La question qui taraude les esprits est : a-t-il été abandonné en plein vol ? Car le CNT ne peut oublier un de ses membres, même en mission privée en territoire hostile.
Alors pourquoi ce silence embarrassant qui suscite toutes sortes de commentaires sur les réseaux sociaux, désormais baromètre de la gouvernance dans notre pays ?
Se mettre derrière le paravent de la mission strictement privée pour laisser l’honorable Mamadou Hawa GASSAMA à son triste sort de bagnard de la MACA serait un changement de paradigme de notre politique en matière de la défense de nos concitoyens.
En effet, jusqu’ici l’orgueil et l’honneur de la transition était qu’elle n’abandonne aucun Malien, notamment en détresse à l’extérieur du pays. Or, le parlementaire GASSAMA entre bien dans cette catégorisation.
Le fait qu’il soit en prison pour des prétextes privés et à l’occasion d’un déplacement personnel n’enlève rien à son statut de conseiller, car il est toujours membre du CNT et il représente les Maliens même s’il n’a pas été élu.
Il ne s’agit pas de faire un communiqué pour amplifier, mais plutôt pour informer les Maliens, car le silence officiel entretient la suspicion de culpabilité. Il est en train d’attiser, par réseaux sociaux interposés, la haine entre les deux peuples.
GASSAMA, bien qu’en mission privée, se trouve être la victime expiatoire de la politique souverainiste qui s’était courroucé de voir débarquer dans notre pays en juillet 2022 de 49 rangers ivoiriens sans être invités.
C’est pourquoi l’arrestation de ce parlementaire violent rappelle l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens qui avait depuis pollué les relations entre nos deux pays.
Inculpé et placé sous mandat de dépôt à Abidjan le mercredi 2 juillet 2025 pour « outrage, incitation à la haine et incitation à la déstabilisation des institutions », l’honorable Mamadou Hawa GASSAMA paie en vérité le prix de son soutien, peut-être abusé, du général Assimi GOÏTA.
Pour qui connait l’honorable, il n’a pas sa langue dans la poche. Mamadou GASSAMA s’était illustré depuis l’embargo par des prises de position virulentes contre la Côte d’Ivoire, notamment à travers des publications et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Il n’avait pas mâché ses mots après l’annonce du retrait définitif du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO.
Bien présenté sous toutes coutures comme une affaire privée, l’arrestation de Mamadou Hawa GASSAMA, membre du Conseil national de Transition (CNT) qui résonne au-delà des frontières ivoiriennes comme un coup de Tabalé au Mali, ne peut être expurgée de dose diplomatique.
Voix virevoltante et virulente contre l’immixtion ivoirienne dans les affaires internes de notre pays, l’honorable GASSAMA n’a rien d’un activiste alpagué.
Arrêté au retour des funérailles d’une de ses tantes à Séguéla, il n’est pas aussi un petit emmerdeur des réseaux sociaux. Bien que insulteur public, il ne fait pas partie des vidéomans krikras.
L’honorable Mamadou Hawa GASSAMA, est un éminent membre du Conseil national de Transition interpellé par la police et cravaté par la justice ivoirienne à son arrivée à l’aéroport Félix Houphouët Boigny le jeudi matin, après un séjour d’une semaine à Abidjan pour des chefs d’infraction graves («outrage, incitation à la haine et tentative de déstabilisation des institutions»).
Connu pour avoir le verbe haut, pour son franc-parler, ses vérités acerbes et son alignement assumé en faveur des autorités militaires de la transition, l’arrestation de l’honorable GASSAMA sort largement de la rubrique des Chiens écrasés. Son interpellation ouvre un nouvel épisode dans la tension diplomatique entre notre pays et la Côte d’Ivoire, accusée, d’héberger et d’offrir le gîte et le couvert à tous les adversaires politiques pritiprata de la transition.
L’homme est coutumier des prises de position publiques, souvent polémiques, souvent incisives ou versatiles, notamment ses sorties récurrentes contre la CEDEAO et la Côte d’Ivoire, accusées, selon lui, d’ingérence dans les affaires souveraines de notre pays.
À la vérité, c’est sa liberté de ton qui lui vaut aujourd’hui des ennuis judiciaires en terre hostile.
Pour ceux qui suivent les relations diplomatiques en dents de scie entre notre pays et la Côte d’Ivoire, en détenant un haut responsable du Conseil national de Transition (GASSAMA te mogo ka M’Piè ye), Abidjan savoure sa revanche. Aussi, sans se prononcer officiellement, beaucoup de responsables de la transition et plusieurs Maliens estiment qu’il s’agit d’une affaire politique, d’un acte inamical et hostile envers un parlementaire muni de passeport diplomatique.
C’est pourquoi, l’affaire doit être traitée comme telle : une affaire diplomatique et officielle.
Mais sommes-nous fondés dans cette affaire GASSAMA d’opposer à la Côte d’Ivoire le droit international, notamment l’article 40 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ?
Selon cet Article 40 ‘’Si l’agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur le territoire d’un Etat tiers, qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa est requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour rentrer dans son pays, l’Etat tiers lui accordera l’inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour. Il fera de même pour les membres de sa famille bénéficiant des privilèges et immunités qui accompagnent l’agent diplomatique ou qui voyagent séparément pour le rejoindre ou pour rentrer dans leur pays’’.
En d’autres termes plus accessibles, le détenteur d’un passeport diplomatique bénéficie d’une immunité qui lui interdit d’être arrêté ou poursuivi à l’étranger, selon la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961. Normalement, les autorités ivoiriennes devraient procéder à l’expulsion, pas l’arrestation de l’honorable Mamadou Hawa GASSAMA qui dispose d’un passeport diplomatique en tant que membre du CNT. En l’empoisonnant malgré son statut diplomatique, la Côte d’Ivoire commet une violation du droit international et souffle sur les braises encore incandescentes entre elle et notre pays.
Au-delà des faits, une question mérite d’être posée : dans un espace sous-régional qui se veut démocratique, avec des représentants investis de légitimité parlementaire, n’aurait-il pas été plus judicieux de saisir les voies diplomatiques ou les mécanismes de dialogue interparlementaire pour régler un tel différend ?
La liberté d’expression, même lorsqu’elle dérange, ne doit pas être réprimée au mépris des principes d’immunité et du respect mutuel entre institutions.
Mais chacun sait que le Vieux Niamakudji n’a pas digéré l’affaire de ses 49 mercenaires venus renverser notre transition.
Et on dit de lui qu’il a la rancune tenace. En course pour un 5ᵉ mandat, l’Affaire de Mamadou Hawa GASSAMA est du pain béni pour le président Alassane Dramane OUATTARA qui ne s’en privera pas pour exalter et caresser les nationalistes dans le sens du poil.
Faut-il sacrifier l’honorable GASSAMA ?
Nul n’est indispensable à la préservation de l’honneur et de la dignité de la nation. Mais le devoir de la République n’est pas sûrement d’abandonner en plein vol ses serviteurs, fussent-ils parlementaires, verbeux et imprudents.
Nous sommes en guerre. Donc, on n’a pas le devoir d’abandonner un Malien en territoire hostile (depuis l’affaire des 49 mercenaires), entre les mains d’une puissance étrangère qui n’est plus très amie avec notre pays.
Donc : ‘’il faut sauver le soldat GASSAMA’’.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info Matin