De jour en jour, le Mali perd confiance en ses enfants qui, pourtant constituent son avenir. Le pays pleure, il craint de ne pouvoir pas laisser d’héritiers responsables. Puisque tous ceux qui l’habitent ou le gouvernent n’ont le moindre amour pour lui. La crise sécuritaire, née d’autres crises inconsidérées, engendre de nombreuses autres crises sur son chemin. Pour analyser les causes de ce phénomène, le vrai débat échappe à tous.
Tout le monde ne sait qu’accuser l’État à chaque fois que le pays baigne dans des problèmes. Chose normale puisque c’est l’Etat le premier responsable. Il est garant des libertés fondamentales des citoyens ; gardien des institutions, de l’intégrité du territoire national.
L’Etat et le peuple sont deux faces d’une même monnaie
Il ne convient pas d’oublier également que l’Etat a bien des devoirs dont l’accomplissement préserve les droits des citoyens.
L’Etat attend un retour de la part de ses protégés. Il protège afin que chacun accomplisse en retour son devoir civique afin de lui rendre sa tâche facile.
L’État et le peuple doivent se compléter. Une fois qu’une partie se décharge sur le dos de l’autre, l’équilibre est rompu ; c’est le chaos. Puisque l’Etat et le peuple sont les deux faces d’une même monnaie.
Le peuple pense que ses droits sont immenses que ses devoirs. Il pense qu’il n’a que de droits. Son devoir se limiterait au vote. Un devoir qu’il n’accomplit également que par corruption. Puisqu’il ne vote que pour le parti politique qui lui aura promis le ciel et la terre. Une promesse accompagnée par les frais de condiments d’une journée.
Cela constitue une erreur. Puisque penser de la sorte, c’est vraiment oublier son devoir. Le peuple doit aider l’État dans ses prises de décision ainsi que dans l’application des décisions prises, ne serait-ce que de montrer son mécontentement face à telle ou telle loi ou décision. Il peut également dénoncer à l’Etat des violations des décisions prises.
Pour les attaques à répétition récentes contre les positions de l’armée malienne au « centre du pays » aussi bien qu’au « nord du Mali », nombreux sont ceux qui tiennent pour responsable les autorités de l’Etat ou la hiérarchie militaire. On oublie que le peuple doit contribuer à la sécurisation du territoire en fournissant des renseignements clairs à ses protecteurs.
Les autorités de l’Etat doivent donner également aux citoyens la possibilité de les aider. Pour dénoncer une violation, fournir des renseignements, faudrait-il au préalable que le dénonciateur ait connaissance de la loi qui sied en la matière ou sache comment fournir des renseignements. Mieux, que le peuple ait confiance à l’armée nationale.
Karl Popper, philosophe anglais contemporain, a fait comprendre la capacité de corruption du pouvoir. Rares sont ceux qui réussissent, seuls, à se sauver de ce pouvoir. Il corrompt même le plus parfait des hommes, l’homme vertueux.
Dans ces circonstances, c’est le peuple qui doit se montrer actif pour éviter que les dirigeants commettent une situation irréparable pour toute la nation.
La décadence des valeurs sociétales au Mali
La société malienne aujourd’hui est en décadence sur le plan des valeurs culturelles. Nul ne se remet en cause. Tous se déchargent sur les autorités parce que c’est la démocratie, tout le monde peut critiquer sans pour autant avoir besoin d’arguments fondés.
Beaucoup de situations peuvent se produire dans un Etat sans que ce soit la volonté des autorités suprêmes. Dans la plupart des cas, elles n’ont pas le choix. Mais il suffit que le peuple se manifeste pour que les choses rentrent dans l’ordre. Chose que les citoyens maliens font rarement de leur propre initiative.
Moult mauvais programmes apparaissent par exemple sur les chaines télévisées qui ne sont pas regardés par les enfants de ces dirigeants. Pourquoi ? Parce qu’elles connaissent l’influence néfaste de ces programmes sur l’éducation d’un enfant.
Que peuvent-elles faire pendant qu’elles ont les mains et la langue liées par ceux qui ne visent que la détérioration du niveau éducatif des enfants des pays africains ?
C’est au peuple de dire non à ces pratiques, puisque ce sont des programmes en désaccords avec ses mœurs.
Il doit exiger un contrôle des programmes à faire paraître sur les chaînes nationales. Les valeurs traditionnelles du Mali devront constituer 80% des programmes des télévisions nationales.
Quant aux chaines internationales, c’est à chacun selon son vouloir. Chaque parent, s’il le souhaite, peut empêcher à ses enfants d’avoir accès à ces autres programmes en les codant.
Tant qu’on ne cessera pas de montrer aux enfants des programmes de violence sur les chaînes télévisées, les violences prendront difficilement fin en Afrique, et plus particulièrement au Mali.
Pour que ce contrôle puisse réussir, l’Etat seul ne pourra pas. La mesure nécessite l’implication des parents qui doivent contrôler les activités des enfants sur les réseaux sociaux. Leur accès à certains programmes en ligne doit être également limité dans le même esprit.
Les citoyens doivent prendre conscience que la nation ne sera belle à vivre que lorsque les intellectuels seront des hommes éduqués ; que lorsque tout le monde restera conscient de son devoir.
La protection de l’Etat incombe à tous les fils du pays. Une fois que tous se déresponsabilisent, chacun devient complice de la violence au sein de sa société ou de sa nation.
