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Clash au sommet de l’Etat : Le président interdit le conseil des ministres au vice-président !

Entre confusions de préséance administrative et juridique et tardives velléités d’indépendance du président de la Transition envers ceux qui l’ont nommé, de lourds nuages assombrissent les relations au sommet de la Transition. Selon toute vraisemblance, Bah N’Daw tente de s’émanciper de son vice-président, Assimi Goïta. Qui l’a nommé !

 

Le Colonel Bah N’Daw a-t-il décidé de se donner quelques couleurs ? On peut en effet se poser la question. Il y a environ deux mois, nous assure une source, le vice-président a cessé de participer aux sessions du conseil des ministres. Vraisemblablement, ce serait le président de la Transition, le Colonel Bah N’Daw, qui aurait ordonné cette mesure en faisant valoir que dans la nomenclature exécutive, un vice-président n’aurait aucun rôle à jouer au sein de cette instance.

Bien que la Charte de la Transition ait flanqué un second, aux allures de réel premier, aux basques du président transitoire, le Colonel Bah N’Daw aurait néanmoins justifié sa décision par le fait que le Colonel Assimi n’est porteur d’aucun dossier et ne dispose pas de l’équipe technique d’un Secrétariat général pour émettre un avis, voire peser dans l’adoption ou non d’un projet soumis à l’approbation du conseil des ministres.

Le Colonel Sadio Camara, ministre de la Défense et des Anciens combattants, aurait tenté d’intervenir. Le numéro 2 du gouvernement Ouane aurait plaidé auprès du président Bah N’Daw que le vice-président, en charge des questions de défense et de sécurité, devait assister aux séances du conseil des ministres, compte tenu du contexte sensible et des enjeux sécuritaires liés à tout ce qui se rapporte à la gestion du pays, nous rapporte la même source. En vain, le Colonel Bah Daw serait resté inflexible et aurait même évoqué une reconstitution de l’architecture exécutive si cela s’avérait nécessaire.

Pour mieux marquer le coup, comme on le dit, le président de la Transition a encore procédé récemment à la nomination d’un cadre militaire à une importante responsabilité sécuritaire stratégique, sans consulter ou soumettre cette décision à son taiseux vice-président et tout-puissant régent de la junte et de la transition.

Le sombre Colonel de Kati, patron du pronunciamiento du 18 août dernier, est pourtant celui qui a ‘’nommé’’ Bah N’Daw à ce poste, après une mascarade de désignation collégiale, consécutive à la pression de la CEDEAO et des partenaires du Mali.

Et depuis lors, comme bien pour signifier à qui appartenait la réalité du pouvoir post 18 août, Assimi Goïta avait en effet pris l’habitude de faire peser une présence significative à tous les actes de souveraineté relevant du président de la Transition.

Comme dans un marquage à la culotte pour filer une métaphore footballistique, le vice-président assistait aux audiences présidentielles, avant de recevoir plus tard, à la suite du président et au même titre que lui, les mêmes émissaires et plénipotentiaires dépêchés auprès de la Présidence de la République.

Un président potiche

Depuis son élévation à la magistrature suprême transitoire, Bah N’Daw a dû faire face aux multiples couleuvres que ‘’ses fils’’ n’ont cessé de lui faire avaler, au point de ternir très rapidement sa réputation, usurpée ou réelle, d’homme inflexible sur les principes.

À des années-lumière et certes dans un contexte tout autre, le Colonel Bah N’Daw vit ce que le Colonel Tojo du Japon avait vécu avant lui, avec également de jeunes colonels dont les égarements tragiques avaient fini par le conduire à la pendaison.

À la différence tout aussi notable, ceux-ci étaient des ultra-nationalistes patriotes, soucieux de la grandeur de l’Empire du Soleil levant et de leur nation et non de leur confort personnel, tout le contraire de la bureaucratisation sonnante et trébuchante actuelle des cadres de l’armée malienne.

Le président transitoire aura bu la coupe jusqu’à la lie : nominations comme celui de son aide de camp par Assimi et des décrets antidatés, parfois signés par lui contre tout bon sens à l’instar des décrets portant critères et clés de répartition et de nomination des membres du CNT, censure de facto notamment par, entre autres, le malencontreux retrait de son adresse à la Nation après l’avoir d’abord considérablement expurgée d’importantes séquences avant de l’annuler purement et simplement, sans son avis, etc. Le Colonel président de la Transition s’était résigné à finalement accepter son rôle de Prince-consort, voire de président potiche qui n’était même parfois pas autorisé à arroser les chrysanthèmes.

Mais il faut reconnaître, à la décharge d’Assimi Goïta et de ses amis, que cet illustre inconnu était très peu taillé pour la fonction et peine d’ailleurs à l’occuper depuis. Bah N’Daw, aux dires de connaisseurs, ne doit sa fameuse réputation de ‘’démissionnaire forcené’’ qu’à son incapacité professionnelle rédhibitoire à faire face aux difficultés des fonctions, non à ses ‘’visions prophétiques’’ contrariées, comme lui et ses thuriféraires aiment à le faire croire.

Outre des oukases qui ont semé doutes et divisions au sein de la nation et très peu propices à l’apaisement, la preuve en a également été fournie à travers la multiplication de ses bourdes provocatrices, à l’issue d’envolées martiales, risquant de précipiter la transition vers des conflits sociaux, syndicaux et même politiques à l’issue incertaine.

Quand, par ailleurs, on ne prend de toute façon pas le pouvoir pour en laisser la jouissance à un tiers, au demeurant tard venu, on comprend donc que les proconsuls aient vu en leur ‘’présidentiel oncle transitoire’’ davantage un prétexte qui devrait être plutôt heureux d’être cantonné dans les ors de la République et leur laisser la gestion des ‘’affaires sérieuses’’ de l’Etat.

Le président de la Transition s’y était résolu, jusqu’à une date récente, quand il s’est vu servir depuis quelque temps de ‘’punching ball’’ favori de Mahmoud Dicko. Cependant, ses nouvelles velléités d’indépendance, vis-à-vis de ceux qui l’ont fait Roi, ne présagent nécessairement pas une reprise en main, avec un exécutif dispersé et en peine de priorités.

La tentative de Bah N’Daw de s’exonérer du contrôle de ‘’ses’’ jeunes colonels ne pourra guère impacter la situation d’incertitudes due aux desideratas de l’imam qui souhaiterait une reconfiguration du gouvernement afin d’y être davantage représenté.

Certes, le président de la Transition dispose, théoriquement et par bien des moyens, du décret de dissolution de l’exécutif, mais en user constituerait un casus belli aux conséquences incalculables. Si bien que les chrysanthèmes ont des chances d’être arrosés pendant quelque temps encore !

 Moussa Touré

Source : Nouvelle Libération

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