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Crise migratoire : Les réponses du Maroc

Abordant les réalisations du Maroc depuis 1999, SEM. Hassan NACIRI, Ambassadeur de SM le Roi au Mali revient sur des aspects essentiels de la politique marocaine relative à la problématique de la crise migratoire. Un sujet de première importance d’actualité criarde et transversale à plus d’un titre, le Maroc sur la question a défini une véritable vision et une démarche pragmatique de sa prise en charge.

Le Diplomate livre ici quelques aspects de cette politique

Pour les besoins de cette tribune, nous mettrons de côté certains écueils d’ordre épistémologique et retenons de la crise migratoire qu’elle “désigne un phénomène d’augmentation sensible du nombre de migrants arrivant dans un pays ou dans une zone géographique’’.

La notion de crise migratoire est subjective et intervient lorsque le flux migratoire devient très ou trop important et pose un problème, réel ou imaginaire, au(x) pays d’accueil”, mais aussi en direction des autres, qu’ils soient de départ ou de transit. En particulier, dans le cas qui nous concerne, le phénomène partant de l’Afrique en direction de l’Europe occidentale.

Vu sous cet angle, il est loisible de constater qu’aujourd’hui, la gestion de la crise migratoire se situe au cœur de la politique internationale. Partout à travers le monde, nous sommes inondés d’images de grands mouvements de masse, de déplacements de populations entières, parfois dans des conditions infrahumaines. Ils sont pourtant motivés par la recherche d’un mieux-être et très souvent par la quête désespérée d’une survie, pour fuir tantôt la misère, tantôt la guerre, quand ce ne sont pas les calamités et autres souffrances.

D’un point de vue strictement social, ces départs constituent de véritables soutiens pour les familles laissées au pays et permet souvent de créer, sur place, des micro projets économiques et sociaux.

Evidemment, ces mouvements transfrontaliers posent des problèmes touchant à la souveraineté des Etats, à leur stabilité économique et sociale et accessoirement à leur sécurité nationale, d’où une série exponentielle de réunions, de conférences, de débats, ce qui a pour conséquences de fréquentes crispations diplomatiques.

Le phénomène devient parfois objet de tribunes électoralistes lesquelles en usent comme d’une trouvaille, d’une manne idéologique, pour conquérir le pouvoir politique  ou l’influencer. Si le phénomène n’est pas nouveau, il est à remarquer qu’il s’est accentué ces derniers temps en se massifiant et en devenant problématique.

La crise migratoire est si complexe que toutes les tentatives régionales et internationales pour sa prise en charge se sont avérées insuffisantes, voire inopérantes. L’une des raisons de cette difficulté réside dans la différence de perception que l’on soit un pays émetteur ou d’accueil de ces flux. En effet, tandis que les premiers se focalisent sur les aspects sécuritaires, les autres avancent la simple quête d’opportunités économiques et l’aspiration à une vie meilleure.

L’autre raison réside dans l’absence d’une politique internationale pragmatique, cohérente, concertée et intégrée en la matière. Enfin, la médiatisation à outrance de certains mouvements migratoires semble avoir amplifié les risques que cela pouvait couver. Dès lors, le politique s’est invité dans la perception, l’analyse et le traitement d’un fait, somme toute, social, vieux comme le monde.

S’agissant singulièrement du continent africain d’où partent des colonies importantes, il n’est le moins spolié. En effet, ce sont des milliers de bras valides, de cerveaux   qui émigrent, ce qui constitue un handicap majeur, une perte sèche, pour son développement, déjà fort malmené par des contingences en tous genres. En raison de ces crises endémiques, l’Europe exerce un attrait particulier de par son développement, sa croissance économique et les différentes mutations que connait le vieux continent.

Ces mutations sont intervenues au moment où le Maroc aspire à jouer un rôle plus important sur la scène africaine, sur la base d’une stratégie associant les dimensions politiques, sociales, humanitaires, culturelle et cultuelles.

En fait, il s’agit pour le Maroc, qui vient d’opérer son retour sur la scène institutionnelle panafricaine, de partager une riche expérience de gestion des flux migratoires, ensuite œuvrer avec ses partenaires en vue de mettre en place une synergie d’actions africaines dans la perspective d’aboutir à une politique mondiale concertée et pragmatique.

