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CENTRAFRIQUE. Hollande face au défi de la transition politique

François Hollande se rend ce soir à Bangui, signe de son investissement personnel dans la transition politique.

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Une foule en liesse, des drapeaux français portés hauts, des “vive la France”. Hollande l’Africain accueilli en héros. Nous ne sommes pas à Bangui, mais à Bamako, au Mali, le 2 février dernier. L’opération Serval avait été lancée un mois plus tôt pour arrêter la descente vers le sud des colonnes de djihadistes. L’intervention fut un succès. Depuis, une élection présidentielle a été organisée sous l’égide des Nations unies et sous le regard attentif de la France, et plus de 3 milliards d’euros d’aide au développement ont été débloqués.

Moins d’un an plus tard, François Hollande rend de nouveau visite aux troupes française, cette fois sur le sol centrafricain. Fait exceptionnel, ce premier déplacement –très bref- du chef de l’Etat a lieu seulement cinq jours après le début de l’opération militaire Sangaris, dont l’objectif principal est de restaurer l’ordre après des exactions commises, notamment, par des anciens rebelles de la Seleka et des anti-balaka considérés comme des fidèles de l’ancien président François Bozizé. François Hollande atterrira dans la soirée, de retour des obsèques de Nelson Mandela en Afrique du Sud.

Si la population devrait être au rendez-vous et l’acclamer pour leur avoir redonner espoir, on sera loin de la ferveur malienne. Pour François Hollande, l’urgence n’a jamais été aussi pressante : deux soldats ont été tués lors d’accrochages dans la capitale. La campagne de désarmement des ex-Seleka débuté lundi est plus difficile que prévue et extrêmement dangereuse. Le désarmement ne fait pas non plus l’unanimité parmi les populations musulmanes qui craignent que la Seleka ne puisse plus les protéger contre les représailles des partisans des anti-balaka.

Est-ce pour cela que François Hollande a décidé de s’investir personnellement dans la transition ? Alors que les élections doivent avoir lieu en 2015, le président français a évoqué la nécessité “d’aller le plus vite vers des élections avant 2015”, après avoir sévèrement critiqué le président par intérim, Michel Djotodia, issu de la Seleka, pour n’avoir “rien pu faire” et même “laissé faire”. “On ne peut pas laisser en place [ce] président”. Le voilà prévenu. Plus diplomate, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a assuré qu’il fallait “travailler” avec les actuelles autorités centrafricaines, “même si elles ont des difficultés”. Mal à l’aise, Michel Djotodia a répondu qu’il avait tout le “soutien” des autorités françaises… Mardi soir, François Hollande le rencontrera tout de même. Il s’agira d’ébaucher une feuille de route pour la transition politique, dans un pays qui n’a jamais connu la stabilité.

Un Etat en faillite

Les acteurs de la crise centrafricaine se sont mis d’accord pour mener la transition en dix-huit mois. Une gageure pour bon nombre d’observateurs et de spécialistes. Depuis le Mali, la France a établi comme une sorte de modèle d’intervention autour de trois type de calendriers :

– militaire avec le déploiement de soldats,

– diplomatique avec une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et une force de maintien de la paix onusienne

– politique avec notamment des élections.

Appliqué en Centrafrique, cela devient plus compliqué. Pour Roland Marchal, chercheur au CNRS, la situation est “radicalement différente” de celle du Mali. “En Centrafrique, on ne prend pas la mesure de l’état de déréliction de la population en dehors de Bangui. Sous François Bozizé, il ne restait plus grand-chose -et on n’a rien dit. Et ce qui restait dans les capitales des régions a été détruit pas la Seleka. Le ministre de l’Intérieur ne sait pas même pas où se trouvent ses 17 préfets ! Je comprends bien la France qui garde le souvenir désastreux de la Côte d’Ivoire où, sous prétexte de régler certains problèmes, on a attendu 10 ans pour organiser des élections… Mais, la Centrafrique n’est pas le Mali non plus qui avait un sud qui fonctionnait et où, finalement, le seul souci a été de négocier des élections au nord, à Kidal. Le reste s’est fait relativement facilement.”

