Abidjan, 30 oct 2016 (AFP) – Les 6,3 millions d’Ivoiriens appelés aux urnes ont commencé à voter dimanche lors du référendum sur une nouvelle Constitution voulue par le président Alassane Ouattara et dont le principal enjeu sera la participation.
L’issue du scrutin ne fait guère de doute, l’opposition ayant appelé au
boycottage.
A Bouaké (centre-nord du pays) et dans quelques bureaux de la capitale
économique Abidjan, le vote a commencé à l’heure, vers 08h00 (locales et GMT).
“Je suis content de voter. Je fais ça pour mes enfants”, a expliqué à l’AFP
Soro Seydou, 61 ans et réparateur de télévision à Bouaké, ancienne capitale de
la rébellion de Côte d’Ivoire.
Toutefois, de nombreux bureaux tardaient à débuter les opérations à Abidjan
en raison de l’absence de certains membres de commissions électorales ou d’une
partie du matériel, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Ainsi, au bureau N°1 de l’école des Dauphins de Cocody à Abidjan, les
agents avaient bien mis en place le dispositif, mais il manquait les
enveloppes dans lesquelles les électeurs doivent placer leur bulletin.
Les bureaux doivent normalement fermer à 18H00. Les résultats devraient
être annoncés avant jeudi. Une source au sein de la Commission électorale
indépendante tablait sur “lundi en fin de journée, mardi au plus tard”.
“Nous sommes tous appelés à faire un choix, qui va consolider la
trajectoire de paix, de sécurité et de développement que nous avons entamée.
Un choix qui va tourner définitivement la page du passé” et des crises
politico-militaires qui ont secoué le pays pendant une décennie, a déclaré
vendredi lors d’une adresse radio-télévisée le président Ouattara.
Il a demandé à ses compatriotes “de se rendre massivement aux urnes”.
En août 2000, six mois après le coup d’Etat de Noël 1999, la deuxième
Constitution ivoirienne avait recueilli 87% de “oui” pour un taux de
participation de 56%.
– ‘Pas beaucoup d’engouement‘ –
L’opposition, qui juge le texte soumis au vote dimanche “rétrograde” et
“monarchique”, et certains observateurs, estiment qu’il faut que le pouvoir
actuel obtienne au moins le même score pour que le nouveau texte soit
légitime.
“Il n’y a pas beaucoup d’engouement”, note le chercheur Meite Mamoudou, qui
pronostique une “forte abstention”.
“Les dernières élections (présidentielle) montrent que la participation est
faible”, ajoute-t-il, soulignant qu’il y a “un fort taux d’illettrisme, donc
les gens ont du mal à connaître le texte”.
“Ce qui nous intéresse c’est la vie chère, sortir de la pauvreté. La
Constitution ne va rien changer. Je n’irai pas voter”, s’emporte de son côté
Bamory Koné, un mécanicien d’Adjamé, un quartier qui a pourtant voté
majoritairement pour le président Ouattara en 2015.
Selon le pouvoir, la nouvelle Constitution évacue notamment le concept
d'”ivoirité” en clarifiant les conditions d’éligibilité du président. Ses
détracteurs avaient reproché à M. Ouattara son origine burkinabè et contesté
son éligibilité (il n’avait pu se présenter que grâce à un décret).
Ce concept d'”ivoirité”, qui visait les étrangers, notamment ceux
originaires du Burkina Faso souvent présents depuis plusieurs générations, a
miné depuis le début des années 2000 la stabilité du pays. Pendant dix ans, la
Côte d’Ivoire a été coupée en deux entre un nord rebelle et un sud favorable à
l’ancien président Laurent Gbagbo.
Ce projet de troisième Constitution prévoit aussi la création d’un poste de
vice-président qui alimente tous les fantasmes. En outre, ce texte crée un
Sénat, institutionnalise la Chambre des rois et chefs traditionnels et étend
le domaine de compétence du Conseil économique et social à l’environnement.
De son côté, l’ensemble de l’opposition (deux coalitions distinctes) a
appelé au boycottage tandis que depuis sa prison à la Cour pénale
internationale de La Haye, l’ex-chef des “Jeunes patriotes” Charles Blé Goudé
a appelé à “un désert électoral pour dire +NON+ à cette imposture”.
Sans réussir une mobilisation forte, l’opposition a organisé plusieurs
rassemblements pour dire “Non à la IIIe république” (l’adoption du texte
ferait passer le pays de la IIe à la IIIe république). Au moins deux
manifestations interdites ont été dispersées à coups de gaz lacrymogène.
Pascal Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), fondé
par Laurent Gbagbo, principal parti d’opposition, estime que le texte a été
préparé “en catimini” et souligne que ni l’opposition ni la société civile
n’ont été consultées.
Source: AFP