Selon un Rapport du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) publié le 15 juillet 2013, le Maroc accueille une immigration de travail régulière, un nombre conciliable d’étudiants étrangers, d’immigrants en transit parfois durable et enfin des demandeurs d’asile et des réfugiés.

Le Conseil relève, en outre, la présence au Maroc de groupes installés depuis longtemps (algériens, syriens et diverses nationalités européennes). Il relève aussi une accélération d’immobilité comme l’illustrent, par exemple, la circulation des élites professionnelles, hautement qualifiées, entre l’Europe et le Maroc ou les séjours prolongés de retraités européens, notamment français. Cette conjonction de dynamiques migratoires diversifiées, note le CNDH dans son Rapport, “font du Maroc, insensiblement, mais de manière irréversible, un pays cosmopolite”.

Parallèlement, les marocains continuent leur émigration régulière ou irrégulière vers d’autres pays. Du coup, le Maroc s’insère clairement dans la mondialisation des mobilités humaines. Situé en Afrique et voisin quasi immédiat de l’Europe, le Maroc subit de plein fouet les conséquences des mouvements migratoires de l’Afrique vers l’Europe, jouant à la fois le rôle de pays de transit et d’accueil.

Conscient de ces dynamiques, qui pourraient engendrer des conséquences positives et/ou négatives, les pouvoirs publics ont réagi de manière ponctuelle et dans un cadre à part et limité. Au regard de tout ce qui précède, je voudrais partager avec vous l’approche et la Vision du Royaume du Maroc sur la question. L’objectif recherché, vous en conviendrez, est de permettre un apport à une approche globale pouvant être l’amorce d’une réponse africaine à la crise migratoire.

  1. La question migratoire vue du Maroc : Compréhension et analyse :

De par sa position géographique, le Maroc a de tout temps été une terre d’immigration et d’émigration. Faisant partie de l’Afrique et du monde arabe, il a subi, ces dernières années, les effets néfastes des crises multiformes que connaissent certains pays de ces deux régions. Du coup, le Maroc est passé du statut d’espace de transit à celui d’espace d’accueil surtout suite aux mesures draconiennes européennes pour contrôler leurs frontières terrestres et maritimes. Tout ceci a convaincu le Maroc de la nécessité de la mise en place d’une nouvelle stratégie visant à prendre en charge les différentes dimensions du problème et à planifier les réponses à donner dans l’avenir.

a- Pour la Formulation d’une politique nationale : Le Maroc a pris plusieurs initiatives :

Nous pouvons citer à titre d’exemple l’adoption en 2003 de la Loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, l’immigration et l’émigration irrégulière, l’adoption en 2007 d’un Accord de siège avec le HCR lui déléguant l’examen et l’octroi des demandes d’asile. Sur le plan sécuritaire et avec le soutien de l’UE, une politique de contrôle des tentatives d’émigration irrégulière a été mise en place. Ceci a été suivi par des campagnes inopinées de contrôles d’identité et d’interpellations suivies d’opérations de refoulement.

Pour autant, sans contester le principe de droit des autorités publiques à contrôler l’entrée et le séjour des étrangers et leur devoir de lutter contre les trafics des êtres humains, le CNDH estime que les pouvoirs publics ne peuvent dans l’accomplissement de ces missions se soustraire aux dispositions constitutionnelles en matière de droits humains et de droits des étrangers, aux engagements internationaux contractés en vertu de la ratification de l’ensemble des instruments de protection des Droits de l’Homme, notamment, le pacte international relatif aux droits civils et droits civiques et politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention contre la torture, la convention des droits des enfants, la convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, la convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et la convention de 1951 relative aux réfugiés.

A cela s’ajoute la signature en juin 2013 entre le Maroc, l’UE et ses Etats membres d’une déclaration conjointe établissant le Partenariat de mobilité. Soumis à l’appréciation de Sa Majesté Le Roi, les recommandations de ce rapport historique ont été rapidement validées et un nouveau départ a été donné à la gestion du dossier par les Autorités publiques.

