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Crise sociopolitique : Regards croisés de deux avocats

Me Mountaga Tall et Me Kassoum Tapo, deux célèbres animateurs du Barreau malien et tous deux anciens ministres ont confronté leurs idées, le vendredi soir sur l’ORTM. Retour sur un débat qui a tenu toutes ses promesses

 

Le vendredi dernier, deux avocats, tous anciens ministres étaient face-à-face à la télévision nationale. Il s’agit de Me Mountaga Tall, l’un des leaders du M5 Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et Me Kassoum Tapo, juriste. Le thème du débat portait sur la crise sociopolitique et la médiation de la Cedeao.

Me Mountaga Tall qui a ouvert le débat a indiqué que beaucoup avaient prédit que les chefs d’État de la Cedeao allaient venir avec des oukases. Ce qui ne fut pas le cas car ils ont écouté jusqu’au bout l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile. Et d’ajouter que comme l’a dit l’imam Mahmoud Dicko, il n’y a eu aucune avancée. À la question de savoir si le M5 fait des efforts, l’ex-ministre dira que tout ce que le mouvement a posé comme actes, de sa constitution à aujourd’hui, est allé uniquement dans ce sens.

Me Kassoum Tapo pense que  la mission de Cedeao n’a pas été un échec. Selon lui, ceux qui parlent d’oukases ne connaissent pas le mécanisme de la Cedeao qui agit dans le cadre d’un protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Lequel prévoit un ordre constitutionnel communautaire et des principes de fonctionnement de la démocratie. Et chaque fois que ces principes sont menacés dans un pays membre, elle intervient pour aider à prévenir les conflits et à régler la situation. Pour Me Tapo, dire que la mission de la Cedeao a été un échec est comme ramener le peuple malien au M5-RFP alors qu’il y a d’autres acteurs comme la majorité présidentielle et la société civile qui sont d’accord avec les propositions de sortie de crise.

D’après le célèbre avocat, le débat est de savoir si ces recommandations sont suffisantes et si des efforts qui doivent être faits de part et d’autres pour qu’il y ait de nouvelles propositions de la part du M5 qui «est la partie la plus radicale». Et Me Tapo de préciser que ce n’est pas parce qu’il «est la partie radicale» que le M5-RFP représente l’ensemble du peuple malien. Pour lui, il faut que cette partie du peuple fasse des efforts pour que l’on sorte de cette situation qui n’arrange personne. Concernant les attentes du sommet extraordinaire de ce lundi, Me Tapo estime qu’il ne faut pas penser que la Cedeao va donner ou imposer des solutions, elle les cherchera avec les Maliens.

Me Tall, de son côté, a déploré que l’organisation communautaire ramène les solutions à une Cour constitutionnelle reconstituée, à des élections partielles, toutes ces mesures qui sont par nature inconstitutionnelles et illégales, quelques fois même irréalisables. Selon lui, le M5 ne peut pas accepter qu’on viole la Constitution en mettant en oeuvre des solutions qui ne tiennent pas compte de l’environnement politique, qui vont perpétuer et accentuer la descente aux enfers du pays. Me Tall estime que le président Ibrahim Boubacar Keïta est responsable de tout ce qui se passe aujourd’hui au Mali et qu’ «il faut changer de capitaine».

Réponse de Me Tapo : un changement de capitaine obéit à des conditions constitutionnelles. Et de rappeler que lui et Me Tall ont participé en 1991 à l’élaboration de cette Constitution. «Qu’il me dise en dehors des élections, comment changer de capitaine ?», a alors répété Me Tapo, avant d’ajouter qu’Ibrahim Boubacar Keita a été élu en 2013 avec le soutien de ceux qui sont aujourd’hui contre lui puis réélu en 2018. L’ancien ministre se demande que deviendra notre pays, si l’on sort de cette Constitution.

Le M5-RFP est dans le strict respect de la Constitution, rétorquera Me Tall. Et d’expliquer que l’article 36 prévoit les cas de vacance du pouvoir et il est prévu la démission volontaire. En réponse, Me Kassoum Tapo évoquera l’article 24 de la Loi fondamentale qui stipule que toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter, en toute circonstance, la Constitution et l’article 30 qui dit que le président est élu pour un mandat de 5 ans. Il se demandera sur quel fondement le M5-RFP veut abréger le mandat du président de la République.

Concernant les élections partielles, les deux avocats ont émis, chacun des réserves. Cependant, si Me Tapo pense que la Cedeao a proposé une solution de compromis concernant la Cour constitutionnelle et que la crise a commencé à partir des résultats des élections législatives, ce n’est pas l’avis de Me Tall qui soutient que la crise actuelle n’est pas seulement électorale.

Les deux avocats sont également revenus sur les débordements survenus lors du rassemblement du 10 juillet et jours suivants. Pour Me Tapo, ceux qui ont lancé le mot d’ordre d’aller occuper les services publics doivent répondre de leurs actes, parce que l’occupation d’un service public est une infraction à la loi, de même que celle des voies publiques constitue un trouble à l’ordre public. Le M5-RFP n’a aucune responsabilité dans ces débordements, répondra Me Tall qui insistera sur le nombre élevé des morts et des blessés à cause de la répression des manifestations.

Il a rejeté la responsabilité des débordements sur le pouvoir qui, selon lui, a envoyé les forces de sécurité attaquer les citoyens qui manifestaient pacifiquement. Tous les deux débatteurs ont déploré les morts, les blessés et condamné les dégâts matériels. Ils ont convenu aussi qu’il faut une enquête pour situer les responsabilités. Le débat était de très haut niveau et courtois.

Dieudonné DIAMA

Source : L’ESSOR

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