimes transitoires par la responsabilité des exécutifs de l’AES à redonner espoir à leurs populations en conjuguant leurs efforts pour une gouvernance de qualité et pour cheminer vers un retour à l’ordre constitutionnel. La bienveillance d’une partie des populations à leur égard en dépend. Les populations ont besoin d’y croire comme elles croient à la fin de cette poussière suspendue dans le ciel bamakois.

Mohamed Amara

Sociologue

Source : Mali Tribune

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