Ainsi, la politique migratoire du Maroc a connu un grand tournant en septembre 2013 avec l’Orientation Royale dans la perspective d’établir une nouvelle politique globale. En effet, et tout en rappelant que le Royaume a toujours été un pays d’émigration et une terre d’immigration, les Hautes Autorités du pays ont souligné la longue tradition d’immigration et d’accueil du Maroc due notamment à ses relations séculaires avec l’Afrique subsaharienne et régie en particulier par la Constitution qui garantit le principe de non-discrimination, le droit d’asile et l’égalité de droits entre nationaux et étrangers.

Prenant note des recommandations du CNDH, le Souverain a réitéré sa conviction que la problématique migratoire devrait être approchée de manière globale et humanitaire. A cet effet et lors d’une séance de travail consacrée à l’examen des divers volets de cette problématique, le Souverain a souligné que le Maroc est devenu une terre d’accueil pour les migrants.

A titre d’illustration, le nombre d’immigrés issus des pays d’Afrique subsaharienne a quadruplé. Le Maroc a, par ailleurs, connu sous l’effet de la crise économique mondiale, une nouvelle forme d’immigration provenant de pays comme l’Espagne, la France et d’autres pays européens.

Dans cette optique, la décision a été prise pour procéder à la régularisation de la situation de ces personnes en matière de résidence et d’activités qu’elles exercent, au même titre que les immigrés réguliers d’autres nationalités, dont notamment les immigrés subsahariens.

Dans la foulée, une grande opération de régularisation d’immigrés illégaux au Maroc a profité dans une première phase à 25.000 personnes suivie ultérieurement par une autre opération du même genre et du même nombre.

A ce jour, pas moins de 50.000 personnes ont bénéficié de la régularisation avec toutes les implications positives pour eux au niveau de l’accès au service public de l’enseignement, de la santé et même de la couverture sociale, sans compter les opportunités d’emplois et d’entreprises dans le secteur privé.

Cet élan a eu pour effet de doter le Royaume d’une réelle force de proposition et de lui allouer ainsi un rôle proéminent et actif sur la scène régionale et internationale en termes de gestion de la problématique globale de la migration.

L’Initiative marocaine s’inscrit dans le cadre de la tradition profonde d’accueil du Royaume illustrant l’implication constante du pays en faveur de la protection des droits de l’Homme, conformément aux dispositions constitutionnelles, aux exigences de l’État de Droit, et en accord avec les engagements internationaux du Maroc.

Par ces actes de grande importance, Le Maroc récuse les méthodes suivies par certains pour traiter les questions de la migration. Par contre, il est fier de l’action qu’il mène dans le domaine de l’accueil et de l’intégration des immigrés. “Il ne reviendra pas sur cette approche pratique et humanitaire”, a souligné Sa Majesté Le Roi le 20 août 2016.

“Quant à ceux qui le critiquent, ils feraient mieux, avant de lui chercher noise, d’offrir aux immigrés ne serait-ce qu’une infime partie de ce que nous avons réalisé en la matière. Nous regrettons les dérives qui ont marqué la gestion des questions de la migration au niveau de l’espace méditerranéen, faisant l’impasse sur toute politique réelle d’insertion des immigrés”, source déjà citée.

Mais eu égard aux conditions qui doivent être réunies pour le bon accueil des immigrés en situation régulière, notamment leur accès légal aux opportunités d’emploi, aux conditions de vie digne et d’insertion économique et sociale, le Royaume du Maroc ne saurait accueillir tous les migrants qui souhaitent s’y installer.

D’ailleurs, le nombre d’immigrés en situation irrégulière connait une croissance notable, la plupart intégrant le territoire national depuis l’Est et le Sud. De plus, certains groupes de migrants illégaux tentent des passages en force, ce qui engendre nombre de victimes parmi les Forces de l’ordre et les migrants.

