A l’image de tout le processus de paix au Mali, le Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali paraît comme une structure inexistante.
Après un long processus de négociations inter-maliennes, l’Accord pour la paix et la réconciliation a été signé au Mali en mai et juin 2015.
Pour l’application de ce deal sur le terrain, le Comité de suivi de l’accord (CSA) a été mis en place. Ce dernier est composé notamment de représentants de l’Etat malien, de la médiation algérienne, des différents mouvements armés au nord, de plusieurs pays et institutions internationales.
Tout ce beau monde est supposé s’atteler inlassablement à la concrétisation de la paix et de la réconciliation au Mali. Sur papier, il n’y a aucune raison de ne pas croire aux chances de succès de ce comité. Mais la réalité est amère en ce sens que la structure peine à tirer son épingle du jeu.
De sa première réunion en juin 2015 à sa treizième session ordinaire les 28 et 29 novembre 2016 à Bamako, très peu de choses ont été réalisées, au point que l’Accord pour la paix et la réconciliation reste toujours dans l’impasse. Toutefois, à l’issue de chaque session du comité, les mêmes discours et expressions figées sont diffusés. Qui tente-t-on de rouler dans la farine ? Les difficultés du Mali sont connues de tous.
Les solutions à cette crise politico-sécuritaire ne sont pas hors de portée et il est évident que tout dénouement passera par un CSA performant.
Le problème de leadership au sein des mouvements armés mine le CSA. Conformément à certaines dispositions de l’Accord issu du processus d’Alger, les groupes armés signataires du deal ont droit à des représentants au sein du CSA. C’est ainsi qu’avant la tenue de la première session du CSA, il leur a été demandé de designer des représentants devant siéger au sein de la structure. Un problème de leadership a alors fait surface au sein de groupes armés. Par exemple, lors de la première session du CSA, certaines délégations contenaient 15 membres alors qu’il n’en fallait que 5. Ce qui n’était d’ailleurs pas surprenant étant donné que les intérêts sordides et non la quête de la paix et du bien-être social, ont toujours prévalu au sein de ces groupes armés. Cependant, le hic est qu’aujourd’hui ce même problème de leadership parmi les ex-rebelles entrave toujours la mise en œuvre de l’Accord pour la paix.
Hypocrisie
Des observateurs disent avoir l’impression que les délégués de certains mouvements armés au sein du CSA ne sont pas assez représentatifs de leur base. Aussi, les scissions au sein des groupes armés font que les échanges deviennent compliqués avec eux. Dans ces conditions, il est difficile de savoir qui prend réellement des décisions et quelle personnalité représente légitimement quelle faction armée. C’est pourquoi, il n’est pas étonnant que certaines mesures du CSA soient rejetées sur le terrain par un quelconque mouvement rebelle.
La présidence algérienne du CSA pose aussi problème. L’on se souvient que dès la mise en place du CSA, la présence algérienne à la tête de la structure avait fait des grincements de dents. Le déroulement des choses donne aujourd’hui raison à ceux qui étaient sceptiques quant à la capacité du médiateur algérien de relever le défi à la tête du CSA. Les sessions du CSA se succèdent sans que l’Algérie ne tape du poing sur la table. Le président du CSA, le diplomate algérien Ahmed Boutach assiste impuissant aux manœuvres dilatoires des groupes armés. A l’issue de la dernière session du CSA tenue cette semaine à Bamako, M. Boutach a admis volontiers que des « volets » de l’Accord connaissent des « retards d’exécution, notamment la mise en place des autorités intérimaires et du Mécanisme conjoint de sécurité ». Que propose donc l’Algérie face aux multiples obstacles? Cette question est d’autant plus pertinente que le président du CSA se contente de condamner et de laisser faire. A ce rythme, il va de soi que les groupes armés ne prennent pas l’Algérie au sérieux. Ce pays paierait peut-être le prix de sa duplicité tout au long de ce processus de paix.
De l’imposture, les Maliens en auront beaucoup vu avec la Mission de l’Onu au Mali (Minusma). Membre elle-aussi du CSA, la Minusma ferait plutôt les affaires des groupes armés que celles du Mali et de la paix. L’on ne ressent pas la présence de la Minusma au sein du CSA alors que son mandat l’oblige à s’impliquer pleinement dans toutes les initiatives pouvant déboucher au retour de la paix au Mali. La structure onusienne se prend constamment les pieds dans les tapis. D’un côté, les groupes armés lui mettent de la poudre aux yeux alors que de l’autre côté la Minusma prend des engagements auprès du gouvernement qu’elle ne respecte finalement pas. Le CSA peut être un cadre idéal pour aplanir toutes ces difficultés, mais la Minusma n’en profite guère.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
Source: lesechos