D’un côté, ses combattants présents au sein du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) brillent par leur absence à la cérémonie de lancement du DDR/Intégration accéléré ; de l’autre, la CMA salue le démarrage effectif de ce processus. De nouveau, l’Accord est pris entre les griffes de la fourberie.
Les Parties avaient tablé sur 1 600 combattants pour lancer le processus de DDR et de l’intégration. A quelques encablures de l’échéance, soit le 1er novembre 2018, lors d’une rencontre avec la presse, Samba TALL, Directeur de la Section Réforme du Secteur de la Sécurité-Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (RSS-DDR), confessait : ‘’ effectivement, la cible que nous visons est les 1 600 combattants qui doivent tous être présents au MOC. Comme vous l’avez dit, actuellement, pour les MOC de Gao et de Tombouctou, on en est encore à un tiers de l’effectif, car il avait été accepté entre les parties que le MOC serait établi graduellement (…). C’était le premier couac.
Le plus gros couac était le jour même du lancement du processus à Gao, en présence du ministre de la Cohésion sociale, de la paix et de la réconciliation nationale, Lassine BOUARE, du Gouverneur de région ; des présidents des Mouvements signataires (CMA et Plateforme) ; de la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies ; de nombreuses autres personnalités civiles et militaires.
L’éclat de la cérémonie a été terni par la désertion des combattants du MOC devant constituer la première unité des ‘’Forces armées et de sécurité reconstituées’’, conformément à l’article 21 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.
Un confrère présent à Gao témoigne :’’dans le couloir cerné de fortifications de sable, il n’y a personne. Autour de l’entrée de la direction régionale de la police de Gao, quelques militaires juchés sur des tanks sécurisent le lieu. Mais, ce mardi 6 novembre, il manque l’essentiel. Aucun des 575 ex-combattants, membres des patrouilles mixtes, formant le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Gao, ne s’est présenté à la cérémonie’’.
Les combattants qui se sont ainsi éclipsés sont aussi de la CMA et de la Plateforme. Ils avaient annoncé les couleurs dans une lettre adressée le 3 novembre à la CTS, dans laquelle ils soulevaient de nombreuses préoccupations. Les chefs politiques et militaires qui étaient sagement assis à la tribune officielle en étant très bien imprégnés, s’en souciaient comme d’une guigne. Le jeu de rôles était (est) patent.
Pour jouer à la perfection sa partition, la CMA se fend d’un communiqué : ‘’la CMA salue le démarrage effectif à Gao, Kidal et Tombouctou du processus de DDR/Intégration pour la transformation des unités du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) en premières unités d’armée reconstituée marquant ainsi un pas important dans la mise en œuvre de la réforme du système de défense et de sécurité prévue par l’APR (Ndlr : Accord pour la Paix et la Réconciliation)’’.
Cette salutation empeste la fourberie. Il n’y a aucune raison de changer une méthode éprouvée. Une nouvelle fois, une énième fois faudrait-il plutôt dire, la CMA valse entre les lignes avec un résultat escompté certain : différer le DDR/Intégration accéléré convenu et recommandé par l’Observateur indépendant dans son Rapport du 26 octobre 2018 : ‘’que la Commission nationale du DDR lance l’opération générale du DDR dans les meilleurs délais, compte tenu de la disponibilité quasi complète des combattants éligibles…’’
Lassées des manœuvres dilatoires des Mouvements armés, certaines sources bien informées ne se privent pas de faire la fine bouche : selon qu’on sert dans le MOC ou dans l’Armée régulière, le traitement ne serait pas le même du point de vue pécuniaire.
Pour le moment, la seule garantie que les prévisions seront atteintes, en termes d’effectifs, c’est cette profession de foi de M. TALL : ‘’à partir du moment où les trois parties ont convenu d’accélérer le processus, rien n’empêche que le restant des combattants du MOC de Kidal et de Tombouctou soit présents avant le 30’’.
A moins que l’Etat ne taille sur mesure une grille salariale incitative pour les combattants devant faire partie des Unités des Forces de défense et de sécurité reconstituées…
Au regard de ce tableau, point d’angélisme ; l’on n’est pas encore sorti de l’auberge et l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui a encore de longs moments de souffrance devant lui.
Par Bertin DAKOUO
Info-matin