Néanmoins, Le Souverain avait donné, à plusieurs reprises, Ses Hautes Instructions formelles aux autorités compétentes en vue de respecter les droits de migrants, de se conformer strictement à la Loi dans leur traitement, sans discrimination, et de fournir l’assistance à ceux qui souhaitent retourner dans leurs pays. Parallèlement, des Instructions ont été données pour poursuivre sans relâche la lutte contre les réseaux de trafic et la traite des êtres humains.

b- Déclinaisons et partages de la stratégie marocaine :

Conscient des défis multiples que pose la migration pour l’Afrique et l’Europe, le Maroc a amorcé une réflexion approfondie sur cette problématique dès le début du millénaire. Il s’agissait à la fois d’élaborer une politique nationale et d’opérer un arrimage entre celle-ci et la politique régionale et internationale, quand bien même cette dernière était dubitative et n’avait pas de contours bien définis. C’est ainsi que déjà en 2006, le Maroc a pris l’initiative de créer le ”Processus de Rabat” afin de promouvoir le développement de politiques migratoires, et plus particulièrement les synergies entre migration et développement.

Ce processus avait, par ailleurs, donné un “nouvel élan” à la coopération entre les pays africains et européens, en privilégiant la dimension développement dans la gestion des questions migratoires avant d’être consolidé avec la 2ème et 3ème Conférence Euro-Africaine sur la migration et le développement (tenues respectivement à Paris en 2008 et à Dakar en 2011) en vue d’un renforcement de la synergie entre migration et développement.

C’est dans le cadre du processus de Rabat que le Maroc a proposé “une Alliance Africaine sur la migration et le développement” qui vise, entre autres, la promotion et la protection des Droits fondamentaux des migrants et des réfugiés, ainsi que la consolidation de la synergie entre la migration et le développement sur la base de la responsabilité partagée. Avec l’UE, le principal partenaire Nord sur la question, plusieurs instruments de travail ont été mis en place tels le Partenariat, les Accords d’association, les Accords de réadmission et le Dialogue.

A chaque occasion, le Maroc procède à un rappel de principes énoncés de manière récurrente par l’ensemble des discours et textes européens sur la question. Dans toutes les circonstances, à l’occasion des réunions avec l’UE, au sujet du 5+5 sur les problèmes migratoires, les responsables marocains insistent sur le fait qu’on ne peut dissocier la migration clandestine, considérée comme centrale dans les préoccupations européennes, des autres volets de la migration.

La dimension humaine de la question est mise en relief et une corrélation étroite entre la lutte contre la migration clandestine et la préservation des droits et acquis de la communauté marocaine légalement installée dans les différents pays européens opérées.

Les mêmes responsables affirment ainsi leurs compétences relatives à l’intégration et soulignent les interdépendances entre migration clandestine, migration légale et développement.

Dans la même optique, l’association est faite entre la construction d’une politique migratoire européenne communautarisée et les risques de confirmation des préoccupations strictement sécuritaires. Alors que les politiques sociales et de migration se communautarisent, il importe que ces questions ne soient pas abordées sous le seul prisme sécuritaire, ni sous le seul angle de l’émigration clandestine. Elles doivent être traitées dans leur aspect global et régional.

Précisément, pour lutter efficacement contre l’immigration illégale, il faut offrir des perspectives à l’émigration légale. A-t-on répété. Dès la crise économique de 2008 en Europe et le printemps arabe, tous les systèmes de gestion des mouvements migratoires ont été ébranlés. D’où la nécessité de revisiter les politiques suivies jusqu’à lors et de renforcer la concertation et la coordination entre les pays émetteurs et les pays d’accueil. Toutefois, aucun pays ne pouvait prétendre disposer d’une recette magique pour endiguer cette crise émergente (par analogie aux maladies émergentes).

Pour sa part, le Maroc a appréhendé la question sous trois angles: national, régional et international. Les trois perspectives de vue se complètent de manière organique dans la mesure où s’agissant d’un phénomène mondial, son traitement se répartit entre trois niveaux de responsabilité en l’occurrence la responsabilité nationale, régionale et internationale. C’est ainsi qu’en 2013, Sa Majesté Le Roi Mohammed VI a exhorté la communauté internationale à s’impliquer fortement dans le traitement de la problématique migratoire afin de prévenir l’occurrence de drames tel celui de l’île italienne de Lampedusa. Ce phénomène concerne tous les Etats et tous les peuples.