Des politiques illégitimes

Et le défi est d’autant plus grand qu’il est difficile de s’appuyer sur les autorités de transition : l’actuel président est impopulaire, critiqué et ne peut endosser le rôle de gestionnaire de l’après-Sangaris. Ni même le Premier ministre, avec qui Paris a tendance à privilégier le dialogue. “Le déficit de légitimité va au-delà du président. Michel Djotodia n’est pas le seul responsable et Paris ne devrait pas le pointer du doigt comme seule figure de perdant. Les responsables politiques, le Premier ministre en premier, passent plus de temps à l’étranger qu’a essayer d’aider et de rassurer les populations à l’intérieur”, juge sévèrement Roland Marchal. “Aujourd’hui, il y a urgence à remanier cette équipe qui n’est pas brillante, et à faire des efforts importants pour ‘recrédibiliser’ le gouvernement.”

De fait, depuis l’accession au pouvoir de Michel Djotodia, le pays a sombré chaque jour un peu plus dans le néant. En juin 2013, dans un épais rapport, l’International Crisis Group mettait en garde contre le risque que la République centrafricaine devienne ingouvernable. “Ce risque est dorénavant réalité”, écrit aujourd’hui l’organisation internationale qui précise : “La Centrafrique est aujourd’hui confrontée à trois défis : à court terme, restaurer la sécurité et l’ordre public et fournir une aide humanitaire d’urgence ; à moyen terme, mener à bien la transition politique qui doit durer dix-huit mois ; à long terme, rebâtir l’Etat. La transition et la reconstruction de l’Etat ont pour préalable le retour d’une sécurité minimale.”

Une polarisation religieuse

François Hollande a prévu de rencontrer les autorités religieuses de Centrafrique. Quelle peut être l’influence de ces dernières dans les affrontements qui ont pris une tournure religieuse ? “Un dialogue interreligieux existe déjà aujourd’hui et il est une composante de la réconciliation”,  précise Roland Marchal. “Mais il faut rappeler qu’il n’existe pas de communauté musulmane et chrétienne. Les musulmans de Centrafrique ont des origines ethniques diverses. Du côté chrétien, ce n’est guère mieux : les églises protestantes sont rivales entre elles et avec l’Eglise catholique. Cette dernière sort d’une crise de dix ans, des prêtres se sont tapés dessus ! Ce qui fait l’unité de chacune des religions, c’est cette polarisation d’un camp contre un autre.”

Dans son rapport, l’International Crisis Group estimait qu’il fallait à moyen terme “mettre en œuvre des initiatives de dialogue interreligieux et des projets de reconstruction urgents dans les zones d’affrontement, et plus particulièrement dans les villes où les chrétiens et les musulmans vivent séparément”.

Et l’économie ?

Alors peut-on organiser, comme dans de nombreux autres pays, une “Commission dialogue et réconciliation ?” Là encore, pour Roland Marchal ce modèle ne tient pas : “Une telle commission peut plaire à la communauté internationale. Mais il est d’abord question de droits à donner ou redonner à des populations. On ne peut pas juste faire dans le discours moral sur le vivre-ensemble. Les gens se reconsidéreront uniquement lorsqu’il y aura à manger et plus de sécurité. En somme, uniquement quand l’économie repartira. C’est cela la réconciliation ! Et je regrette que les questions économiques soient totalement mises de côté par la communauté internationale. Tout le monde pense au diamant, à l’uranium, au pétrole, mais personne ne pense à l’agriculture. Avec de petites améliorations, on peut complètement changer les conditions de vie des populations. Il faut remettre les choses à plat avec les opérateurs africains.”

Sarah Diffalah

Le Nouvel Observateur

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