Ainsi donc, ils ont finalement accepté de fumer le calumet de la paix un mois après les autres. Ils auront finalement fait le déplacement de Bamako, même certains faucons, pour vanter les bienfaits de la paix ! Il n’y a donc plus de vide sur le document de l’accord de paix, puisque la CMA y a finalement apposé sa signature. Un geste salué par des applaudissements retentissants après que les uns et les autres eurent entonné l’hymne national du Mali, chose encore impensable il y a quelques jours seulement. La question maintenant est de savoir quel genre de fumée va dégager le calumet et surtout quel genre de tabac y sera mis.
Car il ne faudrait pas qu’en le fumant, certains n’essayent d’endormir les autres avec des produits psychotropes pour se rétracter après. Car si parvenir à un accord de paix aura été un véritable chemin de croix, le rétablissement de la paix est un processus encore plus complexe avec d’innombrables embûches. D’ailleurs, pendant que la forte délégation de la CMA signait enfin l’accord de paix à Bamako, à Kidal, des adversaires au processus, ont voulu montrer leurs muscles en organisant une marche de protestation dont la mayonnaise a eu du mal à prendre.
De même, à Paris, des éléments égarés, disons une dizaine de personnes, ont tenté aussi d’organiser une manifestation pour dénoncer cet accord unanimement salué par la communauté internationale, même s’il est loin d’être parfait. Il faudra donc tenir compte de ces réactions, quoique marginales, mais qui démontrent à suffisance que certains acteurs chercheront par tous les moyens à torpiller le processus de paix. En tout cas, avec cette signature, quelques soient les réserves que les uns et les autres pourront formuler, le Président de la République et son gouvernement marquent un bon point. Car depuis le début de la toute première rébellion dans les années 60, c’est la première fois qu’un accord de paix connaisse son aboutissement à Bamako.
Que le comité de suivi se réunisse, immédiatement après la cérémonie de parachèvement de la signature, dénote que les différents acteurs entendent désormais aller vite et bien. Une réunion qui intervient quelques jours seulement avant le renouvellement du mandat de la Minusma avec un budget revu à la hausse et un nouveau concept sécuritaire qui sera mis en place. A priori, le cantonnement et le désarmement des combattants devraient permettre d’apporter plus de visibilité sur le terrain, en permettant de faire le distinguo entre les terroristes et les groupes rebelles. Mais pour ce faire, il faudrait au préalable que les sites de cantonnement soient déterminés et qu’ils répondent à un minimum de conditions pour éviter une dispersion des combattants regroupés, comme cela a déjà été le cas.
Il ne faut pas se voiler la face, c’est le plus difficile qui commence maintenant et il y aura des hauts et des bas. L’espoir suscité ce 20 juin 2015 faiblira par moment avant de reprendre des couleurs. Le doute ne sera jamais loin et les opposants à la paix feront tout pour le propager davantage. Mais la détermination des uns et des autres devrait permettre au processus de pouvoir se poursuivre. C’est une chance qui s’offre aujourd’hui au Mali, une chance certes fragile et volatile. Mais c’est à nous de savoir nous en saisir car, comme le disait Jules Renard, « l’homme libre est celui qui ne craint pas d’aller jusqu’au bout de sa raison ».
Avec cette signature, la CMA se retrouve aussi face à son destin. Les dissensions surgiront de ses rangs et les tensions seront vives. Mais de leur capacité à pouvoir conjurer ces soubresauts dépendra en grande partie la réussite du processus de paix. L’autre partie étant l’attitude que prendra la communauté internationale. Les agendas sont nombreux et les intentions cachées le sont autant. Au gouvernement malien de savoir décrypter les différents signaux et de pouvoir faire preuve d’anticipation et de bonne communication pour éviter de se retrouver face à une défiance de son opinion nationale. Le calumet de la paix est allumé. Fumons le avec mesure et envie, et évitons de nous retrouver derrière un écran de fumée toxique.
La rédaction