S’agissant de l’Afrique, le Souverain a fait remarquer que les relations privilégiées unissant le Maroc aux pays de l’Afrique subsaharienne ” ne sont pas que politiques et économiques”, mais “…sont, dans le fond, des liens humains et spirituels séculaires”. Le Roi du Maroc s’est félicité de l’accueil largement favorable que l’Initiative marocaine de mise en place d’une politique nationale en matière d’immigration a rencontré auprès des Parties directement concernées par cette problématique, et plus particulièrement les pays subsahariens, les Etats de l’Union Européenne et les différentes instances et organisations régionales et onusiennes.

Et de revenir sur l’Initiative proposée par le Maroc en 2013 en vue de mettre en place “l’Alliance Africaine pour la Migration et le Développement” axée sur une vision commune et des principes humanitaires devant présider aux questions migratoires, notamment la responsabilité partagée entre les pays d’origine, de transit et d’accueil, et le lien étroit entre immigration et développement.

Pour mémoire, les Nations unies ont lancé en juin 2008, une instance baptisée “Alliance Internationale des Migrants” qui vise à consolider la lutte pour le respect des migrants et de leur Droit à des conditions de vie et de travail décents.

Pourtant et malgré le chemin parcouru, le phénomène est loin d’être circonscrit et le défi demeure de taille. En fait, quoi qu’on fasse, les solutions adoptées ne peuvent être que ponctuelles et partielles d’où la nécessité de traiter la question dans un cadre multilatéral rénové et sur la base d’une responsabilité partagée sur cette question globale “global issue”.

2- Défis et perspectives :

Depuis la mise en place de l’espace Schengen, il a été constaté une montée du nombre de demandeurs africains de la destination Europe. Cette tendance “haussière”, a été renforcée de nouveau avec la crise économique de 2008, le printemps arabe, les guerres et conflits et même le dérèglement climatique.

Les pays des deux rives de la Méditerranée et au-delà s’emploient à mettre en place des politiques et des mécanismes à même de permettre de prendre en charge ces flux humains continus et incontrôlés. Pour les pays de la rive Nord, la question revêt un caractère éminemment sécuritaire alors que pour les voisins du Sud, la migration est perçue comme un besoin socio-économique et une opportunité, et par conséquent devrait être traitée en tenant compte de la dignité des demandeurs.

C’est dans ce contexte que l’approche multilatérale s’est imposée. Un des points essentiels de ce multilatéralisme consiste en particulier dans la recherche de meilleures voies et moyens de lutte contre la migration irrégulière, mais à vrai dire, il s’agit d’une crise structurelle multifactorielle qui appelle des solutions aux problèmes de base à savoir, le sous-développement.

En définitif, peut-on imaginer un moyen humain efficient pour arrêter cet exode de masse? Peut-on élaborer une politique renouvelée et pérenne? Peut-on faire la sourde oreille aux cris de détresse des émigrants et aux cris des pays de transit et d’accueil pour partager le fardeau? Quid de la résolution des conflits armés? Du besoin de la bonne gouvernance et de la Justice?

Dans ce contexte, et dans le prolongement du processus de Rabat, l’on peut indiquer que le Sommet Afrique-Union Européenne sur la migration qui a eu lieu à Malte les 11 et 12 novembre 2015, engage les pays de la rive Sud de la Méditerranée à adhérer pleinement au projet européen de limitation de l’immigration irrégulière et l’encouragement de l’immigration légale par le renforcement du contrôle des frontières et la réadmission des personnes dont la demande de séjour aura été refusée.

Cependant, les Etats africains ne semblent pas adhérer à l’approche et aux solutions proposées par l’UE, d’où la nécessité, encore une fois, d’approfondir la réflexion sur ces questions dans un cadre multilatéral empreint de franchise et de solidarité.

Concernant les nouveaux défis migratoires pour le Maroc, l’on peut dire que les contrôles de plus en plus stricts des frontières maritimes et terrestres de l’Europe ainsi que la crise Libyenne ont fait du pays une destination privilégiée pour tenter de traverser la méditerranée vers “l’Eldorado” européen. Et ce, est valable pour les marocains eux-mêmes que pour les autres candidats issus des pays subsahariens, du Moyen-Orient voire de l’Asie. Ces milliers de migrants empruntent la voie terrestre pour arriver au Maroc. On peut dire de même de la crise syrienne qui a poussé bon nombre de ressortissants de ce pays à se diriger vers l’Europe via le Maroc.

