Le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram a affirmé vendredi détenir le prêtre français enlevé dans la nuit de mercredi à jeudi par des hommes « lourdement armés » au nord du Cameroun, près de la frontière entre les deux pays,
« Je peux vous confirmer que le prêtre français est aux mains des moujahidines de Jamaat Ahl al-Sunna Li Da’wat al-Jihad (nom arabe de Boko Haram), qui a mené l’opération en coordination avec Ansaru », a déclaré à l’AFP une source au sein du groupe. Ansaru est une émanation de Boko Haram et a déjà revendiqué dans le passé des enlèvements d’étrangers.
Ces déclarations n’ont pu être confirmées dans l’immédiat par d’autres sources.
Dès jeudi soir, le gouvernement camerounais avait désigné Boko Haram, qui avait revendiqué l’enlèvement en février d’une famille française dans cette même région, comme l’auteur du rapt du père Georges Vandenbeusch dans sa paroisse de Nguetchewe (environ 700 km au nord-est de Yaoundé), à une trentaine de kilomètres de la frontière entre les deux pays.
« Les moujahidines en diront davantage au monde au sujet des otages le moment venu », a ajouté la source à Boko Haram.
Le gouverment nigérian ne s’est pas exprimé pour le moment sur ce dossier, tandis que le gouvernement français est resté prudent.
« On est en train de préciser les circonstances de son enlèvement, essayer de retrouver qui l’a enlevé et tous les moyens sont déployés pour essayer de le retrouver », a expliqué jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
De leur côté, les Etats-Unis ont inscrit – quelques heures avant l’enlèvement du prêtre – sur leur liste noire « terroriste » Boko Haram et Ansaru, soupçonnés d’entretenir des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Boko Haram est « responsable de milliers de morts dans le nord-est et le centre du Nigeria ces dernières années », a souligné Washington. Quant à la faction qui a fait sécession en 2013, Ansaru, elle a « enlevé et tué » plusieurs étrangers, selon les Etats-Unis.
« Ils cherchaient de l’argent »
Au Nigeria comme au Cameroun, des forces de sécurité étaient déployées vendredi pour retrouver les ravisseurs du père Vandenbeusch, enlevé par une « dizaine d’hommes lourdement armés », a assuré à l’AFP un officier de la police camerounaise sous couvert d’anonymat.
Plusieurs témoignages ont fait état dès jeudi de la fuite des ravisseurs et du religieux français au Nigeria après son enlèvement. Des éléments matériels corroborent cette hypothèse.
« Dans la précipitation, les assaillants ont abandonné (sur le sol camerounais) 309 balles de fusil d’assaut Kalachnikov », et les « papiers officiels du prêtre (ont été) retrouvés le long de la route » menant au Nigeria, a rapporté vendredi la radio d’Etat camerounaise.
Une valise vide avec un chéquier au nom du religieux a également été découverte sur cette même route.
Selon des soeurs présentes dans la paroisse au moment de l’enlèvement mercredi vers 23H00 (22H00 GMT), les ravisseurs « cherchaient de l’argent ». « Ils nous ont demandé de l’argent », a raconté l’une d’elles, soeur Françoise, à l’AFP.
Une source policière camerounaise ayant requis l’anonymat explique que les services de renseignement camerounais soupçonnaient Boko Haram de planifier des « enlèvements d’Européens » dans l’extrême Nord, sans pouvoir identifier les cibles potentielles des ravisseurs.
La zone « était formellement déconseillée du fait du risque terroriste et du risque d’enlèvement », selon Paris.
« Il lui avait plusieurs fois été précisé que c’était une zone dangereuse », et « on lui avait recommandé expressément de ne pas y rester, mais il avait estimé qu’il devait y rester », a ajouté M. Fabius.
Le rapt du curé est survenu dans la région où sept Français d’une même famille, les Moulin-Fournier (un couple, leur quatre enfants et le frère du mari), avaient été enlevés en février lors d’une visite au parc naturel de Waza. Ils avaient été libérés fin avril.
Leur rapt avait déjà été revendiqué par Boko Haram, qui a déclenché en 2009 une sanglante insurrection dans le nord du Nigeria – attentats-suicide, attaques à l’arme légère, assassinats ciblés. Depuis mai, les forces de sécurité nigérianes mènent une vaste offensive meurtrière contre les fiefs du groupe.
Le père Vandenbeusch s’occupait notamment d’aider les quelque 10.000 réfugiés nigérians ayant fui au Cameroun.