« […] Nous éduquons nos enfants à la violence, et cette situation ne cesserait d’empirer si nous n’intervenons pas, prévient Karl Popper dans son livre La télévision, un danger pour la démocratie, car le changement emprunte toujours la voie la plus facile. »
Pour cette lutte contre la violence, l’État doit initier des séances de formation sur le bon usage de ces technologies. Des formations qui seront à l’endroit des concepteurs de programmes.
Grâce aux différents recensements de la population et à l’enregistrement des puces téléphoniques auprès des différents opérateurs de téléphonie, l’Etat peut contrôler le trafic de tous les utilisateurs de l’Internet. Afin d’empêcher aux mineurs d’accéder à des programmes qui leur sont interdit.
Ces formations consisteront à expliquer la façon dont les enfants perçoivent les images médiatiques.
Il est temps également que le Mali ait une législation chargée de règlementer le contenu des réseaux sociaux et des sites en ligne. « La civilisation consiste essentiellement à réduire la violence », souligne Popper.
« Il ne peut y avoir de démocratie si l’on ne soumet pas la télévision à un contrôle, indique cet intellectuel anglais, ou pour parler plus précisément, la démocratie ne peut subsister durablement tant que le pouvoir de la télévision ne sera pas complètement mis à jour. »
Cette mesure pour la télévision est de même pour toutes les autres formes de nouvelles technologies de l’information et de la communication.
La volonté commune des parents de mettre fin à ces scènes de violences au Mali est nécessaire pour éradiquer le fléau. Pour réussir, il convient d’abolir l’individualisme au sein de la société et surtout en matière d’éducation. La quasi-totalité des problèmes du Mali part de cet individualisme qui fait qu’entre eux, les citoyens ne s’acceptent plus.
Le bannissement de l’individualisme
« L’homme est un animal politique », avait souligné Aristote depuis l’Antiquité grec. Une affirmation qui met en exergue ce qui fait de l’homme le seul être fait pour vivre en communauté.
Aucun homme ne peut vivre isolé, à moins d’être un dieu (l’histoire de Robinson Crusoé en dit long sur cet aspect). Nul ne peut se suffire à soi-même. « L’homme vient entre les mains des hommes et il part entre leur mains », a fait savoir feu Seydou Badian Kouyaté, écrivain malien décédé le 28 décembre 2018.
L’individualisme est un grand danger pour la vie en société. Il peut être cause de violence au sein de la société lorsque personne n’a plus de considération pour ses semblables.
C’est pourquoi toute l’éducation dans les sociétés traditionnelles maliennes partait dans le sens du communautarisme. Aujourd’hui, c’est plutôt l’individualisme.
Comme conséquence de cette marée individualiste, la débauche. Les parents n’ont plus de choix sur le comportement des enfants. S’habillant correctement en présence des parents, au dehors les enfants portent tout genre d’habits pour ne pas dire se déshabillent quasiment.
La cause de ce double jeu est que les enfants n’ont pas peur d’une autre personne en dehors de leurs parents biologiques.
Combien sont les parents aujourd’hui qui, pensant pouvoir bien encadrer leurs enfants ont fini par comprendre et voir que ces mêmes enfants finissent par être victimes de grossesses non-désirées ? Le nombre est considérable.
L’individualisme ne peut pas mener une société au développement. Pour réussir l’éducation des enfants, il faut que tout le monde s’y implique, sans aucune discrimination.
Cette forme d’éducation est nécessaire aujourd’hui si le Mali veut arriver à une résolution définitive de la crise protéiforme qu’il traverse.
Un pays en crise d’intellectuels
L’autre problème dont souffre le Mali aujourd’hui est qu’il est rempli d’intellectuels sans éducation. Des gens instruits mais incapables de résoudre le moindre problème.
L’importance de l’éducation est d’avoir un esprit ouvert. Si tel n’est pas le cas, rien ne vaut la grande instruction que vous aurez reçue.
En tant qu’intellectuel, il convient d’avoir conscience de la façon par laquelle on a été éduqué ; comment cette éducation se faisait et à quoi elle vous a servi. Ignorer cela, c’est retomber dans l’analphabétisme.
Le vrai intellectuel, n’osera point opter pour l’individualisme éducatif ou tout simplement l’individualisme au sein de la société.
Pour reprendre Sir Karl Popper, la « société close » ou société fermée, où il n’y a pas de solidarité, de débat critique, d’acceptation de l’autre avec sa différence et ses ambigüités, est une société statique, une société qui ne se développera pas.
Le Mali est la figure de cette société aujourd’hui. La Société close et ses militants s’étend largement sur cet aspect.
Il faut opter pour une « société ouverte » pour espérer un développement durable. Cette société prône l’objectivité, favorise l’intersubjectivité en matière d’éducation. C’est une société évolutive, où le débat rationnel critique est possible, la multiplicité des identités est acceptée.
Sans l’entraide, il n’y a pas de développement. Aucune société ne peut évoluer sans une assistance mutuelle de ses membres les uns des autres. « L’union fait la force », dit un adage.
Il faut accepter de s’unir pour résoudre tous les problèmes auxquels la société malienne est confrontée. Il faut bannir les différences et laisser les identités se mêler les unes des autres pour voir rayonner un Etat prospère et uni.
Fousseni TOGOLA
Source: LE PAYS