L’autre défi que le Maroc devrait relever revêt un caractère purement diplomatique lié à son retour en 2016 au sein de sa famille institutionnelle africaine.  Il est question de procéder au partage et à la promotion de son expérience en matière migratoire. Fort de sa politique nationale pragmatique reconnue de tous, le Maroc a été appelé dans un premier temps à partager ses réussites et ensuite à contribuer activement à l’élaboration au sein de l’Union africaine d’une politique continentale avec une perspective mondiale.

a-  Agenda africain :

Lors de son 28ème Sommet, tenu en janvier 2017, l’UA a confié à Sa Majesté Le Roi le leadership de la réflexion sur la gestion de la crise migratoire en Afrique. Dès le Sommet suivant, tenu au mois de juillet de la même année, le Souverain a présenté les premiers jalons de la vision africaine commune sur l’immigration. C’est ainsi qu’une Note préliminaire sur la migration a été remise au Président guinéen, Alpha CONDE, en sa qualité de Président en Exercice. Cette note préliminaire se décline en quatre axes fondamentaux à savoir: Politiques nationales – Coordination sous régionale – Perspective continentale – Partenariat international.

L’agenda africain tel que conçu par le Maroc, déconstruit un à un les mythes associés à la migration :

– Il n’y a pas de déferlantes migratoires puisque les migrants ne représentent que 4% de la population mondiale ;

– La migration africaine est d’abord intra-africaine : quatre migrants africains sur cinq restent dans le continent ;

– 85% des revenus des migrants restent dans les pays de résidence.

Enfin, le Document marocain souligne que la migration est un phénomène naturel qui constitue la solution et non le problème et qui exige une approche humaniste de responsabilité partagée et de solidarité. Dans cette quête de revenus et d’améliorations des conditions de vie, les pays de l’Afrique du Nord jouent le rôle de Pont entre le reste de l’Afrique et l’Europe, sans oublier que l’Afrique du Nord, elle-même, est depuis longtemps, une région émettrice d’émigrés.

Pour Rabat, l’agenda africain suppose : un changement de paradigme, une redéfinition introspective et positive de la migration, ainsi qu’une volonté politique réelle des Etats qui ont chacun intérêt à ce que la migration se fasse dans la sécurité, la légalité, la régularité, l’ordre et le respect des Droits humains. Lors du 30ème Sommet de l’UA, Le Roi du Maroc a proposé la création d’un Observatoire Africain de la Migration et d’un Poste d’Envoyé spécial de l’Union africaine chargé de la migration.

L’Observatoire africain de la migration sera basé sur le triptyque :

Comprendre, Anticiper et Agir

Quant à l’envoyé spécial, il aura pour mission de coordonner les politiques de l’Union dans le domaine. L’Union Africaine a validé les deux propositions du Royaume. Au 31ème  Sommet de l’Union, les Chefs d’Etat ont décidé la mise en place d’un Observatoire des Migrations qui élira domicile au Maroc.

Par ailleurs, l’Agenda africain peut instruire le processus d’élaboration du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et ce, lors d’une conférence qui aura lieu à Marrakech fin 2018.

b- Vers une alliance mondiale :

L’Agenda africain pourrait inéluctablement servir de base pour les pays membres lors des négociations pour l’élaboration du Pacte mondial. Aux derniers développements, les Etats membres de l’ONU viennent de terminer les négociations du Pacte mondial pour la migration après plus de six mois de négociations. Et selon les experts, ce Pacte est le tout premier document des Nations Unies traitant de la question de la migration dans tous ses aspects.

L’Accord sera formellement adopté par les Etats membres à la Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, qui se tiendra à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018. Le choix porté par les Nations unies sur Marrakech pour accueillir la Conférence Mondiale de la Migration témoigne du leadership du Maroc, reconnu par la communauté internationale dans le domaine de la migration.

