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Covid-19 : Chronique d’un survivant bamakois

Les quelques lignes qui suivent sont le témoignage d’un malade de la Covid-19 qu’on appellera Ibrahim Yalcoué. Confiné depuis plus d’une quinzaine de jours, il nous livre les coulisses de sa prise en charge au Mali, très souvent en contradiction avec les discours officiels. Nous publions son témoignage tel que reçu, avec quelques retouches pour la syntaxe et l’orthographe.

 

« L’ennemi de la vérité n’est pas le mensonge, mais le déni entretenu par certaines croyances qui vont s’imposer à nous comme des certitudes », nous apprend le psychologue et écrivain français Jacques Salomé. Son assertion est plus que d’actualité au Mali. Malgré plus d’un million et demi de morts sur plus de 76 millions de cas dans le monde à la date du 20 décembre, on continue de croire que le nouveau coronavirus n’est qu’une « grippette ». Et les 222 morts maliens officiellement recensés, à côté de nombreux cas communautaires inconnus, n’y changent rien. On fait fi des mesures de prévention et, ce faisant, on continue à être victime et bourreau. Mais, cher lecteur, « puisqu’entre nous seule la vérité sied », je te réitère que la Covid-19 est une réalité. Ce déni, j’y ai consenti moi-même naguère et je l’ai appris à mes dépens.

Après plus d’un mois de traitement contre le paludisme et la fièvre typhoïde dans différents centres de santé de Bamako, mon médecin traitant me conseille finalement  d’aller passer un test Covid. Chose faite le 2 décembre au Centre de santé de référence (CSRéf) de la Commune VI. Quatre jours plus tard, le résultat se révèle positif. Je fournis des noms de personnes contacts. Puis, avec une fiche d’évacuation, le CSRéf me demande de me rendre à l’hôpital du Point G pour ma prise en charge. L’endroit, glacial et entouré d’un grillage de sécurité, est relégué tout au fond de l’hôpital, comme pour témoigner de sa hideur. Je m’y présente. À l’aide d’un oxymètre, un  médecin relève ma saturation en oxygène ainsi que ma fréquence cardiaque. Avant de déclarer : « ici on n’a plus de place pour recevoir des patients. Je vous explique le protocole de traitement que vous allez observer en isolement chez vous. Vous reviendrez sept jours plus tard pour un premier test de contrôle ». Le protocole, ce sont de deux plaquettes de comprimés d’azithromycine 250 mg, indiqués pour les infections des voies respiratoires inférieures, et expirant fin décembre 2020, et deux autres plaquettes de chloroquine 500 mg.

Mes sept jours de confinement ont été parsemés d’effets secondaires des médicaments. Fièvre, maux de tête, douleurs abdominales, fatigue, vomissements et diarrhée, un véritable calvaire, dont le paroxysme fut atteint par des gênes respiratoires deux nuits consécutives. À aucun moment le centre ne m’a appelé pour s’enquérir de l’évolution de mon état. Et sur les quatre personnes contacts dont j’avais fourni les noms, seul une a été appelé pour se faire dépister.

Dimanche 13 décembre. Je me rends au Point G pour mon premier test de contrôle. À 100 mètres du centre de prise en charge, un corps, dans un sac mortuaire noir, couché sur un chariot tiré par deux gaillards en combinaisons blanches, m’accueille.

C’est le premier décès de la journée. Dans le centre, nous sommes une dizaine à vouloir passer le test de contrôle. L’attente fut longue à cause de l’arrivée d’un cas critique, un vieillard en détresse respiratoire. Nous avons ensuite pu effectuer nos tests, dont les résultats devaient être disponibles deux jours après. Mais nous avons attendu jusqu’à une semaine sans succès, pour finalement être informés que nos prélèvements avaient été « égarés » par le laboratoire. Nous avons donc recommencé ce premier test de contrôle. Et jusqu’au 21 décembre nous ne savions pas si le virus était toujours présent ou pas dans nos organismes. On nous a demandé de rentrer, en nous disant que nous serions informés du résultat par téléphone. Ce test devait être suivi d’un autre, les deux devant se révéler négatifs pour que le patient reçoive son attestation de guérison. Même si tel n’était peut-être pas le cas, beaucoup de symptômes de la maladie avaient disparu, à part quelques palpitations au niveau de la poitrine et de la fièvre et des maux de tête par intermittence.

Ce n’est là que mon vécu de la prise en charge au centre Covid-19 du Point G. Un véritable casse-tête, qui irrite et nous montre combien la situation sanitaire au Mali est au bord de l’essoufflement. Les centres sont saturés, les kits de prélèvement s’épuisent et des patients meurent de détresse respiratoire par manque de respirateurs. Alors, chers lecteurs, respectez les mesures barrières et dites-vous que « quand on aime ses proches, on ne s’approche pas trop ». Au Point G, pour rappel, les boîtes d’azithromycine expirent fin décembre 2020. Et janvier 2021 n’est pas loin.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

Source : Journal du Mali

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