Le Maroc ne peut que s’en réjouir

Figurant parmi les rares pays à avoir instauré une Stratégie nationale pour traiter la question migratoire, le Maroc est considéré, à juste titre, comme un modèle référentiel de bonne pratique à l’International.

En guise de conclusion, il sied tout d’abord de rappeler que le Monde doit au Roi du Maroc l’initiative du lancement en septembre 2013 de ce qui est désormais appelé la Politique Migratoire du Maroc. En plus de ses avantages pratiques et stratégiques pour le Maroc, beaucoup de pays et d’organisations internationales s’en inspirent au quotidien.

Le Monde doit aussi au Roi du Maroc, en sa qualité de leader de l’UA sur la question de la migration, l’élaboration et l’instauration de l’Agenda Africain et de l’Observatoire Africain des Migrations. En plus des Nations unies et des Organisations spécialisées, la politique poursuivie par le Maroc en la matière a été hautement appréciée.

Ainsi, plusieurs experts ont salué

la démarche en y voyant :

– Une politique proactive qui se veut volontariste fondée sur la prévision et l’anticipation. Cette politique se veut aussi autonome dans la mesure où le Maroc s’est doté de textes de loi étroitement liés à l’asile, la migration et la traite humaine.

– Une politique innovatrice et solidaire reposant sur une gouvernance multi-acteurs et multi-niveaux, conçue dans un environnement marqué par la multiplication des risques d’obédiences différentes et le débat européen sur le rapatriement des migrants et la mise en place des centres des réfugiés. Sur ce dernier point, le Maroc n’a pas hésité à décliner cette solution de facilité.

– Une politique qui, dans une première étape, a pris en charge la problématique au Maroc. Conscient des implications et de l’étendue de la question, Rabat s’est engagé, dans une seconde étape à favoriser la coordination avec les pays africains dans une perspective de complémentarité et de contribution.

Par-dessus tout, le Maroc a contribué dans le cadre de l’Union africaine à la recherche d’une solution à l’échelon mondial sur la base des principes arrêtés au sein de l’ONU. Le premier espace de cette coordination est déjà ouvert, il s’agit de préparer ensemble la Conférence de Marrakech prévue en décembre 2018.

L’approche marocaine opte également pour le renforcement de la coopération dans un esprit d’égal à égal entre l’Afrique et l’Europe sur la question migratoire. Il faut surtout éviter les visions simplistes et étriquées de la question qui ne fera que perdre davantage le temps et renvoyer la solution aux “calendes grecs” avec tout ce que cela impliquerait comme accumulation du déficit et aggravation de la situation :

“Le Maroc est convaincu que la migration est trop riche pour être ramenée à l’immigration irrégulière, trop complexe pour être réduite aux perceptions stéréotypées associées aux migrants et trop utile pour être simplifiée en une équation binaire au postulat erroné et à la somme discriminante”, dixit le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Nasser BOURITA, lors de la 5ème Conférence Ministérielle Euro-Africaine sur la migration et le développement qui s’est tenue le mercredi 2 mai 2018 à Marrakech.

En un mot, la solution aux problèmes de l’immigration est intimement liée au développement, mère de toutes les batailles de nos pays africains depuis l’indépendance. Aujourd’hui, il serait fastidieux de vouloir focaliser encore sur la recherche de bonnes recettes de développement et de croissance.

Les diagnostics, l’état des lieux, le travail de “benchmarking”, ont été déjà faits.

C’est l’heure de la décision et de l’action en fonction de nos ressources avérées et explorables, mais aussi en fonction des besoins exprimés par les populations notamment les jeunes et les femmes tant à l’échelon local que national. Tout devrait être mis à profit pour répondre aux attentes, libérer les énergies et   émanciper nos jeunes de l’émigration clandestines et de ses aventures périlleuses et fâcheuses, tant pour nos pays que pour les pays d’Europe.

Le Maroc s’inscrit dans cette logique et œuvre à l’effet de mobiliser ses frères africains, leurs Gouvernements, leurs instances publiques et leurs sociétés civiles pour se mettre à la hauteur des grands desseins qui nous attendent.

 Son Excellence Monsieur Hassan NACIRI

 Ambassadeur de Sa Majesté Le Roi du Maroc au Mali

La rédaction

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